Le projet européen dans l’ornière : gros plan sur ceux qui ont pourtant des idées pour le relancer<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Europe
Le projet européen dans l’ornière : gros plan sur ceux qui ont pourtant des idées pour le relancer
©Reuters

Sans vision, sans moteur

Les chefs d'Etat et de gouvernement européens se retrouvent ce mardi 27 mai au soir pour un tour d'horizon consacré à une analyse du scrutin européen. Voici quelques idées qui pourraient redonner (ou pas) une impulsion à l'Europe.

Henri de Bresson

Henri de Bresson

Henri de Bresson a été chef-adjoint du service France-Europe du Monde. Il est aujourd'hui rédacteur en chef du magazine Paris-Berlin.

Voir la bio »

Mettre en place une "Europe noyau" vs. une intégration européenne renforcée

  • Europe noyau

Dans une tribune publiée par l'hebdomadaire Le Point, Nicolas Sarkozy fait part de son souhait de recentrer l'Europe autour du couple franco-allemand. L'ancien président de la République souhaite aussi que les pouvoirs de la commission européenne soient réduits de moitié. Laurent Wauquiez propose un projet similaire d'Europe "noyau" composée de six Etats (France, Allemagne, Belgique, Pays-Bas, Italie, Espagne), protectionniste et débarrassée de l'espace Schengen.

Henri de Bresson : L’idée de constituer un noyau dur européen de six pays n’est pas nouvelle, elle avait été lancé dès 1994 par les députés chrétiens démocrates allemands Wolfgang Schäuble et Karl Lamers pour la monnaie unique,…et rejetée par la France. Une idée plus sérieuse aujourd’hui est de constituer une Europe à deux vitesses, l’Europe de la zone euro et les autres. Elle existe déjà de facto. Au sein de ce premier cercle, dont les politiques budgétaires sont appelées à se rapprocher de plus en plus, avec les tensions que cela suscite, l’Allemagne et la France ont joué un rôle d’entrainement incontesté dans la crise de l’euro. La proposition de Nicolas Sarkozy d’institutionnaliser ce qui existe déjà de facto rejoint les vieux shémas d’union franco-allemande. Faut-il pour autant limiter la libre circulation des personnes, décidées par les accords de Schengen pour compléter le marché unique, à cette zone ? On voit bien là que des dirigeants regrettent d’avoir été un peu vite en besogne en intégrant la Roumanie et la Bulgarie dans toutes les politiques de l’Union. Mais revenir en arrière sur l’un des symboles majeurs de l’intégration européenne à ce stade reviendrait à réintroduire une coupure au sein de l’Europe que l’on avait voulu éviter après la chute du mur de Berlin. Quant à la Commission, N. Sarkozy souhaite en recentrer le travail sur des sujets clés, rejoignant par là beaucoup de réflexions en cours sur une clarification du rôle de l’Union européenne en général. Dans la phase de mise en œuvre du marché unique, il a fallu tailler dans le vif des règlementations nationales souvent contradictoires qui bloquaient la libre circulation des services et des marchandises et les remplacer par des règlementations communes. Mais à ce jeu le perfectionnisme bureaucratique est vite redoutable. C’est au parlement européen et aux parlements nationaux qu’il revient d’exercer un contrôle.

  • Une intégration renforcée

Guy Verhofstadt, candidat des centristes à la présidence européenne, préconise une intégration renforcée. Son parti est allié au tandem UDI/Modem en France et propose à l'instar d'Yves Jégo, président de l'UDI, l'élection au suffrage universel direct d'un président de l'UE. Il veut contrairement à ce qu'a préconisé Nicolas Sarkozy redonner un rôle plus "offensif" à la commission européenne.

Henri de Bresson :  C’est un vieux débat. La Commission était dans les débuts de la construction européenne la seule force de proposition de lois et avait le monopole de la représentation de l’intérêt général face aux Etats, dont elle était chargée d’exécuter les décisions. A l’époque le Parlement européen n’avait qu’un rôle marginal, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. La Commission reste l’instance exécutive chargée d’appliquer les décisions du Conseil des chefs d’Etat et de gouvernement, mais elle est désormais sous contrôle parlementaire. Pour la première fois cette année, les gouvernements devront tenir de la majorité parlementaire pour en choisir le président.

Maintenir le cap en matière de discipline budgétaire vs. En finir avec les politiques d'austérité

  • La discipline budgétaire en Europe

Guy Verhofstadt défend "la discipline budgétaire" en Europe. Il souhaite une Europe plus sociale et prône un salaire minimum pour chaque pays-membre afin d'éviter la précarité au nom de la flexibilité et pour limiter le dumping social. Le conservateur Jean-Claude Juncker plaide pour "une rigueur responsable". Il insiste sur la nécessité de ne pas opposer la rigueur budgétaire à de bonnes conditions structurelles.

Henri de Bresson : Les propositions du leader libéral montrent qu’après avoir longtemps cru dans le tout pouvoir du marché pour rétablir les équilibres après les crises, les dirigeants européens, y compris à droite, réalisent que les tensions sociales suscitées par les politiques d’austérité constituent une véritable menace pour l’Union européenne. Même en Allemagne, précurseur en matière de réforme, l’écart qui se creuse entre les profiteurs de la mondialisation et les classes moyennes et inférieures est devenu un thème de débat lors des dernières législatives. Tirant le bilan des Européennes, la chancelière Angela Merkel a reconnu que le travail de la Commission européenne devrait être réorienté vers des politiques plus axées sur la lutte contre le chômage, la croissance, et la compétitivité.

  • En finir avec les politiques d'austérité

Alexis Tsipras, dirigeant du Syriza, propose d'annuler les dettes au-delà du seuil de 110 % du PIB, abroger les plans d'austérité et lancer un plan pour relancer la croissance. La candidate en tandem avec José Bové à la tête de la Commission européenne, Franziska Keller, propose elle aussi d'arrêter les plans d'austérité et d'investir dans l'efficacité énergétique et l'éducation.

Henri de Bresson : Sans parler d’annuler les dettes, le parti social démocrate allemand avait défendu quand il était dans l’opposition l’idée de les placer dans un Fonds d’amortissement chargé de recycler celles supérieurs à 60% du PIB. La CDU s’y est opposé. D’autres idées ont été émises, comme celle d’une mutualisation des dettes par l’émission d’eurobonds. Le fait que la Grèce, l’Espagne aient pu recommencer à se financer sur les marchés à des taux acceptables a retiré de l’urgence à ces propositions. Elles pourraient revenir sur la table à la faveur des discussions à venir sur l’aide à la relance des économies.

Revoir les accords de Schengen vs. Des politique migratoires plus souples

  • Revoir Schengen

Pour Laurent Wauquiez, il est évident qu'il faut sortir de l'espace Schengen et appliquer une politique protectionniste. Nicolas Sarkozy quant à lui prône une refonte de l'accord Schengen I et souhaite le remplacer par un Schengen II "auquel les pays membres ne pourraient adhérer qu'après avoir préalablement adopté une même politique d'immigration".

Henri de Bresson : Les accords de Schengen prévoient déjà des règles communes en matière de délivrance de visas et d’entée sur le territoire communautaire. Comme toute politique il n’est pas inconcevable que les règles actuelles puissent être revues et le cas échéant modifiées à la lumière de l’expérience acquises. Mais il ne faut pas se faire d’illusion : cela ne règlera pas le problème de l’afflux des clandestins sur les côtes de Grèce, de Malte, d’Italie, au péril de leur vie.

  • Instaurer des politiques migratoires plus souples

Alexis Tsipras veut changer de politique migratoire européenne et "réexaminer l'ensemble des mécanismes institutionnels européens pour la migration et l'asile politique, axés sur la préservation de la protection des droits humains fondamentaux". Quant à Ska Keller, elle souhaite également la modifier afin de faciliter l'entrée légale dans l'Union européenne.

Henri de Bresson : C’est un souhait de formations politiques de gauche ou d’organisations des droits de l’homme. Mais compte tenu des peurs actuelles liées à l’immigration incontrolées, ce n’est pas à l’ordre du jour des gouvernants.

Lutter contre la fraude fiscale et harmoniser la fiscalité européenne

Il s'agit d'une proposition de Martin Schulz, le candidat de la gauche, insistait, lui, sur la chasse à la fraude et l’évasion fiscale qui permettrait, disait-il, de faire bien des économies budgétaires. Jean-Claude Juncker souhaite, lui, plus d'harmonisation fiscale au sein de l'Union européenne, notamment concernant le secret bancaire.

Henri de Bresson : Tous les pays ont la volonté de limiter l’évasion fiscale, sauf ceux qui en profitent sans doute. Malgré leur résistance, les pressions ont été très fortes ces dernières années pour amener ces derniers à accepter un minimum de règles de contrôle et d’échange d’informations, qui ont réduit le secret bancaire. Les tensions subsistent cependant. Venant d’un pays, le Luxembourg, qui en a beaucoup fait commerce, Jean-Claude Junker, candidat du PPE à la présidence de la Commission européenne, a été attaqué pendant la campagne des élections européennes sur la crédibilité de ses propositions en matière d’harmonisation fiscale.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !