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Les robots ne prennent pas notre travail, nous leur donnons. Comment l’embourgeoisement conduit à l’automatisation.
©John MACDOUGALL / AFP

Les entrepreneurs parlent aux français

Les machines nous remplaceront, non parce qu'elles sont plus productives, mais parce que nous ne voulons plus l'être.

Denis Jacquet

Denis Jacquet

Denis Jacquet est fondateur du Day One Movement. Il a publié Covid: le début de la peur, la fin d'une démocratie aux éditions Eyrolles.  

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Les robots ne demandent rien. Si la chair est faible, les circuits sont encore impuissants ! Les hommes les construisent et les programment. Les robots, et les hommes qui les « animent » remplissent simplement un vide. Celui de notre refus du travail, celui lié à notre envie de tout avoir sans effort. Et d’avoir à profusion, nombre de choses inutiles, que la société de consommation nous a vendu comme le critère absolu du bonheur. L’embourgeoisement enfante la robotisation, bien plus que la volonté de productivité retrouvée, des entreprises.

Au départ était l’homme. Un insecte face aux géants qui avaient peuplé la planète avant eux, et qui disparurent, incapable de s’adapter aux bouleversements lié à d’immenses séismes qui secouèrent notre planète pendant des semaines. Cet « insecte-grand singe » était ingénieux, et sa branche la plus astucieuse et organisée, les Sapiens, domine désormais le monde. Provisoirement selon Yuval Harari. Il était doté d’une force physique assez exceptionnelle, uniquement disputée par la puissance croissante de son cerveau. Il ne voyait donc rien de particulièrement dégradant à être chasseur-cueilleur. Il l’a été des centaines de milliers d’années. Et finalement s’en portait plutôt bien.

Il bossait quelques heures par jour, sa seule pointeuse étant constituée de la satisfaction des besoins du groupe. Pas besoin de Nike, Adidas, de TV incurvée, ni de la cigarette du cowboy, pour être heureux. Une vie assez socialiste finalement. Une petite collectivité auto-suffisante, qui avait compris que tout était dans la complémentarité, sans qu’aucune école élitiste ne vienne leur expliquer que certains étaient plus importants que d’autres. Chacun étant nécessaire à l’autre mangeait la même quantité, et la méritait pour avoir ramené le produit de la chasse ou de la pêche, comme les autres. Aucune honte à l’époque de se servir des moyens que la nature avait mis à la disposition de l’homme. Ses muscles. Ses jambes.


Le légionnaire Romain, qui conquit l’Europe, et le monde tel que les Romains le mesuraient, faisait l’équivalent d’un marathon par jour, avec un sac de près de 50 à 80kg sur le dos, sans la cocaïne dont Hitler « bourrait » ses soldats pour les rendre plus résistants, et sans le contrôle d’un quelconque CHSCT, ou de normes européennes. Et je ne parle pas du gladiateur.. et de tant d’autres. Jusqu’à une période pas si ancienne, mon grand père livrait du charbon, sur son dos, et n’est jamais venu brûler de rond-point, ni arracher les portraits de Simone Veil à Paris.

L’étrange évolution du monde a transformé l’utilisation d’une force naturelle, en une faiblesse congénitale, l’a même rendue honteuse. La montée en puissance du cerveau et de l’éducation nous a rendu condescendant, et a aboutit à créer une fracture, voire une discrimination quasi raciale, entre celui qui vit de son cerveau sur celui qui vit de ses jambes. Sauf au foot, où l’inutilité évidente du cerveau n’empêche en rien des rémunérations délirantes, qui devraient laisser pantois les commentateurs du salaire de Carlos Ghosn. Mais avoir un cerveau ne nous met pas à l’abri des paradoxes ! En clair, nous sommes devenus un cerveau perché par obligation sur un corps, qui doit être à son service et reléguer le manuel ou le musculeux, à la lie de la société. Nous devenons obèse (forte augmentation dans tous les pays), sédentaires (excès Asiatique notamment sur les jeux vidéos) au point que les jeux digitaux de sport commencent à égaler en gains et audience ceux qui nécessitent de produire un peu de sueur. Nombre de ces champions du mulot sur canapé, sont déjà obèses et champions de foot digital. On est en plein délire.

Le monde fait de nous une honte à la création, une honte pour nos ancêtres qui avaient compris que l’association du corps et de l’esprit était essentielle à l’équilibre et que l’équilibre nécessitait le respect équitable, de la tête et des jambes. Nous devenons des rois fainéants, réduire nos efforts physiques semblent l’orientation la plus notable du Sapiens, qui ainsi renonce à tout ce qui ressemble à un effort physique. La nature ayant horreur du vide, la nature économique particulièrement, elle cherche donc des solutions de remplacement. Et le robot qui lui ne pourra pas se plaindre ou faire de discrimination, car il fera comme il a été programmé pour le faire, remplacera bientôt nos jambes, avant que nous ne trouvions la suprême nouvelle frontière de la fainéantise, celle qui consistera à déléguer notre intelligence, mémoire et intuition à la machine. Nous ne serons alors ni jambe, ni cerveau, juste une enveloppe vide, de contenu et de sens, et nous l’aurons bien mérité !

Ces gilets jaunes qui s’agrippent aux rondpoints comme les moules à leur rocher, refusent chaque jour des emplois bien payés, mais « pénibles ». Selon une définition de la pénibilité que notre obésité intellectuelle et physique nous dicte un peu plus chaque jour. Mon boucher cherche depuis 6 mois un boucher à 3 500€ net par mois… pendant qu’ils crient leur « misère ». Cherchez l’erreur.

La robotisation fonctionnera car elle est la cure à la paresse du monde occidental, et demain à celle des pays qui s’enrichissent et s’engraissent, pensant que la croissance économique et la consommation rendent intelligent et dès lors, que le corps n’est qu’une nécessité mécanique. Le robot nous remplacera non du fait d’un complot démoniaque du monde de la finance, des Amazon et Ali Baba du monde qui voudrait éliminer l’humain, mais simplement de notre volonté à accéder au statut de mollusque éclairé.

Une fois ces millions d’emplois disparus, nous n’aurons plus que nos yeux pour pleurer, utilisant ainsi un des derniers muscles que l’évolution anthropologique n’aura pas encore fait disparaître. Des millions d’hommes et femmes à qui l’on a promis  et vendu un bonheur sans effort, oubliant au passage que tout le monde n’a pas le même QI, et qu’il n’y a pas de honte à utiliser sa force physique quand on a la chance d’en être doté, oubliant au passage ce que nos ancêtres avaient compris, qu’un groupe d’individu quelque soit sa taille, vit de complémentarité et non d’égalité. Encore moins d’égalitarisme. Ces hommes et ces femmes, sans emplois, deviendront les mendiants obèses d’un monde malade, qui se sera déclassé pour avoir trop voulu se surclasser ou donner une mauvaise définition à ce surclassement.

Mais la chute sera moins rude, car incapables de se servir de leurs jambes, incapables de mourir debout, ils mourront allongés, assis pour les plus téméraires. Après une vie au revenu universel, remplacés par des robots, qui comme nos ancêtres, trouveront normal de se dépenser pour gagner. Et qui un jour peut être, devenus intelligents eux aussi, auront le privilège de devenir aussi stupides que nous, et d’engraisser leurs circuits à se rendre numériquement obèse. Le côté positif, c’est qu’alors ils proposeront alors aux humains de les remplacer !!! La vie, après tout, n’est qu’un cycle…

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