Les représentants de l’Islam de France ne savent pas se montrer à la hauteur de la situation et voilà pourquoi<!-- --> | Atlantico.fr
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Chems-Eddine Hafiz, recteur de la Grande Mosquée de Paris, en janvier 2020
Chems-Eddine Hafiz, recteur de la Grande Mosquée de Paris, en janvier 2020
©BERTRAND GUAY / AFP

Islam de France

Et on ne parle pas là des Français musulmans eux-mêmes mais de ceux qui parlent en leur nom

Alexandre del Valle

Alexandre del Valle

Alexandre del Valle est un géopolitologue et essayiste franco-italien. Ancien éditorialiste (France SoirIl Liberal, etc.), il intervient dans des institutions patronales et européennes, et est chercheur associé au Cpfa (Center of Foreign and Political Affairs). Il a publié plusieurs essais en France et en Italie sur la faiblesse des démocraties, les guerres balkaniques, l'islamisme, la Turquie, la persécution des chrétiens, la Syrie et le terrorisme. 

Son dernier ouvrage, coécrit avec Jacques Soppelsa, Vers un choc global ? La mondialisation dangereuse, est paru en 2023 aux Editions de l'Artilleur. 

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Atlantico : Les représentants des cultes ont été reçus par Emmanuel Macron au lendemain de la grande marche contre l'antisémitisme. Une marche au cours de laquelle les représentants du culte musulman ont brillé par leur absence. Explication de Chems Eddine Hafiz lundi matin. Le recteur de la grande mosquée de Paris a déclaré qu'il aurait "fallu faire une marche de lutte contre le racisme et non contre l'antisémitisme". Ce propos vous étonne ? Est-il à la hauteur de ce qu'attendent les français musulmans modérés dans ce pays?  

Alexandre Del Valle : D’abord, je voudrais dire que beaucoup de musulmans sont sensibles à l’antisémitisme. Certains pays musulmans, comme le Maroc par exemple, ont accueilli les juifs chassés d’Espagne. Le problème n’est donc pas les musulmans mais plutôt l’islam de France qui est représenté par des associations liées à des Etats, des pays musulmans qui ont tous une rhétorique extrêmement radicale contre Israël et qui, de plus en plus, voient les juifs comme suspects. Ce qui veut dire que ce n’est pas au sein de la population musulmane elle-même que se trouve le vrai problème, mais au sein de ses représentants qui se battent entre eux pour les représenter.

Chems Eddine Hafiz est beaucoup moins modéré que son prédécesseur, Dalil Boubakeur. Depuis qu’il est recteur de la Grande Mosquée de Paris, on a une dérive très démagogique, pro Macron, très anti-FN et en même temps très pro Algérie. Le recteur de la Mosquée de Paris est très politiquement correct tout en faisant des surenchères pro-algériennes. J’ajoute que c’est quand même l’homme qui avait insulté Charlie Hebdo. Son bras droit avait fait un procès à Charlie Hebdo. Ce sont des gens qui ont un agenda très lié à la politique intérieure algérienne, qui ne sont pas libres et qui sont obligés de hurler avec les loups. 

Chems Eddine Hafiz n'est pas du tout à la hauteur de ce que pensent les Français musulmans dans ce pays. Cet homme n'est pas libre quand il veut faire une marche contre le racisme et non contre l'antisémitisme, alors qu'en fait il s'agit d'agressions et de menaces envers les juifs. Il veut faire une équivalence ignoble, entre le bourreau et la victime. C'est comme si on disait juifs et nazis, réconciliez-vous ! On est au même niveau. Quand on met le bourreau et la victime au même niveau, ce n'est pas digne. Mais il est obligé de faire. Dans le cas contraire, il sera accusé de faire le jeu du sionisme. C’est d’ailleurs assez malin. L'idée de dire que c'est le racisme responsable et pas l'antisémitisme, c'est une façon de dire que les trois religions seraient toutes équivalentes. Quand il y a un islamiste qui frappe, c'est la faute de tout le monde. C'est une façon de diluer la responsabilité que l'on doit avoir. Il n’y a pas ce travail d’introspection, c’est dommage. Pour lui, les musulmans sont une communauté sans tâche. En l'occurrence, aujourd’hui en France, nous ne voyons pas des musulmans régulièrement égorgés par des juifs. Au contraire, c'est plutôt régulièrement des juifs, des chrétiens et des athées ou des musulmans apostats qui sont égorgés, tués ou menacés par des islamistes. Depuis Samuel Paty, on sait très bien qui agresse qui. Diluer les responsabilités comme le fait Chems Eddine Hafiz en voulant une marche contre le racisme en général, c'est une façon d'exonérer finalement les islamistes qui sont à l'origine de 90 % des actes et des menaces antisémites. 

Vous avez travaillé sur les réseaux salafistes qui gangrènent les mosquées françaises. Qui finance les mosquées ? 

On a des organisations islamiques extérieures comme les frères musulmans ou le milieu Turc et des Etats qui exercent une influence énorme. Voici une courte liste :

-L’Algérie qui joue un jeu très occidental, très pro palestinien et qui a, globalement, soutenu le geste du Hamas.

-La Tunisie qui est devenue antisémite avec un Président populiste qui a carrément fait un hommage au Hamas. Ce qui est quand même assez incroyable pour un pays, qui a persécuté les frères musulmans, de soutenir le Hamas qui lui-même vient des frères musulmans. 

-Le Maroc, davantage neutre que vraiment engagé contre l’antisémitisme.

-Les Turcs qui représentent deux organisations de l’ex CFCM. La Turquie d’Erdogan est dans une rhétorique très pro Hamas. 

-Les Frères Musulmans qui sont carrément la matrice du Hamas

-Les Pakistanais qui sont très pro Hamas 

-Les salafistes radicaux qui sont plus que pro Hamas. Ils sont foncièrement anti juif et anti sioniste.

C'est presque impossible aujourd'hui pour les représentants du culte musulman d'être clean ou de manifester contre l'antisémitisme sans risquer une fatwa. 

Le seul imam qui, depuis des années, a systématiquement dénoncé l'islamisme radical ou qui a défendu les juifs contre l'antisémitisme islamique ; c'est l'imam Hassen Chalghoumi. Résultat : il ne peut pas circuler en France sans des gardes du corps et sa famille est souvent aux Émirats Arabes Unis. Il se sent plus protégé dans un pays musulman, les Emirats, que dans les banlieues françaises. Vous vous rendez compte?  C’est un état des lieux qui est dramatique. Pour moi, la plus grande forme de racisme depuis 40 ans c’est d’avoir confié les musulmans à des barbus des pays obscurantistes qui ont des valeurs différentes des nôtres. On a voulu répandre Voltaire et on les a laissés aux mains de gens qui ont une vision favorable à la charia. 

Les musulmans qui ont défilé Dimanche contre l’antisémitisme, sont-ils en rupture avec leurs instances représentatives ? Le CFCM représente-t-il quelque chose ? 

Les musulmans qui manifestent sont courageux. Ils ne sont pas en rupture avec leur mosquée, c’est bien plus que ça puisqu’ils prennent le risque d'être considérés comme des traîtres à la communauté. Ils ont osé rompre la solidarité communautaire et quasi tribale en osant montrer qu’il y avait des méchants dans la communauté musulmane. 

Il y a eu une délégitimation du Conseil Français du Culte Musulman récemment par les autorités françaises. Rappelez-vous, trois composantes sur cinq du CFCM avaient refusé de signer la Charte des musulmans de France. C’était justement une charte qui dénonçait les excès et tout ce qui, dans la charia, pouvait être contraire aux valeurs de la République. 

Donc les musulmans qui ont manifesté, je ne sais pas s'ils sont en rupture totale avec l'islam de l'Europe ou des organisations officielles, mais en tout cas ils sont venus en tant que citoyens musulmans et surtout pas à l'appel des mosquées. 

Les imams modérés craignent-ils pour leur vie ? Sont-ils menacés par les islamistes ? 

Les imams modérés sont tous, sans exception, menacés. 

Il y a quelques années, j'ai été en Egypte. J’ai rencontré le grand imam d'al-Azhar que j’ai interviewé pour Atlantico. Il combat les frères musulmans comme Al Sissi. J’ai vu que lui aussi avait peur. 

Quand l’imam d’al-Azhar a soutenu le Hamas ces jours-ci, ce n’est pas parce qu’il les soutient. Mais s’il ne le faisait pas, il pouvait être exécutés très rapidement. La pression islamiste est insoupçonnable. Il y a une haine et une mentalité totalitaire qui est très présente. C'est exactement pareil dans nos quartiers, ici, en Europe. On les a confiés à des organisations pakistanaises, aux Frères musulmans, aux turques, aux algériens… Ce sont des pays qui n’ont pas du tout nos valeurs. Nous n’avons pas été capable de créer un islam européen. C'est l'erreur depuis 40 ans. Voilà pourquoi il y a une rupture totale entre le musulman modéré et l'islam officiel. L'islam officiel en Europe n'est pas du tout un islam modéré, européen compatible avec nos valeurs. C'est l'islam de l'étranger et des organisations islamistes qui, même jusqu'au Parlement européen et à la Commission européenne, ont des appuis. Rappelez-vous la campagne en faveur du voile islamique financée par les réseaux antiracistes de la Commission européenne et du Conseil de l'Europe. 

Les pressions exercées sur les musulmans en France sont telles que c'est un miracle qu'il y ait encore beaucoup d'individus musulmans qui osent dénoncer et venir dans certaines manifestations. Pour eux c'est menace. Tous les musulmans modérés un peu visibles aujourd'hui vivent dans la peur. Ils sont souvent courageux. Ils sont harcelés par mail ou autres messages. Ils acceptent l'idée à chaque instant d'être assassinés.  

Dans les démocraties libérales, les islamistes sont tellement puissants qu'ils sont en mesure de faire peur à ceux qui sont compatibles avec nos valeurs et de valoriser ceux qui sont ennemis de nos valeurs. Et ça, c'est le plus grand échec des sociétés démocratiques. Nous voulons exporter les droits de l'homme dans les pays qui n'en veulent pas avec des interventions militaires ; mais par contre nous ne sommes pas capables d'assumer nos valeurs et de les défendre dans nos propres quartiers. 

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