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Nicolas Dupont-Aignan : "Le discours de Laurent Wauquiez est très proche du mien : s’il est sincère, il faudra comme moi qu'il franchisse le Rubicon"
©LIONEL BONAVENTURE / POOL / AFP

L'interview politique

Dans cet entretien, le Président de Debout la France affirme qu'il est prêt à travailler avec les Républicains ou même les Patriotes.

Nicolas Dupont-Aignan

Nicolas Dupont-Aignan

Nicolas Dupont-Aignan préside Debout la France, parti politique se revendiquant du gaullisme et est l'auteur de France, lève-toi et marche aux éditions Fayard. 

 

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Atlantico : La journée de samedi a été marquée par l’extraordinaire hommage que les Français ont réservé à Johnny Hallyday. Que vous ont inspiré les événements d’hier ?

Nicolas Dupont-AignanJe pense que c'était un grand chanteur populaire et que les Français l'aimaient du fond d'eux-mêmes. Les Français ne sont pas dupes de la récupération politico-médiatique de sa disparition. Mais je me réjouis de voir les Français émus de cette disparition.

Je souhaiterai simplement que les autorités politiques se souviennent de tous les disparus. Il y en a de moins célèbres qui méritent aussi notre considération et notre souvenir. Mais ne comptez pas sur moi pour faire des batailles sur la dépouille des gens, surtout d'une personne tant aimée des Français.

Johnny Hallyday aurait sans doute été fier de voir cette foule d’anonymes venue le saluer. Quant à la récupération politico-médiatique lors de la cérémonie à la Madeleine, elle reste dérisoire face à la peine des Français.

A la veille du premier tour du scrutin de désignation du nouveau président des Républicains, Jean-Christophe Lagarde, le président de l'UDI, a annoncé qu'il n'y aurait plus d'alliance du centre avec la droite si Laurent Wauquiez était élu. Ce dernier ayant pour sa part exclu toute ouverture à la droite des Républicains, le rassemblement des droites que vous proposez n’est-il pas extrêmement improbable ? 

Tout d'abord, je tiens à dire que les déclarations de M. Lagarde sont une chance pour la France. Enfin débarrassé ! Enfin les centristes repartent à la soupe européiste et mondialiste ! On va comme cela en finir avec la malédiction de l'UMP qui a tué l'esprit populaire et national du RPR. Car il faut revenir à l'origine des choses : c'est la disparition du gaullisme à travers la création de l'UMP par Alain Juppé qui a nourri la fragmentation de la droite, et plus largement des patriotes et la croissance du Front National. Quand les gaullistes s'occupaient de la nation, quand le RPR s'occupait de la nation, il n'y avait pas de Front National fort. C'est d'ailleurs la même chose pour les socialistes : quand le PS a oublié le peuple, il a commencé à disparaitre des écrans radars. Je me réjouis donc que les centristes repartent au centre. Je dis à Laurent Wauquiez que c'est une chance historique pour rebâtir une grande coalition patriotique et humaniste qui doit rassembler tous ceux qui croient encore à la France, à l'indépendance du pays et qui veulent que la volonté politique l'emporte sur les forces de l'argent. Concrètement, les Français qu'ils votent Les Républicains, Debout la France, Front National ou Chrétien Démocrate, c'est-à-dire tous ceux qui ne veulent pas du monopole de M. Macron et de M. Mélenchon sur la vie politique française. Tout le reste n'est que littérature.

Laurent Wauquiez devra donc à un moment se mettre en cohérence. Son discours est très proche du mien : soit c'est un discours sincère, et il faudra qu'il fasse comme moi, c'est-à-dire qu'il franchisse le Rubicon et accepte de travailler avec les patriotes et les républicains. Soit son discours n'est pas sincère, et on verra très vite qu'il revient à la mélasse de l'UMP, qui n'a aucun avenir puisque M. Macron représente la droite de l'argent qui n'a jamais cessé de lutter contre la nation.

L'instant de vérité approche donc : soit Laurent Wauquiez est cohérent avec ses paroles, et les actes suivront. Soit ses paroles ne sont là que pour attraper des électeurs, mais les électeurs sont très intelligents et ne se laisseront pas attraper pour gouverner avec Mme Calmels et la Commission de Bruxelles.

Je suis très confiant parce que je vois sur le terrain à chaque réunion à laquelle j'assiste des électeurs des Républicains et du Front National qui chacun voudraient que leur propre parti change et évolue dans le bon sens. Ceux du Front National veulent un programme plus raisonnable pour enfin gagner. Ceux de LR veulent un programme moins européiste pour se réconcilier avec les classes populaires. On a une chance historique. L’objectif de la plateforme participative "Les Amoureux de la France" est de travailler ensemble sur un futur programme de coalition gouvernementale où chacun garde son identité politique mais ou chacun fait un pas vers l'autre.

Quels seraient les combats prioritaires de cette "union des droites" que vous appelez de vos vœux ?

Il faut d'abord se mettre d'accord sur ce que j'appelle le "Programme de Salut Public" minimum pour sauver le pays. C'est-à-dire traiter les causes des problèmes, que ne traitent pas M. Macron. La CSG augmente de 25%, les charges sociales des PME vont augmenter l'année prochaine. Le CETA va s'appliquer avec son libre-échange dévastateur. Les travailleurs détachés restent là, l'immigration est délirante et l'insécurité continue. Le mirage Macron va s'épuiser : il faut donc que nous apportions des solutions concrètes sans excès. Cela doit être un programme sérieux d'alternative. A partir de là, peut-être qu'émergeront des comités locaux des Amoureux de la France qui regrouperont des gens de partis différents. Avec Jean-Frédéric Poisson, nous n’avons pas vocation à créer un nouveau parti. Les Amoureux de la France n'est pas un parti de plus. Je suis Président de Debout la France, il y a Les Républicains, le Front National, les Chrétiens Démocrates… ne cherchons pas à créer un nouveau parti ! Faisons travailler ensemble les partis qui partagent une vision commune de la France. Débarrassons-nous des excès qui ont par le passé pu faire peur aux Français.

En avril dernier, Emmanuel Macron s'était voulu prophète et avait déclaré que le FN s'effondrerait s'il venait à l'emporter. De fait, le parti de Marine Le Pen paraît beaucoup moins conquérant qu’il avait pu l’être ces dernières années. Comment expliquez-vous cette morosité politique alors que le parti était arrivé 2ème à la présidentielle ?

Le Front National se cherche car il a essuyé une défaite. Pour autant, l'accord historique que nous avions noué avec Marine Le Pen l'a, d'une certaine manière, obligé à évoluer de fait. Tous les médias ont fait croire que j'adhérais au Front National, ce qui était faux : je reste un gaulliste indépendant. Au mois de mars, il y aura un congrès du Front National : on connaîtra alors la ligne de ce parti. De l'autre côté, M. Wauquiez a aussi énormément évolué par rapport au discours de M. Juppé.

Maintenant l'enjeu n'est pas celui des personnalités mais celui des électeurs. Je les rencontre sur le terrain : ils veulent que les disputes cessent. Ils voient bien que M. Macron travaille avec M. Bayrou. Ils voient bien que Mélenchon a réunifié les communistes et les écologistes qui n'étaient pas d'accord sur tout. Et ils voient bien que le chacun pour soi qui règne à droite est dévastateur. Alors soit on continue avec ce chacun pour soi, soit on se met autour de la table et on bâtit la France dont rêve les Français. Ne réduisons pas les Français aux étiquettes politiques. Nos concitoyens veulent des personnalités rassurantes avec un programme sérieux capable de sauver le pays.

Discutez-vous avec les Patriotes de Florian Philippot malgré la rupture récente de son mouvement avec le FN de Marine Le Pen ?

Je ne l'ai pas vu récemment, mais je dis à Florian Philippot qu'il faut passer d'une logique de division à une logique d'addition. Je ne connais pas les tenants et aboutissants de son départ. La création de son propre parti ne doit pas empêcher une démarche constructive. Cela impose de ne pas rester arcbouté sur la sortie de l'euro qui n'est pas voulue par les Français, c'est un fait ! Je pense donc qu'il faut prendre les choses dans le bon ordre. Les Français n'ont pas compris la sortie de l'euro. Je pense que cette monnaie est mauvaise, je le maintiens. Cependant, avant de vouloir en sortir tentons de la faire évoluer pour récupérer notre liberté monétaire.

Je suis convaincu que nous pouvons rassembler les français autour d’un programme commun de bon sens. Y a-t-il une majorité de Français pour contrôler nos frontières ? Oui : 80%. Y a-t-il une majorité de Français pour arrêter l'immigration massive ? Oui. Y a-t-il une majorité de Français pour baisser les charges sur les PME qui produisent en France ? Oui. Y a-t-il une majorité de Français pour sauver l'hôpital dans nos campagnes ? Oui. Je suis donc convaincu qu'on peut redresser le pays en s'appuyant sur le référendum et donc sur les Français. C'est exactement l'inverse du programme de M. Macron qui est un pouvoir autoritaire et médiatique. C'est un pouvoir de communication, et la communication ça marche au début, mais pas éternellement. Mon devoir est de préparer la suite, parce que Macron s'effondrera avec tous les centristes de tout bord, les "extrêmes-centre" comme je les appelle, les européistes. Si nous ne faisons rien il n’y aura que Jean-Luc Mélenchon comme alternative, il y a donc urgence à nous organiser.

En juin 2013, un sympathisant UMP sur deux était pour une alliance avec le FN lors des municipales. Chez Les Républicains, ils ne sont aujourd'hui plus que 29% (sondage Yougov du 6 décembre dernier). Comment pensez-vous, dans l'optique de rassemblement que vous prônez, pouvoir vous substituer au FN dans cette configuration ? 

L’électorat de droite n’est pas figé car personne n’est propriétaire des voix. Beaucoup d’électeurs des Républicains sont venus à Debout la France. Ils ont bien vu que ce parti rassemblait des personnalités aux programmes bien différents voire opposés. Nous verrons bien quelle ligne ils défendront à l’avenir. Il faudrait être aveugle pour ne pas le constater sur le terrain. D’ailleurs, il suffit de voir les scores électoraux de Debout la France en haussent au fil des différents scrutins pour voir que les lignes bougent. L’avenir nous dira si les électeurs de droite seront écoutés.

Je ne cherche pas à me substituer au Front National et cela n’a jamais été ma démarche. Vous raisonnez en terme de querelles partisanes. Ce n’est pas mon cas. L’enjeu est d’accéder au pouvoir afin de changer concrètement la vie des Français, de sauver la France de son asservissement programmé. Cela peut se réaliser uniquement par le biais d’une coalition reposant sur un socle d’idées et de valeurs communes car aucun parti n’est en position de gagner seul. Toute personnalité politique qui pense y arriver sans alliance est irresponsable. Il faudra bien amener les Républicains, Debout la France et le Front National autour de la table et je compte bien mener à bien cet engagement capital pour le pays.

47% des Anglais regretteraient le Brexit, contre 36% qui trouveraient que c'est une bonne chose selon un sandage fait par Fondapol en 2017. La sortie de l'Union européenne ne montre-t-elle pas ses limites ? Le camp eurosceptique ne souffre-t-il pas de ce qu'il a présenté il y a quelques temps comme sa plus grande victoire ?

Le peuple a voté. Les oligarchies mondiales ne supportent pas les peuples indépendants. Le reste est de la littérature. Moi je peux ressortir aussi des sondages sur le traité de Maastricht où les Français regrettaient d'avoir adopté l'euro.

Le Brexit se fera. L'Union européenne dans sa configuration actuelle est morte, tout le monde le sait. Mais l'Union européenne ce n'est pas l'Europe. Il faut donc bâtir une belle Europe et des projets. Entre le Frexit imaginaire et l'Union européenne totalitaire, il y a une voie à trouver : la nouvelle Europe qui respecte les pays.

Nous sommes malheureusement dans un pays où bien souvent l'information n'est plus libre. Où la propagande a remplacé le journalisme. Je rencontre tous les jours des Français qui me disent ne plus écouter la radio, ne plus regarder la télévision, et s'informer sur internet. La propagande a toujours été au service des dictatures, mais les dictatures s'effondrent toujours quand les peuples souffrent trop. Vous verrez que la propagande passera très vite, quand les Français regarderont les résultats. Notre boulot dès lors n'est pas de critiquer M. Macron mais de présenter un programme alternatif qui résolve les problèmes concrets des Français : pouvoir d'achat, emploi, sécurité, services publics, école publique. Ce qui m'intéresse n'est donc pas de commenter une information biaisée, mais de préparer ce programme alternatif sérieux. Je ne ferai que ça pendant les années qui viennent.

Une polémique qui a fait beaucoup réagir sur les réseaux sociaux vous a opposé en fin de semaine à Mimi Mathy qui a tenu à se dissocier de votre tweet félicitant le téléfilm Joséphine Ange Gardien qui montrait la GPA et le traitement réservé à une mère porteuse sous un regard critique. Pour l’actrice, hors de question d’être associée à « un homme politique capable d’avoir passé une alliance avec le Front National ». Vous lui avez vous-même répondu vertement en faisant référence au montant de ses cachets. Un mot de conclusion à ce clash et un autre sur le fond ?

Mimmy Mathy peut dire ce qu'elle veut. Je n’ai pas cherché à la mettre en avant par mon tweet et je me fiche de son accord. J'ai simplement été ému, en regardant avec ma fille cet épisode, de la manière très fine, très subtile dont était abordé la GPA, la monstruosité de l'esclavage de ces femmes qui louent leurs ventres pour de l’argent. J'ai simplement fait un tweet pour mettre en avant cette réalité. Ce n’est pas humain d'acheter le ventre d’une femme et de casser le lien entre la mère et son bébé. Je ne souhaite pas voir ce type de société s’imposer en France comme des millions de Français.

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