Le recul de la croissance va poser un problème politique à Bruno Le Maire, qui joue alors son avenir<!-- --> | Atlantico.fr
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Le ministre de l'Economie et des Finances table désormais sur une hausse de 1 % du PIB en 2024, loin des 1,4 % évoqués jusqu'à présent.
Le ministre de l'Economie et des Finances table désormais sur une hausse de 1 % du PIB en 2024, loin des 1,4 % évoqués jusqu'à présent.
©IAN LANGSDON / AFP

Atlantico Business

La panne de croissance à 1% va mettre l'État à la diète. Il a trois solutions pour traiter cette situation : un virage de rigueur, un soutien keynésien ou une politique franchement libérale. Il n'a pas encore vraiment choisi parce que son avenir politique en dépend.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Le ministre de l'économie s'est donc résolu à annoncer la mauvaise nouvelle... Tout le monde savait que l'équilibre du budget 2024 ne tiendrait pas la route. En six mois, la conjoncture économique s'est détériorée au niveau international. Les marchés émergents de l'Asie se sont effondrés, la guerre en Ukraine a impacté l'Europe non seulement sur les prix, mais aussi sur l'énergie... L'Amérique a attiré les investissements étrangers et les activités industrielles grâce à une productivité bien meilleure que les performances européennes. Parce que l'Europe, quant à elle, s'est retrouvée coincée entre le dynamisme américain et le ralentissement de la Chine. L'Allemagne, moteur de l'Union européenne, s'est retrouvée privée de gaz russe et, par conséquent, en récession. Le résultat est que le budget 2024, basé sur une hypothèse de croissance de 1,4%, qui permettait de limiter les dégâts en termes de déficit et d'endettement, ne pouvait pas tenir. Les élections européennes qui se rapprochent à la vitesse grand V l'auraient obligé à rectifier sinon le tir, du moins le discours, ce qu'il a fait, dès que le gouvernement Attal a été constitué.

Compte tenu de cette conjoncture, le budget 2024 va donc être corrigé avec une nouvelle hypothèse de croissance ramenée de 1,4% à 1%, tenant compte de la baisse des prévisions effectuées par toutes les institutions internationales. La Commission européenne, elle, pense qu'on aura du mal à atteindre 0,9%, et l'OCDE est encore plus pessimiste avec une hausse de 0,6% du PIB seulement. Bruno Le Maire ne pouvait donc pas attendre. Le problème, c'est qu'une telle révision entraîne des conséquences qu'il va falloir assumer et traiter non seulement sur le plan budgétaire mais aussi sur le plan politique.

Moins de croissance, c'est moins d'activité, moins d'emplois, moins de recettes fiscales et sociales (environ 10 milliards d'euros)... donc potentiellement plus de déficit qu'il va falloir traiter et financer. Le ministre de l'économie peut laisser entendre qu'il va mettre l'État à la diète sans aucune autre explication. Un dimanche soir, ça passe... Néanmoins, à quelques mois des élections européennes et à trois ans des élections présidentielles, dans une France très nerveuse qui a connu jadis le "quoi qu'il en coûte", il va falloir être plus précis. D'autant que le ministre de l'économie est le numéro 2 du gouvernement, politiquement issu de l'aile droite, un transfuge de la première heure, et cela n'est un secret pour personne : il doit logiquement ambitionner la présidence de la République en succédant à Emmanuel Macron. Il ne peut donc pas se permettre de rater sa politique économique, car il en paiera le bilan. C'est inévitable. D'où sa prudence actuelle...

Le ministre de l'économie, potentiel candidat à la présidentielle, a trois solutions :

1ère solution, la plus facile à court terme, la plus dangereuse à long terme : Bruno Le Maire peut tempérer et prendre en main les outils keynésiens. Face à une panne de croissance, mais coincé dans le déficit... les adeptes de Keynes sortiraient la boîte à liquidités, création monétaire et emprunt. Il finance le coût de la conjoncture, soit 10 milliards, en empruntant de l'argent. Les économistes et les hauts fonctionnaires étant en majorité keynésiens, n'auront aucun mal à vendre de la dette française... ils seraient même capables de convaincre l'Europe de sortir des "eurobonds", mais l'Allemagne n'en a pas besoin. Toute la difficulté serait de convaincre les marchés que la dette française va continuer d'être soutenue pour éviter une hausse des taux. C'est une solution de facilité pour Emmanuel Macron, parce que le keynésianisme calme la douleur mais c’est une maladie a  évolution lente donc...Et à long terme comme disait JMK , « on sera tous mort ...»

2e solution, la plus douloureuse mais la plus efficace à long terme, serait d'engager un virage de la rigueur. Une politique de rigueur consiste tout simplement à réduire les dépenses publiques et/ou sociales. Depuis dimanche soir, on réfléchit dans tous les ministères aux arguments qu'il va falloir opposer au directeur du budget, qui va envoyer la note en conjurant d'annuler des crédits pour au moins 10 milliards d'euros. Dans l'absolu, 10 milliards de moins à dépenser sur des budgets qui représentent 1000 milliards d'euros, soit 1%, cela ne doit pas être impossible. Administrativement et politiquement, cela va être un drame. Il faut beaucoup de force, beaucoup de courage et beaucoup d'ambition pour engager une politique de rigueur en France aujourd'hui.

3e solution, la plus radicale, serait de mettre en place une véritable politique d'inspiration libérale. Contrairement à ce que la majorité des analystes et des commentateurs prétendent, la France n'a jamais été franchement libérale... Une politique libérale reviendrait à réduire le périmètre de l'État à ses fonctions régaliennes et à laisser le maximum de services et d'obligations à la sphère privée. Ce faisant, on réduit les dépenses de fonctionnement au profit du privé, on réduit les dépenses sociales sous logique de solidarité au profit des logiques assurancielles. La politique libérale ne se résume pas à des privations massives (encore qu'il y ait tellement d'épargne liquide inutilisée en France), mais elle implique au minimum la mise sous économie de marché du maximum d'activité, avec en contre-pouvoir des mécanismes de concurrence loyales et parfois régulées. La concurrence, qui permet l'optimisation individuelle des intérêts, change tout et permet surtout l'innovation. Le problème, c'est qu'une politique aussi radicale nécessite une petite révolution culturelle pour affronter les intérêts corporatistes et les lobbyistes. C'est autre chose qu'une promesse de faire de la France une "start-up nation"... mais cela peut être le programme d'un des candidats à la présidence de la République. Ils ne seront pas très nombreux à défendre ce type de politique.

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