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Le choc du réel : quand le dialogue social sort des débats à somme nulle
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Bonnes feuilles

900 000 jeunes Français qui ne cherchent même plus d'emploi, une perte de compétitivité continue, des pans entiers de territoire en déshérence... Sous le choc du réel, la France se réveille en sursaut. A l'aide de nombreux exemples et en s'appuyant sur les outils de la pensée complexe, sur la notion de confiance ou celle de pouvoir latéral, Hervé Sérieyx multiplie les repères pour aider chacun à participer à l'invention du monde qui vient. Extrait de "Le choc du réel", publié chez Eyrolles (2/2).

Hervé  Sérieyx

Hervé Sérieyx

Hervé Sérieyx a été dirigeant de plusieurs entreprises et groupes, professeur associé d'université, délégué interministériel à l'insertion des jeunes et conseiller de nombreux dirigeants économiques. Il est aujourd'hui, entre autres fonctions, vice-président national de France Bénévolat et vice-président de Réseau Alliances. Conférencier réputé, chroniqueur dans plusieurs revues, il est l'auteur d'une trentaine de livres.

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En première analyse, ne boudons pas notre plaisir. Nationalement, le dialogue social a repris des couleurs. Que ce soit l’Accord national interprofessionnel (ANI) de 2013, les accords sur la réforme des retraites, sur la formation professionnelle, sur le Pacte de responsabilité, syndicats patronaux et syndicats salariés ont su trouver la voie du compromis. Et si deux centrales syndicales préfèrent encore trop souvent se barricader dans le monde d’hier, les syndicats réformistes savent désormais rechercher des majorités constructives.

Il a fallu se cogner contre le réel pour qu’émerge enfin ce pragmatisme salvateur : l’actuelle mutation du paysage économique, à la fois radicale, incontestable, mondiale et rapide, imposait ce nouveau réalisme. Comme le rappelle Stéphane Roussel : « Cette radicalité nous épargne le déni de réalité d’acteurs qui, de bonne ou mauvaise foi, défendraient la thèse du statu quo en attendant des jours meilleurs… Ce qui a longtemps permis aux partenaires sociaux de ne pas changer de modèle, c’était la possibilité d’un désaccord sur le constat de la situation socioéconomique : si la lecture de la réalité, parce que floue, n’était pas la même, il pouvait être envisageable de ne pas avancer ensemble et de rester immobile sans crainte réelle d’être complètement discrédité. Or, la particularité de la situation actuelle est qu’elle est lisible, voire transparente à tous1. »

Mais la lenteur processionnaire de ces laborieuses négociations est-elle compatible avec la vitesse à laquelle change le monde, se dégrade notre compétitivité et se déchire notre tissu social ?

Un triple handicap

Comme le rappelle Hubert Landier1, le monde syndical souffre d’un triple handicap. Un handicap de représentation, un handicap d’imagination, un handicap de fonctionnement.

Pour ne citer que quelques mouvements qui ont défrayé récemment la chronique, les « Pigeons » et les « Bonnets rouges », il s’agit d’éruptions sociales que ni les syndicats patronaux ni les syndicats de salariés n’avaient anticipées. Ces formes de contestation surgissent d’une façon presque instantanée et se font immédiatement connaître par des initiatives inattendues. La mobilisation recherchée passe par Internet et les réseaux sociaux et les pouvoirs publics donnent très vite raison aux instigateurs tant ils ont peur que ces actions hautement médiatiques ne fassent rapidement boule de neige. À l’évidence, ceux qui lancent de telles actions sociales – et elles sont de plus en plus nombreuses – ne se sentent pas représentés par les syndicats officiels qui en sont réduits à tenter de suivre le mouvement.

Le handicap d’imagination, c’est le carcan du droit du travail qui le leur impose. Dans cette société liquide que décrit Zygmunt Bauman, où surgissent sans cesse de plus en plus de situations nouvelles, le droit en général – le droit du travail en particulier – cherche sans cesse à rattraper des faits qui courent plus vite que lui : il tente en permanence de remonter le rocher de Sisyphe, pour essayer de maîtriser chaque occurrence d’une réalité neuve et non prévue par les textes en vigueur, en multipliant les lois, les règlements, les décrets, les procédures. Cette profusion juridique qui donne au législateur l’illusion de maîtriser le réel s’abîme le plus souvent dans un gigantesque tonneau des Danaïdes, un puits sans fond où disparaît le plus souvent jusqu’à l’intelligibilité même de toutes nos politiques. Produit d’une sédimentation de plus en plus erratique, le code du travail, avec ses 7 400 articles, n’est plus lisible. Contraints de naviguer dans ce labyrinthe de textes issus du passé, les partenaires sociaux ont bien peu de chances d’imaginer les solutions neuves qu’exigerait notre entrée dans le futur.

Le handicap de fonctionnement, les organisations syndicales le doivent à leurs structures lourdes, lentes, verticales, verrouillées par des centrales plus soucieuses d’entretenir les clivages qui les opposent les unes aux autres et de défendre leur « part de marché » que de saisir les signaux faibles émanant d’une société et d’un monde du travail en profonde métamorphose.

Extrait de "Le choc du réel - Quand la France se réveille en sursaut", de Hervé Sérieyx, publié chez Eyrolles, 2014. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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