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La question à 18 milliards pour l’Europe : mais que font les Allemands de tout l’argent de leur excédent budgétaire ?
©Reuters

Super cagnotte

Un budget excédentaire de 0.6% de son PIB fait la fierté de l'Allemagne. Une réussite contradictoire dans un pays en souffrance d'investissements et au taux de pauvreté en constante augmentation depuis 2006.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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18 milliards d’euros d’excédents au titre du budget 2014, soit +0.6% du PIB, voici l’exploit réalisé par le gouvernement d’Angela Merkel, sous l’impulsion de son ministre des finances Wolfgang Schäuble. Car il s’agit bien d’un record en termes de montant : même si l’excédent budgétaire est devenu la règle, après 2012 et son surplus de 2.6 milliards, ou 2013 et ses 4.2 milliards, 2014 ne fait finalement qu’accélérer la tendance en cours.

Une tendance qui avait d’ailleurs été la source de plusieurs critiques, notamment de la part du gouvernement français, qui demandait à l’Allemagne d’en faire plus pour soutenir la croissance européenne à travers la mise en place d’investissements publics. Ou encore de la part de membres de la Banque centrale européenne, qui voyaient ici une occasion pour l’Allemagne, soit de soutenir ses investissements, soit d’abaisser son niveau d’imposition.

Mais non. L’objectif reste inchangé et Wolfgang Schäuble ne s’en cache pas : il s’agit de faire baisser le niveau d’endettement du pays par rapport à son PIB. Et de ce point de vue, l’opération est un succès. D’un endettement total de 80% de son PIB en 2010, le pays atteint un niveau proche de 74% pour 2014, et devrait franchir la barre de 70% pour cette année 2015.

Le choix est donc fait. Mais il reste à évaluer la pertinence de ce choix. Car l’Allemagne dispose d’un atout précieux : ses taux d’intérêts historiquement faibles. Au 24 février 2015, les taux d’intérêts à 10 ans s’affichent à 0.367%. En considérant les évolutions de l’inflation sur les 10 prochaines années, le constat est clair, le pays est en capacité d’emprunter de l’argent gratuitement. Plus surprenant encore, les taux à 5 ans sont négatifs. Ce qui signifie que le gouvernement allemand est payé pour emprunter de l’argent sur les échéances de court et moyen terme. Et les marchés en redemandent.

Une situation telle que le pays serait donc en mesure de lever des fonds tout en respectant scrupuleusement les règles de la zone euro. 3% de déficit maximum, auxquels peuvent être rajoutés les 0.6% d’excédents présentés au titre de 2014, soit un total de 3.6% du PIB, c’est-à-dire un peu plus de 100 milliards d’euros.

Pour quoi faire ? En se plaçant sous l’angle européen, l’évidence voudrait qu’en cette période de vaches maigres de la croissance de la zone euro, un soutien plus fort de la part de l’économie la plus forte du continent pourrait être considéré comme étant le bienvenu. Parce que 100 milliards d’euros, cela reste l’équivalent de près de 50% du PIB grec, par exemple. Lorsque l’Allemagne était en difficulté au début des années 2000, elle a pu compter sur le niveau d’activité des autres pays de la zone euro pour soutenir ses exportations. Mais bien évidemment, cette perspective n’est pas la plus convaincante ou la plus enthousiasmante pour le contribuable allemand. Il va falloir lui vendre autre chose.

Et cette autre chose pourrait prendre la forme de l’investissement public. Car depuis la création de la zone euro, la situation de l’investissement dans la plus grande économie du continent laisse perplexe. Ainsi, entre 2000 et 2013, la progression totale de l’investissement en Allemagne atteint 5.74% en termes nominaux. A titre de comparaison, le même chiffre pour la France, qui n’est pourtant pas un modèle du genre, atteint 46.78%. Soit un rapport de 1 à 8.

Investissement total à prix courants. En %. France- Allemagne

Il existe donc, assez manifestement, une marge de manœuvre à la hausse. Si une partie de cet écart repose sur le différentiel d’investissement concernant l’immobilier, il n’en reste pas moins que l’Allemagne souffre de lacunes. Ainsi, selon le cabinet Mc Kinsey, les besoins dépassent les 50 milliards d’euros concernant les infrastructures du pays. Soit 9.7 milliards d’euros par année au seul titre de la maintenance, selon l’ancien ministre des transports, Kurt Bodewig. Alors que le gouvernement actuel n’en prévoit que 2. Un pays qui se veut le champion mondial de l’exportation doit être à la pointe en termes de réseau ferroviaire, portuaire, et routier. La productivité du pays n’en serait qu’optimisée.

De façon plus urgente, le pays est surtout confronté à une réalité moins avouable. Malgré l’insolente santé apparente de l’économie, et la baisse continue du taux de chômage, le nombre de pauvres a continuellement progressé depuis 2006, pour atteindre 12.5 millions de personnes en 2013. Soit 15.5% de la population. Et plus spécifiquement les femmes. 40% des mères célibataires ne dépassant pas le seuil de pauvreté.

Entre la nécessité d’affronter la réelle problématique de pauvreté, le besoin en investissements publics, et le manque évident de relai de croissance en Europe, l’Allemagne dispose d’une réelle alternative à son seul projet de réduction du niveau de dette. Non pas que cet objectif soit dépourvu de sens dans l’absolu. Mais tout est une question de priorité lorsque le coût de l’emprunt est nul.

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