Les profits des géants du CAC 40 servent surtout à enrichir les retraités étrangers<!-- --> | Atlantico.fr
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©Sameer Al-DOUMY / AFP

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Les classes moyennes françaises sont d’autant plus agacées par le manque de revenus sur les salaires et les retraites, qu’au même moment les grandes entreprises françaises battent record sur record en bourse et que les chiffres de l’économie ne sont pas si mauvais.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Le décalage entre la réalité de l’économie et son ressenti n’est pas une vue de l’esprit. La publication des profits des entreprises en 2023, et surtout l’euphorie boursière qui traduit l’augmentation historiques des actifs de production, ont provoqué un choc souvent incompréhensible dans l’opinion.

En dix ans, la valeur des entreprises a doublé. Par ailleurs, les analyses récentes de l’INSEE viennent éclairer cette contradiction douloureuse entre des chiffres de l’économie qui se tiennent bien parce que la France est globalement riche en patrimoine, en épargne, depuis deux générations et cette impression de frustration qui se diffuse dans toutes les strates de la population et qui provoque un malaise social qui tourne très souvent à la colère. Il faut absolument lire la contribution dans Atlantico de Marc de Basquiat et d'Alexandre Delaigue qui montrent que le patrimoine des Français a augmenté de 61% en 15 ans alors que le pays est accablé par un sentiment d’appauvrissement général.

Les économistes et les sociologues réussissent à expliquer ce décalage. Il y a certes des difficultés réelles, le niveau des bas salaires a contribué à smicardiser un bon quart de la population, le niveau moyen des retraites est très bas puisque le taux de remplacement est souvent inférieur à 50 %, c’est-à-dire qu’à la retraite on touchera, si tout va bien, moins de la moitié de son dernier salaire. Ajoutons d’ailleurs que les retraites sont calculées sur les salaires touchés pendant la carrière. Si les salaires sont moyens, les retraites seront plus que moyennes. Le comble, c’est que leur ajustement ne dépend pas de la santé économique mais de la décision de l’État qui indexe ou pas les pensions. C’est donc une valeur d’ajustement tres politique et c’est effectivement insupportable.

Mais le plus insupportable n’est pas là, le plus insupportable est que si l’activité est bonne, les profits des entreprises servent surtout à financer les dépenses de l’État (à cause des prélèvements), puis les salaires directs, les investissements et les actionnaires sous forme de valorisations des actions (rachats d’action) et dividendes…

Le spectacle offert par les très grandes entreprises françaises cotées au CAC 40 est encore plus incompréhensible… la valeur de ces entreprises, certes les plus brillantes, a plus que doublé en moins de dix ans. Mais ces grandes entreprises paient des salaires en France qui sont d’ailleurs parmi les plus confortables, mais elles travaillent surtout à l’étranger , avec  des salariés étrangers .

Ce qu’il faut savoir aussi, mais on ne le dit pas parce que les vérités d’argent sont difficiles à raconter en France , c’est que l’essentiel des profits est distribué aux actionnaires qui sont eux aussi étrangers…

Quand on met bout à bout toutes les composantes de revenu et du patrimoine des Français, certains peuvent l’accepter. D’autres pas, parce qu’ils ont plus de mal à vivre globalement ils sont payés avec des salaires français qui ne sont pas parmi les meilleurs du monde. D’abord parce qu’ils sont amputés des prélèvements obligatoires, ensuite parce que près de la moitié des actifs français sont fonctionnaires avec des salaires réglementés qui sont acceptés parce qu’en contrepartie le fonctionnaire échappe aux risques du marché du travail.

Côté patrimoine, les deux tiers sont propriétaires de leur logement, ils ont donc un actif qui a pris beaucoup de valeur en moyenne mais qui a aussi freiné leur mobilité professionnelle. Si on vend la maison pour un autre travail, on peut se sentir riche mais il faut bien racheter de quoi se loger et ça risque d’être plus cher…

Côté patrimoine toujours, l’inquiétude qui pèse sur l’avenir encourage une épargne liquide et disponible qui laisse à penser que les lendemains seront compliqués, sauf que ça dure depuis trente ans…

Mais le plus insupportable c’est quand arrive l’âge de la retraite, parce que cette retraite qui est une retraite par répartition dépend essentiellement du pouvoir qui l’utilise comme variable d’ajustement.

C’est l’erreur flagrante du système français ou la conséquence  d’une dérive culturelle. Nous aurions eu l’intelligence d’accepter des retraites par capitalisation, c’est-à-dire investies dans des entreprises industrielles et commerciales, les retraites d’aujourd’hui seraient alimentées par les profits de l’économie de marché. Et au lieu de regarder dans les rubriques boursières passer des fortunes qui vont directement sur des comptes étrangers, on en prendrait une part.

L’enrichissement des grandes entreprises françaises est un marqueur brillant de leur réussite et de leur performance, mais le produit de cet effort est préempté par les fonds de pensions étrangers… Quand Total, Engie, LVMH, Axa, Sélantis, gagnent des fortunes grâce au génie français sur les marchés étrangers, leurs actionnaires sont les rentiers anglais, américains de Floride ou d’ailleurs, les Scandinaves, bref tous ceux qui ont pris des comptes chez Warren Buffet ou chez BlackRock. Ils sont contents et ils ont raison d’être contents. Pendant ce temps-là, les travailleurs français qui n’ont pas la possibilité de prendre de la capitalisation se chamaillent pour ajuster les cotisations de nos régimes par répartition et surtout de freiner les tentations de retarder l’âge de départ.

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