Loi Travail : mais à quel jeu joue le MEDEF ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
Loi Travail : mais à quel jeu joue le MEDEF ?
©Flickr / AAAAlx

Trouble jeu

Le MEDEF est-il un discret allié du gouvernement dans l'élaboration de la loi Travail ? Plusieurs indices ont d'ores et déjà rappelé que, pour la confédération patronale, le texte était loin d'être aussi cataclysmique que son président ne l'a dit. Le report de toute décision sur la ligne à suivre annoncé aujourd'hui a confirmé le profond dilemme auquel les grandes entreprises sont confrontées aujourd'hui.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

Voir la bio »

La ligne Gattaz contestée au MEDEF

Pierre Gattaz avait plusieurs bonnes raisons de se réjouir du texte gouvernemental. En premier lieu, ce texte faisait la part belle au poids du MEDEF dans le monde patronal, en lui majorant automatiquement ses voix de 20%. Certes, les députés ont écarté cette disposition dans l'attente d'un meilleur accord entre les parties patronales. Mais, pour Gattaz, ce seul motif valait bien un soutien discret.

En outre, le texte apporte d'importantes avancées pour les grandes entreprises qui font l'élection du président du MEDEF. Il permet, à ce stade, de nombreuses dérogations à la loi par accord d'entreprise, en excluant les PME de ce privilège. Comment refuser un tel cadeau ?

Face aux hésitations de Gattaz, c'est la base qui a commencé à gronder. En particulier, le risque d'une surtaxation des CDD a beaucoup ému les entreprises qui consomment volontiers cette formule. C'est d'ailleurs sur ce point que surfe habilement la CGPME, avec son opération Patrons Vent Debout!. Les entreprises inquiètes de cette surtaxation ont exigé de Pierre Gattaz une réaction ferme vis-à-vis des dérives du texte.

Gattaz se cornérise tout seul

De façon assez inattendue, Pierre Gattaz a donc répondu à l'attente de ses adhérents en... menaçant de boycotter la négociation sur l'assurance chômage. Beaucoup, dans le monde patronal, ont été désarçonnés en découvrant dans la presse cette annonce tonitruante.

Pour le MEDEF, la menace est particulièrement absurde. La convention assurance-chômage est en effet un texte purement paritaire. Il n'est pas contresigné par le gouvernement. Certes, l'Etat apporte sa garantie aux emprunts (colossaux) de l'UNEDIC, ce qui fait de lui un interlocuteur absent, mais pesant, dans les négociations. Formellement, néanmoins, menacer de quitter une table paritaire en rétorsion contre l'attitude d'une partie qui n'est pas prenante au débat est absurde.

Pire : le boycott du MEDEF dans cette négociation est un pousse-au-crime. Le départ du MEDEF légitimerait en effet une reprise en main du dispositif par le gouvernement. Celui-ci, sous la férule de Valls, a commencé à mettre plusieurs pieds dans le processus en intervenant directement sur le régime des intermittents. Plusieurs années auparavant, la création de Pôle Emploi avait constitué une première immersion forte dans le système. Une sortie du MEDEF signerait la fin du paritarisme dans la gestion du régime-chômage.

Le sparadrap Gattaz colle aux mains des patrons

Voilà donc le monde patronal prisonnier de la promesse gasconne de Gattaz (une de plus) et bien embarrassé pour agir. De deux choses l'une : ou bien le MEDEF se désolidarise complètement du texte El Khomri (notamment parce que le rôle des accords d'entreprise est vidé de tout contenu) et on voit mal en quoi déserter la négociation assurance-chômage servirait la cause. Au contraire, il vaudrait mieux rester pour peser dans le sens inverse de celui voulu par le gouvernement. Ou bien le gouvernement rencontre les demandes du MEDEF (par exemple en actionnant le 49-3), et le MEDEF n'aura plus guère le choix : il sera de fait engagé à signer n'importe quelle convention assurance-chômage.

Dans tous les cas, l'impulsion de Gattaz se révèle difficile à gérer et ne fait guère l'affaire des PME, qui ont vraiment besoin de desserrer l'étau réglementaire pour retrouver des marges de manoeuvre internes.

Une fois de plus, le duo privilégié que le gouvernement forme avec le MEDEF joue un vilain tour aux entreprises de croissance en France.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !