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Mai 68 : Hillary Clinton expérimentait un féminisme très gauchiste
©ANGELA WEISS / AFP

Bonnes feuilles

L'année 1968, la pire de toute l'histoire américaine ? Les sixties ont marqué la société américaine et développé un imaginaire qui s'est transmis jusqu'à nous. Avec l'élection inattendue de Donald Trump, l'Amérique est retournée dans son passé, avec ce constat terrible : en souhaitant ramener son pays en arrière - persuadé qu'il y était plus heureux -, son nouveau Président s'attaque à la déconstruction, brique par brique, des éléments du progrès déposés par les enfants de 1968. Extrait de "1968 : quand l'Amérique gronde" de Jean-Eric Branaa, publié chez Privat. (1/2)

Jean-Eric Branaa

Jean-Eric Branaa

Jean-Eric Branaa est spécialiste des Etats-Unis et maître de conférences à l’université Assas-Paris II. Il est chercheur au centre Thucydide. Son dernier livre s'intitule Géopolitique des Etats-Unis (Puf, 2022).

Il est également l'auteur de Hillary, une présidente des Etats-Unis (Eyrolles, 2015), Qui veut la peau du Parti républicain ? L’incroyable Donald Trump (Passy, 2016), Trumpland, portrait d'une Amérique divisée (Privat, 2017),  1968: Quand l'Amérique gronde (Privat, 2018), Et s’il gagnait encore ? (VA éditions, 2018), Joe Biden : le 3e mandat de Barack Obama (VA éditions, 2019) et la biographie de Joe Biden (Nouveau Monde, 2020). 

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Les femmes

[…] Ce n’est pas encore une femme émancipée qui est décrite dans les médias, mais ça en prend le chemin. On sent déjà que l’engagement politique des femmes, même s’il va prendre encore un peu de temps avant de devenir réellement plus fort, se construit une base durant ces années-là. C’est d’ailleurs à cette période qu’Hillary Clinton, la première candidate désignée par un des deux grands partis pour le représenter dans une élection présidentielle fait ses « classes politiques ». Comme son futur mari, William « Bill » Clinton, Hillary Rodham est en effet une enfant de 1968. Elle a alors 21 ans et elle se consacre à un mémoire de 92 pages sur Saul Alinsky, un écrivain américain considéré comme le maître à penser de la gauche radicale américaine. Déjà, la jeune Hillary a développé de vraies qualités pour affirmer les préoccupations qui seront les siennes tout au long de sa vie et en témoigne notamment par la traditionnelle déd icace que l’on fait dans un tel travail. En fait, cette dédicace n’est pas, dans son cas, si traditionnelle que cela, mais tellement en phase avec son temps : « Bien que je n’ai pas d’épouse adorée à remercier pour s’être si bien occupée des enfants pendant que je me consacrais à l’écriture, j’ai quand même quelques amis et professeurs qui ont contribué à la réalisation de ce travail et que je voudrais remercier. » Cette réflexion très féministe et très gauchiste est surprenante de la part de la jeune-fille, qui a grandi à Chicago dans une famille de la classe moyenne et qui, imprégnée des idées de ses parents, a déjà intégré les jeunesses républicaines, soutenant même Goldwater en 1964, affublé d’un costume de cow-girl, un chapeau de cowboy sur la tête et l’inscription « AuH20 » gravée dessus.

Avec les années 1960, les femmes affirment effectivement une volonté de s’impliquer politiquement et créent des mouvements non-mixtes. Ces groupes se réclament de la gauche et s’inscrivent dans une pensée contestataire et alternative, inspirée par le marxisme. Mais, aux États-Unis, ces initiatives restent encore marginales, alors que ces groupes essaimeront beaucoup plus dans d’autres pays, comme par exemple en France. Ce sont eux, par exemple, qui sont à l’origine d’un mouvement dans l’hexagone en 1972, qui proteste contre la fête des Mères, avec le slogan : « Fêtées une journée, exploitées toute l’année ! » Aux États-Unis, de tels groupes restent donc cantonnés à une semi-clandestinité, ce qui s’explique aisément dans un contexte de guerre froide intense. On retient pourtant le nom d’Evelyn Reed du Socialist Workers Party, dont le nom a émergé dès la fin des années 1950. Le mouvement féministe américain n’est pas un ensemble uni et compact à cette période et les demandes qui sont plurielles donnent naissance à des directions qui le sont tout autant19. D’autres groupes non-mixtes préfèrent s’appuyer sur la pensée de Lorraine Hansberry et sa célébration de la sexualité lesbienne dans la pièce qu’elle vient de publier quelques années auparavant. Très vite, Hansberry rejoint Les Filles de Bilitis, la première association lesbienne américaine. Mais en 1968, cette organisation est en proie à de violentes querelles internes, car les plus jeunes veulent insuffler un courant encore plus révolutionnaire. Lors de la convention organisée cette année-là à Denver, dans le Colorado, elles ne sont qu’une vingtaine à faire le déplacement. Le groupe survit encore quelques années avant de disparaître.

La période est intense, tant par les activités que par les pensées qui la traversent, et le féminisme s’enrichit donc lorsque la sexualité ou la redéfinition de l’institution de la famille s’ajoutent aux questions devenues plus traditionnelles qui touchent aux inégalités. On parle alors de violence domestique et même, déjà, du viol de la part du mari. Les féministes mettent en place des refuges pour les femmes qui veulent s’enfuir et réclament des changements dans les lois sur le divorce ou pour la garde des enfants. Jusqu’alors, la garde est automatiquement confiée au mari en cas de séparation. Les questions, à vrai dire, se bousculent et tout reste à coordonner à un plan plus national, car les féministes américaines se cherchent encore en 1968 et n’ont toujours pas créé un mouvement fort et qui peut leur permettre de se faire entendre, faire avancer leurs idées et faire évoluer les mentalités. Il y a clairement encore une hésitation entre deux voies, un féminisme modéré et un autre plus radical. […]

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