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Les deux risques majeurs du coronavirus : une crise économique mondiale et un séisme géopolitique
©DANIEL LEAL-OLIVAS / AFP

Atlantico Business

Depuis une semaine, les modèles de prévisions ne cessent pas de tourner pour déterminer les conséquences probables du coronavirus. Et dans le monde entier, on estime désormais que les risques sanitaires, économiques et politiques sont considérables.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Pour l'instant, les risques mesurés sont autrement plus graves et plus inquiétants que ceux du réchauffement climatique. C’est ce qui filtre des premières analyses faites dans tous les laboratoires de recherche du monde entier, au FMI, à la Banque mondiale, dans les services de la défense des grands pays occidentaux. Mais c’est aussi ce qui ressort des grandes entreprises qui révisent désormais complètement leur programme d’allocations d’investissement, parce que dans le secret de leur logiciel, elles ne sont pas loin de s’attendre à des changements catastrophiques. Les prévisions très optimistes publiées ces dernières semaines à l’occasion de la publication des résultats 2019, qui étaient excellents, ont été très vites ravalées dans les cartons de l’histoire ancienne. Tous les programmes font machine arrière.

Les effets probables peuvent êtres classés en trois grandes catégories.

Les risques sanitaires.

Les risques économiques et financiers

Les risques politiques.

Les risques sanitaires ne sont pas, pour l’instant les plus inquiétants. Selon les derniers relevés, il y aurait certes plus de 10 000 humains officiellement contaminés, principalement en Asie, et près de 1000 morts. C’est évidemment gravissime, d’autant que le virus se propage vite, mais comparé à la démographie mondiale,  aux décès annuels liés à la grippe, aux autres maladies, et même au sras en 2003, les effets santé restent marginaux. En France par exemple, il n’y a que 11 cas recensés sur plus de 60 millions d’habitants. Cela dit, même marginaux, les risques de contamination sont réels et à évolution rapide et méritent le maximum de prévention d’où les mesures spectaculaires de confinement et de restriction des mobilités. Ce sont ces mesures là, qui provoquent des conséquences économiques et politiques.

Les risques économiques et financiers font actuellement l’objet d’un maximum d’inquiétude et par conséquent d’analyse. A partir du moment où l’essentiel des mesures de protections mises en œuvre passe par le confinement d’une partie de la population chinoise et l’interdiction de circuler, l’activité économique est en risque d’arrêt. Les usines chinoises ne tournent pas. Elles restent fermées. Donc elles ne produisent pas. Il existe donc une incertitude forte sur les approvisionnements dans le reste du monde. Au cours des dix dernières années, les fonctions de production se sont fragmentées. En clair, 80 % des produits industriels consommés dans le monde sont fabriqués en Chine ou intègrent des composants made in china. C’est le cas de l’automobile, de tout le textile, de la tech etc.. .

Parallèlement, le commerce chinois a fermé ses boutiques. Or, ce commerce chinois vend certes des produits chinois, mais aussi beaucoup de produits de conception ou de fabrication occidentale.

En bref, l’activité économique internationale est en risque de blocage total et l’activité de transport comme l’activité financière en voie d’asphyxie.

Les pays occidentaux sont touchés au niveau de la production d’un côté et des ventes de l’autres. Le tourisme, le luxe, les transports aériens sont les plus violemment touchés. LVMH ou Accor ont vu leurs marchés asiatiques se fermer complètement.

Autre conséquences immédiate : les ruptures financières. A partir du moment où l’activité s’arrête, les flux financiers se tarissent, moins de chiffres d’affaires c’est aussi moins de liquidités pour payer les charges de salaires qui continuent de courir. Donc les banques et les assurances vont commencer à être affectées.

Tout dépend du temps pendant lequel l’activité va être figée ainsi mais on estime que dans un mois, les conditions d’une crise internationale aussi importante que celle de 2008 seront réunies. La plupart des grandes multinationales prennent déjà des mesures d ‘autodéfense. Les Etat-major du digital, Amazon , Apple , Microsoft, Google, de l'industrie automobile, du pétrole, et du luxe se préparent à affronter une période de crise longue (un an) et profonde.

Les banquiers centraux sont eux aussi sur le pied de guerre parce qu’ils savent que dès les premières ruptures de liquidité, les gouvernements se tourneront vers eux. Or leurs situations sont différentes de ce qu’elles étaient en 2008. Les banques centrales sont déjà bourrées de créances couteuses. Elles peuvent difficilement faire plus que ce qu’elles ont fait avec les taux zéro et les rachats de dettes pour distributions de liquidités.

Les risques politiques sont les moins biens mesurés, mais ils sont évidents.

Les deux modèles politiques qui dominent le monde sont fragilisés par le coronavirus. L’Amérique de Donald Trump affiche certes une bonne santé apparente (peu de chômage, une croissance forte dopée par la consommation, cette Amérique-là fonctionne aves des records d’inégalité et de dette sur la base d’une mondialisation dont Trump a promis de s‘affranchir. Le coronavirus appelle d’autres mesures que la promesse de s’enfermer en se réjouissant discrètement des malheurs de l’empire Chinois. Pour beaucoup d’observateurs, c’est une erreur. Paul Krugman, par exemple, le prix Nobel d’économie, le coronavirus prouve qu’on ne peut pas le balayer d’un revers de main la mondialisation . « On a forcément besoin d’organisation mondiale pour gérer un tel risque. La situation économique américaine est bonne, mais le peuple ne réélira pas forcement Donald Trump, parce qu’il y a du plein emploi et que les bonus de Wall-street sont épais ». 

La Chine, de son coté, ne sortira pas grandie de cette épreuve. La gouvernance politique a montré sa capacité à prendre les mesures de confinement. Le peuple exécute les ordres. Mais cette épreuve a montré aussi les défaillances du système. Son centralisme excessif, son manque de transparence ont fait prendre au régime un retard, qui peut aussi expliquer la gravité des perspectives. Xi Jinping va être obligé de réviser son organisation et sa perspective. Le peuple chinois ne supportera pas un arrêt prolongé du système économique qui lui promettait une perspective de progrès matériels. Les risques de manifestations et de révolte d’un peuple qui n’est plus isolé grâce aux réseaux sociaux sont probables. Les experts sinologues n’excluent pas un risque de déstabilisation politique de la Chine. Les étudiants de Hong Kong ne vont pas manquer de se faire entendre à nouveau.

Les organisations politiques dominantes sont donc fragilisées. En dehors de la société libérale-populiste chère à Donald Trump et la société centralisée à l’extrême et la gestion autoritaire de Pékin, empêtré dans ses mensonges « Je ne crois pas possible de retrouver dans l'Histoire humaine, écrit Jacques Attali dans Les Échos, une époque où l'humanité toute entière a donné le spectacle de la fragilité simultanée des deux systèmes de gouvernement les plus puissants et les plus antagonistes du moment ». Les seules alternatives sont dans l’Union  européenne ou dans les dérives religieuses portées par l’Islam .

« Pour sortir de cette double impasse, écrit encore Jacques Attali, l'Europe a une carte à jouer pour s'assurer que d'autres puissances ne viennent pas occuper l'espace mondial »

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