Le secret d’Angela Merkel : ne jamais parler de politique sans avoir cessé un seul jour d’en faire<!-- --> | Atlantico.fr
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Angela Merkel avant une prise de parole à Berlin. Après seize ans de règne, la chancelière allemande va quitter le pouvoir.
Angela Merkel avant une prise de parole à Berlin. Après seize ans de règne, la chancelière allemande va quitter le pouvoir.
©Michael Kappeler / POOL / AFP

Atlantico Business

Le succès d’Angela Merkel, sa longévité et ses résultats font l’envie de tous les dirigeants occidentaux. Après 16 années de règne, la Chancelière a hissé l’Allemagne en tête de la classe occidentale sans jamais parler politique, ce qui ne l’a pas empêchée de résorber les problèmes.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Le secret d’Angela Merkel aura été de résoudre les problèmes concrets de la société allemande, sans se laisser piéger et détourner par des débats politiques ou idéologiques. Elle n’a évidemment pas tout réglé, mais elle a fait l’essentiel.

Sa longévité et ses résultats sont uniques dans le monde des démocraties occidentales. Angela Merkel n’a pas d’équivalent dans l’histoire depuis 60 ans.

En théorie, il y a trois façons de gouverner une démocratie moderne.

La première est de suivre une stratégie politique appuyée sur une idéologie précise et argumentée, moyennant quoi, pour réunir une majorité, le débat politique est dominé en permanence par des confrontations de courants idéologiques, des recherches d’alliances et de compromis toujours extrêmement compliqués à trouver et à mettre en œuvre. Les grandes familles politiques françaises se sont diluées dans ce type de débat et faute d’apporter une vision d’avenir forte et cohérente, ces grandes familles ont perdu le pouvoir de gouverner. La gauche a disparu, mais la droite aussi. Le débat qui s’ouvre pour la prochaine présidentielle se complait dans des confrontations très idéologiques, et parfois brutales, qui ont du mal à réunir une majorité de gouvernements. Que ce soit sur la question des migrants, de l’écologie et du réchauffement climatique, de la mondialisation et de la transformation digitale, les enjeux sont réels mais les solutions ne sont ni responsables, ni cohérentes.

La deuxième façon de gouverner, c’est de manager, c’est à dire mobiliser des outils technocratiques en essayant de répondre aux grands enjeux qui s’imposent aux démocraties. Les gouvernances se fixent alors des objectifs précis et chiffrés et essaient d’y répondre par la technique, la performance administrative, l’innovation scientifique etc... Ces gouvernances se donnent des obligations de résultats.

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Emmanuel Macron a été élu dans cette logique-là. Après avoir recensé les problèmes structurels, il a tenté d’apporter des solutions techniques, en s’appuyant sur des acteurs capables de faire bouger la société et de générer des résultats. Emmanuel Macron a fonctionné comme un chef d’entreprise.

Mais il n’a pas atteint ses objectifs. Ses amis pourront toujours nous expliquer que la crise du Covid a complètement bouleversé la donne et ils auront raison. Sauf qu’un chef d’entreprise doit pouvoir réagir à une crise et la plupart l’ont fait en étant à l'écoute des parties prenantes (clients, actionnaires et salariés).

Emmanuel Macron, chef de l’entreprise France, a trop souvent oublié d‘écouter ses clients, ses actionnaires et ses salariés, d’où ses difficultés. Sa chance est de ne pas avoir de concurrents crédibles sur le marché politique. Quand on regarde le parcours du président, on se désole, quand on le compare avec ce qu’auraient pu faire les autres, on lui pardonne toutes ses incertitudes, ses hésitations et ses fausses routes. 

Compte tenu de la situation politique actuelle, Emmanuel Macron a ses chances d’être réélu pour un second mandat, mais il sera élu par défaut.

Il y a une troisième façon de gouverner une démocratie et le parcours d’Angela Merkel nous en offre un magnifique exemple.

Angela Merkel n’a jamais été habitée par une idéologie forte à laquelle elle se serait accrochée. Angela Merkel a réussi en respectant deux conditions.

La première aura été de répondre de façon très pragmatique à tous les problèmes qui se sont posés sur son chemin afin de respecter les intérêts vitaux de l‘Allemagne et le premier de cet intérêt aura été de préserver la puissance économique de l’Allemagne. La puissance économique, c’est le cœur du réacteur, la richesse, l’emploi pour tous, l’équité dans la redistribution de revenus et la capacité d’investir pour l’avenir. L’écologie, la politique migratoire ont été gérées à l'aune de cette obligation.

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La deuxième condition a été de tenir au courant sa population de tout ce qu’elle voulait faire, pourquoi et comment et de faire ce qu‘elle a dit qu’elle ferait. Le jeu des contre-pouvoirs a fonctionné pendant ces 15 années de pouvoir, mais il lui a fallu respecter les contre-pouvoirs, ce qu’elle a fait : contre-pouvoirs politiques et syndicaux. En bref, la Chancelière n’a jamais fait état de grande profession de foi idéologique, elle était sans doute de droite comme on dit en France, mais elle se souciait d’abord du bien public.

Angela Merkel a en fait suivi à la lettre les recommandations de Machiavel : « gouverner pour obtenir des résultats afin de ne mécontenter personne. »

Concrètement, la Chancelière n’a jamais fait de politique. A moins que sa façon de gouverner revienne à en faire tous les jours sans jamais le dire.

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