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Le mariage pour tous entré dans les mœurs, la PMA et la GPA en passe d’être acceptées… Sera-t-il encore possible de s'intéresser aux enjeux de la filiation sans être immédiatement taxé de réac homophobe ?
©Reuters

Mauvais rôle

Le 17 mai 2013, le mariage entre personnes de même sexe a été légalisé en France. Peu à peu, le "mariage pour tous" est entré dans les mœurs des Français, comme en témoigne un sondage Ifop pour l'Association des Familles Homoparentales (ADFH).

Bertrand Vergely

Bertrand Vergely

Bertrand Vergely est philosophe et théologien.

Il est l'auteur de plusieurs livres dont La Mort interdite (J.-C. Lattès, 2001) ou Une vie pour se mettre au monde (Carnet Nord, 2010), La tentation de l'Homme-Dieu (Le Passeur Editeur, 2015).

 

 

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Atlantico : Selon un sondage IFOP réalisé par l'Association des Familles Homoparentales (ADFH) (voir ici), près de deux Français sur trois se disent contre l'abrogation de la loi Taubira. 59% d'entre eux sont favorables à l'ouverture de la PMA pour les couples lesbiens et 44% sont d'avis d'autoriser la GPA pour les couples gay, chiffre en progression. Face à un discours aujourd'hui majoritaire sur ces questions, les opposants sont très vites catalogués comme étant homophobes, "réacs", ou "contre le progrès". Comment répondre à une telle rhétorique ? Quelles sont les ressources disponibles permettant d'ouvrir un débat serein sur cette question au sein de la société ?

Bertrand Vergely : Aujourd’hui comme hier les Français sont favorables à la famille homoparentale …  pour ne plus en entendre parler. Hier, leur attitude était de dire « Qu’on leur donne le mariage et qu’ils nous fichent la paix ». Aujourd’hui, leur attitude consiste à dire «  Qu’on leur accorde la PMA et la GPA et qu’ils nous fichent la paix ». Autrement dit, les Français ne sont pas pour le mariage homosexuel, la PMA et la GPA. Ils éprouvent un ras-le bol à propos de cette affaire. Il y a une raison à un tel ras-le bol. 

Ils ne savent pas quoi répondre. Parce qu’en plaçant la question de la parentalité homosexuelle sur le terrain de l’égalité, du progrès et de l’humain, la gauche a empêché tout débat. Ce qui a été d’une grande habileté de sa part.

Faisons de l’égalité, du progrès et de l’humain la raison de la famille homoparentale, quand on est pour,  ce procédé est génial. Il permet d’être pour la famille homoparentale sans avoir à s’expliquer sur le fond, la question n’étant plus celle de la famille, mais de l’égalité, du progrès et de l’humain. Autre avantage, l’intimidation. Aujourd’hui, qui va oser dire qu’il est contre l’égalité, le progrès et l’humain ? Personne. Allons au bout de cette logique. On aboutit au ras-le-bol actuel et  aux réponses au sondage effectué par l’ADFH. 

Penchons nous sur la façon dont les questions du sondage effectué ont été posées. A-t-on demandé aux Français de se prononcer sur le fond du débat à savoir sur le fait de savoir si ceux-ci sont d’accord pour que demain on ne passe plus par un homme et une femme pour faire un enfant et pas un père et une mère pour l’élever ?  On s’est gardé de parler de la vérité à savoir une rupture sans précédent dans l’histoire de l’humanité à propos de la naissance, de la famille et de l’éducation. A la place, on a posé comme questions le fait de savoir si il fallait être pour l’abrogation de la loi Taubira, contre l’élargissement de la PMA aux couples lesbiens, du côté de ceux qui sont contre la GPA et contre le fait d’avoir une mauvaise image des mères porteuses. Procédé habile là encore. Quelle est la question que posent ces questions ? Une seule : celle de savoir si on va semer la zizanie en étant dur ou pas. Comment voulez Vous que les gens répondent oui ? La France est encore sous le coup des attentas qu’elle vient de subir et voilà qu’on lui demande si elle est prête à allumer une guerre civile à propos de la famille homoparentale en abrogeant la Loi Taubira,  en refusant l’élargissement de la PMA, en étant pour ceux qui sont contre la GPA et en ayant une mauvaise image des mères porteuses. Dans un monde marqué par la haine, on Vous propose de choisir entre la famille homoparentale et la haine, que choisissez Vous ?  La famille homoparentale, bien évidemment. Et le tour est joué. L’affaire est dans le sac. On n’a pas de mal à expliquer triomphalement que 65% des Français sont pour la famille homoparentale. Ce qui est, si l’on y songe bien, un échec. Quand le choix qui est donné aux Français est entre la famille homoparentale et la haine, il est navrant qu’il n’y ait pas 100% de réponses favorables à la famille homoparentale. 

Ce sondage, autrement dit, est une farce menée de main de maître, un chef d’œuvre de manipulation idéologique et mentale. Cette farce et cette manipulation viennent de loin et dépassent la question homosexuelle, l’homoparentalité étant un prétexte pour une opération en profondeur. La culture contemporaine est dominée par l’idée que tout étant social tout peut s’inventer et se créer. Il suffit pour cela de prendre le pouvoir politique et d’édicter ses lois.

Comprenons cela, il devient possible de répondre aux accusations de « réac » et d’ « homophobe ». Les partisans de la famille homoparentale se disent de gauche. Question, comment peut-on se dire de gauche, humain et progressiste et priver un enfant de sa mère ou de son père ? Comment, alors que le monde devient de plus en plus impersonnel et inhumain à cause d’un capitalisme délirant, peut-on accepter de faire de l’enfant ce que l’on va « fabriquer » de façon totalement impersonnelle et inhumaine ? Comment, alors que l’humanité subit la violence d’un libéralisme qui entend pouvoir avoir droit à tout, faire de l’enfant un droit et ce que l’on s’approprie en fonction de ce droit ? 

Les opposants à la famille homoparentale ne sont pas de gauche. Pourquoi ? Parce que la gauche ne respecte plus la gauche. Elle n’a plus aucun respect d’elle-même. 65% des Français sont pour la famille homoparentale. Ils devraient être derrière François Hollande qui a fait du mariage pour tous l’une de ses mesures phares dans son programme pour l’élection présidentielle de 2012. Or, quand on les sonde pour savoir si ils vont élire ce même François Hollande en 2017 que voit-on ? Seuls 11% des Français sont prêts à voter pour lui. Ce qui veut dire que 89% des Français sont contre François Hollande qui, si il y avait aujourd’hui des élections, n’étant pas élu,  ne pourrait pas avoir une chambre lui permettant de faire voter la Loi Taubira . D’où cette question : comment se fait-il que 65% des Français sont pour la famille homoparentale alors que 89% des Français sont contre François Hollande ? 

La Loi Taubira est passée dans un courant d’air. Le combat idéologique lui n’est pas fini. Il y a à la base de cette loi  toute une culture. Il ne s’agit pas de débattre avec celle-ci mais de faire la révolution des esprits qui permettra de dénoncer son mensonge. Il s’agit de subvertir les professionnels de la manipulation mentale qui ont pris aujourd’hui possession de nous-mêmes. Puisque notre monde aime la révolution ainsi que la subversion, qu’il sache qu’il va être servi. Mais pas comme il l’imagine. 

Quelle peut être l'effet de cette rhétorique "englobante", visant à disqualifier les arguments des opposants, sur le terrain de l'homophobie ? En quoi l'opinion peut-elle être réellement influencée par une telle méthode ? 

Le fait de présenter la question de la famille homoparentale sous la forme d’une alternative entre  la haine et l’humain a un effet : donner à la gauche et aux pro-famille-homoparentale la pire des adhésions qui soit. En 1972, Vaclav Havel a écrit un essai Le pouvoir des sans pouvoir dans lequel il a expliqué pourquoi le communisme est tombé. Le communisme est mort de ne pas avoir d’autre moyen pour convaincre que de vaincre en cognant, en terrorisant et en suscitant de ce fait une adhésion de façade pour « ne pas avoir d’ennuis ». C’est ce à quoi nous assistons aujourd’hui avec la gauche. Celle-ci est en train de mourir. Manuel Vals est le premier à le reconnaître. Témoin son discours à l’Assemblée hier, Mardi 13 Septembre, devant les députés socialistes. Ce n’est pas un hasard. Posons comme alternative politique, la gauche ou la haine. On commence par avoir une large adhésion, personne ne voulant la haine, avant de s’écrouler, l’adhésion à la gauche pour cause de refus de la haine étant une adhésion réactionnelle et non profonde. L’opinion est dans cet état. Avec comme unique horizon ce choix seriné par les médias : « la gauche ou la haine », celle-ci ne sait plus quoi penser. Aussi fuit-elle en répondant aux sondages ce que ceux-ci ont envie d’entendre. 

A contrario, cette rhétorique de la "disqualification de l'adversaire" peut-elle également contribuer à la radicalisation des deux bords, entraînant une "qualité" de débat dont l'opinion préfère s'écarter ?

À quoi assistons-nous aujourd’hui ? À un phénomène de radicalisation de part et d’autre entre partisans et opposants à la famille homoparentale ? Pas vraiment. De grâce, laissons la radicalisation aux terroristes, même si à gauche certains croient judicieux d’assimiler les manifestants de la manif pour tous à des djihadistes.   On a plutôt affaire à un lobby politico-intelletctuello-médiatique omnipotent qui fait ce qu’il veut et, face à lui, à une société impuissante qui se tait mais aussi qui, pour une part d’elle-même,  travaille dans l’ombre. 

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