La pandémie a permis à Emmanuel Macron et à la plupart des dirigeants européens d’accroître leur pouvoir. Mais qui envisage un vrai retour à la normale ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Le président Emmanuel Macron s'exprime après une rencontre avec le président argentin, à l'Elysée, le 12 mai 2021.
Le président Emmanuel Macron s'exprime après une rencontre avec le président argentin, à l'Elysée, le 12 mai 2021.
©Ludovic MARIN / AFP

Déconfinement de l’équilibre des pouvoirs

La pandémie de Covid-19 a contribué à l'instauration de régimes d'exception dans le cadre de la gestion de la crise sanitaire. L'équilibre des pouvoirs a été fortement perturbé pendant la pandémie, notamment en Europe.

Raul Magni-Berton

Raul Magni-Berton

Raul Magni-Berton est actuellement professeur à l'Université catholique de Lille. Il est également auteur de notes et rapports pour le think-tank GénérationLibre.

 

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Atlantico : La crise sanitaire a favorisé en Europe la mise en place de régimes d’exception dans un objectif d’efficacité face à la pandémie. Comment s’est effectué, et traduit, le renforcement du pouvoir de certains dirigeants ? A-t-il été identique partout ?

Raul Magni-Berton : Non, les mesures qui ont été prises dans les pays germaniques et scandinaves, a l’instar de la Suède, des Pays-Bas ou même l’Allemagne, ont appliqué des mesures beaucoup plus douces - dans plusieurs de ces pays le confinement strict a peu existé et l’état d’urgence n’a été utilisé qu’au compte-goutte - alors que les pays de l'Europe de l'Est, comme la Pologne et la Bulgarie, ont pratiqué des mesures qui renforcent beaucoup le pouvoir des exécutifs et réduisent fortement les libertés individuelles. L'Europe du Sud est dans une position intermédiaire, et la France reste le pays qui a été le plus autoritaire d'Europe de l'Ouest, avec notamment un couvre-feu appliqué très tôt (à 18 heures au début). Aux Pays-Bas, il y a eu émeute quand ils ont essayé d’en instaurer un à 21 heures. De manière générale, les mesures ont augmenté le pouvoir de l'exécutif au détriment du parlement, du pouvoir judiciaire, du conseil d'état et parfois du conseil constitutionnel. Ce qui est intéressant dans ce tableau est que ce n'est pas dans les pays où la pandémie a été le plus sévère que les mesures ont été les plus strictes. 

La crise sanitaire va progressivement arriver à son terme. L’équilibre des pouvoirs qui a été perturbé pendant la pandémie va-t-il être restauré ?

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C'est une question difficile, et le projet européen que nous menons en ce moment (Exceptius) vise précisément à répondre à cette question. On peut d'ores et deja penser que tous les pays ne réussiront pas à restaurer l'équilibre des pouvoirs d'avant. La France est un bon candidat pour être l'un d'eux. Par exemple, la législation d'exception, par ordonnance à outrance, a produit un grand nombre de recours. Parfois, le Conseil Constitutionnel a produit des interprétations nouvelles, comme par exemple, celle qui consiste à donner un statut de "loi" aux ordonnances. Cela restera après la crise. Ou encore, le Conseil d'Etat ayant interdit la surveillance par drones, le gouvernement fait passer un décret qui les autorise qui restera également après la crise. L'ensemble de ces petits événements font que, à la fin, certains pays se retrouveront avec un état de droit moins solide ou moins de libertés individuelles. 

Vous avez analysé pour Frontiers les déterminants structurels des réponses au Covid. Ces données peuvent-elles également permettre d’imaginer où les transpositions de mesures exceptionnelles dans l'État de droit vont être les plus marquées ?

Le principal résultat de cette étude est que le niveau de restrictions des libertés individuelles en réponse à la pandémie n'est pas associé à la gravité de la crise, ni à l'idéologie du gouvernement. Il est en revanche associé à la stabilité democratique, la qualité des contre pouvoirs et à la confiance dans les institutions. Ce sont tous des facteurs très stables dans le temps, ce qui signifie qu'on pouvait prédire il y a 20 ans quels pays allaient être plus stricts. En particulier, la confiance dans les institutions est assez importante: lorsqu'elle est élevée, le gouvernement a besoin de simples recommandations pour que les mesures les plus simples - comme la distanciation ou le port du masque dans les lieux fermés - soient globalement respectées. En revanche, quand la confiance est faible, le gouvernement prend des mesures très contraignantes, multipliant les contrôles et les amendes. Autrement dit, le gouvernement démontre à son tour une forte défiance à l'égard de ses citoyens. Cela produit un cercle vicieux de la défiance qui a des conséquences très regrettables si l'on aime l'état de droit et les libertés publiques.    

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Quelles devraient être les solutions pour que l’après-pandémie soit plus démocratique ?

Les solutions peuvent se trouver dans ce qu'on appelle les "compensateurs". Dans certains pays, comme la Belgique, il y a eu des mesures strictes, mais il y a également eu plusieurs mesures de compensations qui ont permis aux citoyens d'avoir un plus fort regard sur le comportement de leurs dirigeants. Les mesures exceptionnelles de transparence - comme par exemple la publicité des débats en conseil des ministres - permettent non seulement de restaurer plus facilement les droits, mais aussi de ne pas éroder la confiance. C'est l'une des solutions qui semblent le plus efficaces, mais, paradoxalement, elles sont plus utilisées par les pays dans lesquels les droits individuels et l'état de droit ont été le moins mis à mal. Autrement dit, ce sont les pays qui sont deja plus démocratiques, qui appliquent les solutions pour mieux sauvegarder la démocratie. 

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