Les crises économiques affectent durablement les carrières des travailleurs : à quoi s’attendre après le Covid ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Des centaines de personnes dans une rue de Nantes, le 1er avril 2021.
Des centaines de personnes dans une rue de Nantes, le 1er avril 2021.
©LOIC VENANCE / AFP

Impact de la pandémie

Les conséquences de la crise sanitaire sur le marché du travail et sur l'économie ont profondément marqué les travailleurs et les personnes à la recherche d'un emploi ou en formation. L'impact de la pandémie a aussi laissé des traces pour les jeunes générations pour leurs futures carrières.

Gilbert Cette

Gilbert Cette

Gilbert Cette est professeur d’économie à NEOMA Business School, co-auteur notamment avec Jacques Barthélémy de Travail et changement technologique - De la civilisation de l’usine à celle du numérique (Editions Odile Jacob, 2021). Son dernier livre s'intitule Travailleur (mais) pauvre (Ed. DeBoeck, à paraître en février 2024).

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Atlantico : Quel impact ont les crises économiques dans les carrières des travailleurs ? Peut-on deviner quel impact cela aura-t-il ?

Gilbert Cette : Il y a trois choses ; dans les crises habituelles, il y a un fort déversement des personnes sur le marché du travail. Ce déversement peut-être plus ou moins durable, dans d'autres pays c'est plus habituel, comme aux États-Unis. Mais dans un pays comme le nôtre, cela peut être un passage traumatisant, avec des stigmates très longs. Ce problème ne sera pas ou quasiment pas rencontré, parce que les dispositifs de soutiens, surtout en France, ont été d'une force incroyable. Alors même que le PIB a chuté de 8%, l'emploi n'a baissé que de 1%. C'est très faible.

Mais, il y a deux autres risques. Il y a le fait que des jeunes arrivent sur le marché du travail, et ont des difficultés très fortes pour s'intégrer dans la phase actuelle. Et là, les études dont on dispose sur des situations semblables dans le passé, montrent qu'il y a un stigmate qui peut être durable ; situation de déclassement, parce que les jeunes peuvent accepter des conditions pas forcément les plus adaptées à leurs talents spécifiques. C'est un rapport presque sociologique au marché du travail, qui aurait été altéré par cette difficulté à s'insérer sur celui-ci. Aujourd'hui, cette difficulté est particulièrement forte, parce qu'en France on a fait le choix de protéger les 'insiders', ceux qui avaient un emploi. Ce sont les entrants sur le marché du travail, les plus jeunes, qui sont les victimes de nos politiques. Il faudrait donc tout faire pour que le stigmate ici soit le plus léger possible : pour cela il faut accompagner au maximum les jeunes sur le marché du travail. La prime à l'embauche, les politiques de poursuite d'études, toutes ces politiques sont préférables à ce que les jeunes se heurtent à des portes fermées ; parce qu'autrement le stigmate, il reste ensuite pour 40 ans.

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Enfin, il y a un dernier point qui caractérise cette crise. Cette crise est un accélérateur fantastique de différentes mutations. D'abord, le passage au télétravail et plus largement la transition vers l'économie du numérique, et à ce niveau-là, il y a des gens plus ou moins prêts. Par conséquent, il y a des personnes qui se trouvent très fortement déclassées parce qu'elles ont des difficultés à utiliser des techniques numériques. Il y a un point de menace qui est assez rare dans l'histoire des crises : la normalité après la COVID-19 sera une norme avec du télétravail et un usage beaucoup plus massif des technologies numériques. Cela ne pourra que poser des problèmes de capital humain par rapport à des gens qui ne sauront pas s'adapter à ces transformations. L'autre mutation se pose au niveau des transformations sectorielles qui s'accélèrent ; avec des gouvernements qui engagent des plans de relance dans lesquels les dimensions climatiques sont très fortes. Mais on ne transforme pas un emploi de serveur dans un restaurant en spécialiste de l'isolation thermique sans effort. Là aussi, c'est une difficulté en capital humain.

Voilà les différents canaux par lequels les choses peuvent passer : il faut une très forte mobilisation des pouvoirs publics durablement en faveur des jeunes et des formations, en particulier en ce qui concerne les nouvelles technologies et les enjeux climatiques.

La crise bouleverse d'autant plus la carrière quand elle arrive à des moments clés ?

Oui, bien-entendu, il y a des choses très nouvelles dans cette crise, comme ce qui concerne la transformation du capital humain. Il faut beaucoup de temps pour voir où cela mènera. Dans les chocs de 1993 et de 2008, on avait vu des jeunes qui en entrant à ces périodes sur le marché du travail, avaient eu des carrières beaucoup moins stables. Cela peut avoir des conséquences à très long terme.

Certains secteurs sont-ils particulièrement touchés par ces changements de carrière ?

Oui, il suffit de prendre l'exemple du secteur de l'hôtellerie. Si un étudiant sort d'une école hôtelière en 2020, son début de parcours est tout sauf simple. L'insertion est forcément difficile et surtout elle est faite d'incertitudes. Mais il y a aussi des cas qui concernent le marché artistique ou le marché du tourisme. Dans ces secteurs, il y a une grande quantité d'emplois qui sont totalement bouleversés. Mais ce n'est pas une fatalité, il y a des moyens de limiter ces bouleversements ou de les orienter vers du positif, en offrant des prolongations dans les formations, en renforçant le capital humain plutôt que de laisser les individus dans des impasses.

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