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Loi climat : ce que font -ou pas- les pays les plus investis dans la lutte contre le dérèglement climatique
Loi climat : ce que font -ou pas- les pays les plus investis dans la lutte contre le dérèglement climatique
©Thibault Camus / POOL / AFP

Innovation technologique

Au regard des classements et des indices permettant de distinguer les pays les plus investis dans la lutte contre le dérèglement climatique, la Suède et le Royaume-Uni sont les bons élèves, selon l'indice de performance climatique (CCPI). La Chine, les Etats-Unis et l'Inde sont en revanche pointés du doigt. La France est mobilisée sur la question avec l'examen du projet de loi climat à l'Assemblée nationale.

Loïk Le Floch-Prigent

Loïk Le Floch-Prigent

Loïk Le Floch-Prigent est ancien dirigeant de Elf Aquitaine et Gaz de France, et spécialiste des questions d'énergie. Il est président de la branche industrie du mouvement ETHIC.

 

Ingénieur à l'Institut polytechnique de Grenoble, puis directeur de cabinet du ministre de l'Industrie Pierre Dreyfus (1981-1982), il devient successivement PDG de Rhône-Poulenc (1982-1986), de Elf Aquitaine (1989-1993), de Gaz de France (1993-1996), puis de la SNCF avant de se reconvertir en consultant international spécialisé dans les questions d'énergie (1997-2003).

Dernière publication : Il ne faut pas se tromper, aux Editions Elytel.

Son nom est apparu dans l'affaire Elf en 2003. Il est l'auteur de La bataille de l'industrie aux éditions Jacques-Marie Laffont.

En 2017, il a publié Carnets de route d'un africain.

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Atlantico : À la lumière des différents classements hiérarchisant les pays les plus investis dans la lutte contre le dérèglement climatique, quelles sont les initiatives qui semblent avoir un impact le plus important ? Y-a-t-il des pays à prendre en exemples et d’autres qui nous montrent le contraire ?  

Loïk Le Floch-Prigent : Nous sommes en pleine confusion, on discute effectivement actuellement au Parlement d’une loi « Climat » tandis que certains appellent à des manifestations à travers le pays sous le prétexte que le texte ne «  va pas assez loin », tandis que lorsque l’on fait des classements de vertu climatique la France se situe parmi les meilleurs occidentaux. Les monologues, car il serait inexact de  de parler de débats, sur le climat mettent l’accent sur de multiples manques sur des sujets qui n’ont rien à voir avec le réchauffement climatique ou les dérèglements climatiques. La pandémie qui frappe toutes les familles n’arrange rien puisque des experts autoproclamés croient y voir la vengeance de la terre contre la mauvaise utilisation qu’en fait l’humanité ! La peur, l’angoisse, orchestrées depuis quelques décennies sur la disparition de la seule planète habitée par des humains conduisent à concentrer la culpabilité sur un sujet « urgent », le climat. On en vient alors à exiger d’un Gouvernement d’un petit pays qui compte pour à peine un pour cent du problème posé à « aller plus loin » sans jamais pouvoir définir l’efficacité des mesures préconisées. En fait même si notre pays s’arrêtait de vivre, rien ne changerait en ce qui concerne le climat sur la planète Terre, et tout ce que nous pourrions faire, sans suicide collectif, n’a aucune incidence sur les difficultés soulevées. Les initiatives les plus intéressantes concernent les grands pays à population dense et à émissions de gaz à effet de serre énormes et ce n’est pas de nous qu’il s’agit.

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Par exemple on a défini que la concentration des gaz à effets de serre étaient parmi les causes du dérèglement climatique, gaz carbonique, oxydes d’azote et méthane. L’utilisation des énergies fossiles, charbon, pétrole et gaz est considérée comme fautive tandis que la démographie croît et qu’elle entraîne à la fois l’utilisation de ces énergies et d’autre part la respiration de plus en plus de personnes prenant l’oxygène de l’air pour en rejeter du gaz carbonique. Le contrôle de la démographie des pays qui « explosent » actuellement paraît donc une priorité qui conduit à la fois à un contrôle des naissances et à un ralentissement du recours aux fossiles qui représentent 85% de l’énergie utilisée dans le monde. En dehors d’une coercition autoritaire visant à la décroissance, on sait que l’électrification des pays est un impératif pour modérer les naissances allant de pair avec une éducation des filles et une égalité hommes/femmes. Par ailleurs le charbon est la plus mauvaise énergie si la combustion est incertaine, les pays qui passent d’une utilisation individuelle des poêles à des centrales électriques  modernes à très haute température peuvent gagner jusqu’à 95% en émissions fâcheuses. Quelques centrales  à charbon innovantes remplaçant les utilisations individuelles dans ces pays comme l’Inde ou la Chine sont les véritables efforts à effectuer pour changer la dynamique actuelle. C’est inaudible chez nous, c’est pourquoi il faut continuer à dire et à écrire que sur l’environnement, il faut penser globalement et agir localement !

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Notre action en termes quantitatifs ne peut avoir qu’une influence infime sur le dérèglement climatique, c’est donc sur notre influence scientifique, technique et industrielle que nous pourrions compter, mais la confusion des esprits, les réflexes antisciences, la prolifération de dogmes et de postures, le déni de réalité à propos du nucléaire… n’aident pas à faire prendre au sérieux nos élucubrations parlementaires actuelles. C’est dommage car si notre action n’a aucune efficacité globale, nos expérimentations pourraient être suivies ici ou là. Mais refuser, par exemple, la poursuite de l’exploitation pétrolière et gazière sur notre sol n’a aucun intérêt pour la planète tandis que les pays à potentiel hydrocarbures ne rêvent que de découvertes leur permettant la mise à disposition d’une énergie abondante et bon marché. Nous péchons donc par nombrilisme dans un monde qui lutte pour sa survie.

Nous avons cependant  un développement plutôt bien disposé à l’égard du dérèglement climatique et les pays du globe nous regardent éberlués de notre aptitude à nous flageller et finalement à faire le contraire de ce que nous professons, par exemple en diminuant la part du nucléaire dans notre électricité, ce qui augmente mécaniquement les émissions de gaz à effet de serre.

La future loi climat en débat à l’assemblée nationale présente-t-elle des mesures concrètes pouvant nous amener à être innovant dans cette lutte ou s'agit-il de simples gadgets de communication ? De quoi devrions-nous nous inspirer pour respecter nos engagements environnementaux ?  

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Faut-il disposer d’une lorgnette ou d’un microscope ? En tous les cas il serait difficile de trouver dans la loi climat une innovation susceptible de faire progresser l’humanité. C’est un mille feuilles de poncifs éculés de militants de la décroissance que le Gouvernement a essayé d’édulcorer pour satisfaire une part écologiste de son électorat sans désespérer le reste du pays. Cet exercice déçoit ou irrite le pays dans son ensemble, mais il n’est pas dit que ce texte ne soit pas finalement voté la lâcheté des uns égalant le manque de courage des autres.

Un exemple parmi tant d’autres, l’interdiction de l’avion pour des trajets pouvant être effectués par des trains rapides ! Il n’y a donc pas un expert transports au Parlement ? Toute la littérature sur la concurrence intermodale et la complémentarité est inconnue ? Et le bon sens, le simple bon sens populaire a disparu ! La rue vous dit « heureusement il nous restera la voiture… avant qu’ils nous la suppriment ». C’est une mesure idiote, indéfendable, qui contredit toutes les connaissances accumulées depuis des lustres.

On peut égrener tout le contenu de la  loi, ce ne sont qu’interdictions et punitions avec une définition d’un bien qui lutte contre le mal . Il n’y a pas de planète dans tout cela, il n’y a qu’une religion voulant contraindre, en attendant la nouvelle inquisition avec la création de la police de l’environnement chargée de déceler le crime d’écocide. L’industrie déjà désignée comme première victime expiatoire pourrait rapidement disparaitre dans ce nouveau pays « climatique ».

En fait chacun a bien compris que nous étions en train de massacrer notre environnement et notre beau pays, et la révolte du peuple contre la multiplication désordonnée des éoliennes sur notre sol et notre littoral en est une illustration visiblement mal comprise par les religieux écologistes qui ont abandonné le combat pour une vie meilleure. Tous les responsables de ce pays sont désormais engagés dans une lutte de tous les instants pour l’amélioration collective du cadre et des conditions de vie. Mais quels sont les coûts et à quelle vitesse pouvons-nous avancer ? Cela dépend des endroits, de l’histoire, des réalités, des techniques… beaucoup de choses que nous ne maîtrisons pas. Il n’y a donc pas de « loi » qui puisse conduire à une meilleure utilisation de notre pays, il y a une transformation en profondeur de ses habitants qui sont inquiets de ce qu’ils vont laisser à leurs enfants et que la pandémie fait encore plus réfléchir aujourd’hui. Cette loi « religieuse » et « idéologique » tombe donc au plus mal alors qu’il y a  une prise de conscience collective et qu’elle conduit à des actions volontaires ou acceptées. Le Parlement est en train de dire à un peuple traumatisé : « vous en êtes là parce que vous avez péché » alors qu’il était en train en toute liberté de prendre ses responsabilités pour éviter les gaspillages et la fuite en avant.

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Si l’on regarde en arrière les premiers élans de politique environnementale, on peut, au contraire, observer une prise en compte majoritaire des nécessités de l’heure, mais, hélas, en contradiction totale avec la loi d’obligations et de punitions actuellement en discussion. Le peuple était prêt à la liberté responsable on lui répond par l’infantilisation subie.

L’idéalisme de certaines ambitions écologiques nuit-il à la réalisation concrète de ces objectifs climatiques ? Comment trouver la mesure entre ce qui est réalisable et ce qui devrait être réalisé ?

C’est le manque de connaissances scientifiques qui est à la base des problèmes des ambitions écologiques. On se souvient de l’initiative malheureuse du Maire de Bordeaux contre le sapin de Noël, alors qu’il est assis sur un bureau en bois sur lequel on voit du papier et que son costume brille de rayonne… C’est la confusion par manque de travail en profondeur qui nous projette à tout moment dans un univers incertain. On peut certainement progresser mais en trouvant des solutions qui visent à l’universalité, c’est-à-dire aux 99% de non français de la planète terre. Pour cela il faut s’appuyer sur la science, la technologie et l’industrie et non les combattre.

Par exemple il est clair qu’une partie de la pollution urbaine est due aux véhicules thermiques. Mais l’alternative vélo, trottinette pose des problèmes de générations et de cohabitations intermodales. Par ailleurs il reste à démontrer que le véhicule électrique a un bilan carbone meilleur que le véhicule thermique revisité pour la ville. Il pollue moins mais il peut être négatif pour le climat, cela va dépendre des progrès des uns et des autres. Par conséquent il est nécessaire d’être prudent quand on affirme un objectif et les moyens d’y arriver et il serait sage, dans un premier temps, de bien distinguer une finalité climat de celle de la pollution qui peuvent diverger. Mais la pensée écologiste actuelle croit tout savoir et surtout veut imposer les solutions vertueuses. Elle se trompe lorsqu’elle attaque bille en tête l’aviation régionale, le véhicule diesel, lorsqu’elle préconise en tout lieu l’éolien ou le solaire, lorsqu’elle veut faire disparaitre le nucléaire… il faut revenir tranquillement aux objectifs à atteindre et aux moyens d’y parvenir, pays par pays, région par région, ville par ville en expérimentant, en faisant des retours d’expérience et en faisant confiance à la population pour évoluer dans la bonne direction avec des incitations diverses mais sans abuser des mesures autoritaires et des bureaucraties castratrices hostiles par essence à la flexibilité et à l’innovation. Le peuple a bien compris avec ce fonctionnement erratique technocratique de la pandémie qu’il n’avait plus rien à attendre d’un fonctionnement que la loi climat voudrait étendre à l’essentiel de sa vie quotidienne.   

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