Le risque d’une généralisation de l’épidémie à toute la France est pris très au sérieux par les chefs d’entreprise, mais pas par les Français. Alors pourquoi ? <!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
bar coronavirus covid-19
bar coronavirus covid-19
©GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP

Atlantico Business

Les chefs d’entreprises ont été les premiers à se convaincre que le risque d’une deuxième vague extrêmement grave allait déferler sur l’ensemble du pays. Ils s’interrogent sur les raisons pour lesquelles une grande partie de la population n’y croit pas.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

Voir la bio »

Le climat qui entoure l’épidémie est tellement confus et anxiogène qu’il alimente l’indifférence des uns et le refus pour beaucoup d’autres d’accepter les mesures anti-covid. Le film des cinq derniers jours est édifiant.

L’alerte d’une deuxième vague de l’épidémie avec un risque grave de généralisation a été donné par les services hospitaliers et les personnels de santé. Depuis une semaine, dans le brouhaha des chiffres et des commentaires contradictoires, mais devant l’augmentation des entrées à l’hôpital, les personnels soignants parisiens et marseillais se sont convaincus qu’ils fonçaient tout droit au blocage. Les taux de contamination et le rythme des admissions covid allaient les conduire tout droit et très vite à la paralysie du système, exactement comme en mars, au moment du confinement. L’information a circulé très vite à la fin de la semaine dernière, d’abord au ministère de la santé dont les avertissements ont eu peu d’échos au sein de l’exécutif, paniqué à l’idée de ressortir l’arsenal de mesures coercitives et surtout incapable de les expliquer. La pression est alors venue des chefs d’entreprise qui ont pris la menace très au sérieux parce qu’ils étaient eux-mêmes alertés par leur DRH. En une semaine, les tests ont révélé une augmentation des contaminations non symptomatiques, mais les RH ont noté une augmentation anormale des arrêts maladie. 

Fin de semaine, quand le ministre de la santé informe le président de la nécessité de renforcer le dispositif des mesures anti-covid et notamment de procéder à des confinements partiels au niveau des foyers de contaminations les plus probables, on ne pourra pas dire qu‘il ait été bien accueilli. En fait, Olivier Véran reprend principalement les préconisations que le conseil scientifique avait rendu public dix jours avant. Cela étant, il se retrouve bien seul pour annoncer la série de mauvaises nouvelles, qui visent principalement Marseille, les restaurateurs, les gérants de bars....

Seul pour expliquer, seul aussi pour affronter la fronde des habitants et des professionnels touchés et des élus locaux. Il faudra attendre le jeudi soir pour que le Premier ministre descende dans l’arène, mais ça ne suffira pas.

Sur le terrain, à Paris ou en Paca, il n’y a guère que les chefs d’entreprise qui acceptent cette fatalité et qui, très vite, cherchent des solutions pour limiter les dégâts. « Le mal est là, on ne peut pas l’arrêter. Il faut se défendre contre le mal sans attaquer ceux qui le combattent… » Tout le problème est là. Parce que pour se défendre du virus, il faut accepter la nécessité des mesures qui hypothèquent la vie sociale et parfois économique.  Toutes les enquêtes le prouvent : les Français ne comprennent pas ce qui se passe et refusent de plus en plus les décisions qui leur sont imposées.

Ils ont accepté le confinement en grognant, mais ils ont constaté que cette décision avait produit des résultats. Plus tard, ils ont accepté les masques quand ils ont pu en trouver, mais maintenant, ils sont plus dans le refus de contraintes nouvelles que dans l’acceptation. Les plus jeunes notamment.

Alors pourquoi ce début de rébellion, ce refus de voir la réalité en face et le danger? Trois raisons :

Dabord, parce que la majorité de la population ne croit pas à la réalité du danger, en particulier la population jeune (et ils nont pas tort pour eux-mêmes), ce qui rend cette population réfractaire aux mesures de protection mais paradoxalement, ce qui ne l’empêche pas de vivre dans la peur. D’où le climat. On retrouve un peu la même attitude que face au sida autrefois. L’acceptation du préservatif, comme moyen quasi naturel de se protéger, a pris de longues années et a coûté 80 millions de morts dans le monde.

Ensuite, il faut reconnaître que la réalité de l’épidémie du Covid nest pas visible, même par les scientifiques. Certains prétendent tout savoir, c’est évidemment faux. Depuis le début de cette épidémie, le covid-19 ne ressemble à aucun autre, ses caractéristiques et son évolution ne correspondent à aucun phénomène connu et observé dans le passé. Ce virus est arrivé par hasard, de Chine certes, mais on ne sait pas de façon précise comment il est apparu. Après, il a circulé de l’est vers l’ouest, il a déjoué toutes les prévisions, des frontières, des climats, et toutes les tentatives de traitement pour l’instant. De l’avis des scientifiques, c’est véritablement un poison contre lequel on a très peu d’armes.

Enfin, n’étant pas visible, cette réalité n’a pas été expliquée. Les scientifiques ont beaucoup hésité, ils ont beaucoup débattu sur les voies et les moyens. Du coup, les diagnostics ont été fragiles, les prescriptions encore plus. Au niveau de l’administration, le moins qu’on puisse dire, c’est qu’on ne savait rien. Ni quoi faire de précis. Quant aux ministres, ils n’en savaient pas davantage. D’où la difficulté de prendre des décisions. Cet état de fait vaut, à quelques nuances près, pour tous les pays du monde.

Le pouvoir politique a dû en permanence trouver un compromis entre l’obligation de protéger la santé publique, ce qui veut dire ménager le système de santé pour qu’il soit en capacité d’éviter les drames et la contrainte de maintenir le pays en capacité de continuer à travailler.

Entre la priorité à la santé et la priorité à l’économie, c’est sur cette ligne de crête que l’exécutif a tenté de tenir en équilibre.

Difficile d’expliquer, de décrypter, de raconter ce qu’on fait ou ce qu’on veut faire puisqu’on ne sait pas ce qu’il faut faire. La seule chose dont on est certains, c’est d’empêcher le virus de circuler. Et pour que le virus ne circule pas, il n’y a actuellement que deux méthodes : ou on confine les populations ou on les laisse se contaminer. Mais qui acceptera de prendre la responsabilité d’exposer, au risque de la mort des milliers d’hommes et de femmes. Personne et nulle part dans le monde.

De façon très intéressante, les seules organisations qui ont trouvé un moyen de vivre avec le virus tout en sen protégeant, ce sont les entreprises. Alors certaines ont évidemment été massacrées (le tourisme, le transport et lhôtellerie), celles-ci ont été beaucoup aidées et continuent de beaucoup l’être. Mais beaucoup se sont adaptées sans appeler au secours. L’entreprise par nature est confrontée quotidiennement à des univers à risque et imprévisibles, mais elles ont aussi l’obligation de protéger le cœur de leur système, c’est à dire leurs actifs et notamment leur personnel, leurs actionnaires et leurs clients. Dès l’apparition du covid et le confinement, la grande majorité des entreprises se sont mises sur le mode « résilience ». Elles ont adopté le télétravail si leur production le permettait, certaines notamment dans la restauration ont refusé d’être ko debout, elles en ont profité pour retrouver des activités nouvelles, pour investir en rénovation et réfléchir à une stratégie alternative. Dans le transport aérien, et dans l’hôtellerie, on va voir émerger des idées nouvelles, des activités nouvelles, des politiques de prix nouvelles. Ce qui rend résilientes les entreprises, c’est de savoir que le coronavirus n’a pas détruit les actifs. Les usines, les machines, les avions etc n’ont pas été détruits. Ils ont été immobilisés. Ils peuvent repartir. Ça n’était pas le cas au lendemain de la dernière guerre. Il fallait reconstruire et réparer. Les personnels ont été protégés grâce à l’Etat. Les contrats de travail existent. On peut les ressortir. A la fin de la guerre, on comptait les morts.  Du côté des actionnaires, l’activité ne s’est pas arrêtée. La bourse a continué de fonctionner grâce aux liquidités de la banque centrale et les actionnaires ont continué de faire des arbitrages.

Reste un grand absent : le client. Mais le client est solvable, il a mis de côté presque une année de pouvoir d’achat dans les comptes d’épargne. Le client fait partie de cette population asphyxiée par l’angoisse

Mais le client ne demande qu’une chose : être rassuré. L’essentiel de l’énergie des entreprises passe dans la restauration d’un contrat de confiance avec le client. Les mesures barrières et le renforcement des armes anti-covid participent à la restauration de ce contrat de confiance. Encore faut-il expliquer le pourquoi, le parcours, et le cout. Ce que le gouvernement ne fait pas. Chaque chef d’entreprise le fait à son échelle.

Si la crise du covid ne tue pas, elle devrait rendre intelligent.  Il y en a dans la société qui ont visiblement plus de facilités que d’autres.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !