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La guerre en Ukraine provoque un électrochoc moral sur le capitalisme mondial
Vladimir Poutine ne se remettra pas de cette guerre, parce que les acteurs de l’économie mondiale ont enfin compris que l'économie de marché et le capitalisme avaient besoin d'assurance morale et éthique pour fonctionner et créer de la richesse et du progrès.
Le président Poutine ne se remettra pas de cette guerre engagée en Ukraine, parce que les principaux acteurs de l’économie mondiale ont enfin compris que l’économie de marché ne peut fonctionner et créer de la richesse que si son écosystème respecte la morale, l’éthique, la liberté, la responsabilité individuelle et des règles de conduite que seule la démocratie peut accoucher.
Vladimir Poutine mène une guerre qui n’est pas seulement idéologique, mais hors du temps par ses objectifs et insupportables par les moyens utilisés. L’Histoire retiendra qu‘il a provoqué un électrochoc planétaire, qui doit permettre aux acteurs principaux du capitalisme mondial de se convaincre que le système de marché ne pouvait pas fonctionner sans morale, ni respect de la démocratie.
C’est une grande leçon pour les dictatures et dictateurs du monde ou qui même ceux qui en rêvent.Le résultat est évident. Il saute aux yeux :
En quelques jours, l’ensemble du monde occidental a décidé d’isoler le régime russe et donc de rejeter ses dirigeants de l’ONU et de la plupart des grandes organisations internationales.
En quelques jours, la quasi-totalité des pays capitalistes et démocratiques ont décidé d’appliquer des sanctions économiques et financières sans précédent à la Russie et aux dirigeants russes. Les embargos vont bloquer le commerce avec la Russie, donc stopper beaucoup d’activités, et vider les magasins. Le retrait des banques et des institutions financières, le gel des réserves de la banque centrale paralysent les moyens de paiement et de financement.
En quelques jours, les enseignes occidentales de la grande consommation (Mc Donald, Starbucks) aux industries du luxe (Chanel, LVMH) en passant par les seigneurs du digital, les GAFAM américains ont fermé leurs magasins.
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Jamais dans l’histoire moderne, le monde n’avait vécu de tels blocus.
En quelques jours, les hommes de Moscou sont montrés du doigts, infréquentables et poursuivis, les oligarques perdent leur liberté de circuler et leur compte en banque. Et les cadres dirigeants occidentaux rentrent à la maison.
Et ces Occidentaux ne répondent qu’à la seule obligation morale de ne pas contribuer à une aventure aussi archaïque et aussi sauvage.
C’est absolument extraordinaire, le nombre d’administrateurs français, allemands, anglais, américains qui ont démissionné des conseils de direction qu’ils occupaient jusqu’alors et qui leur rapportaient personnellement beaucoup d’argent : François Fillon, Yves Thibault de Silguy et même Dominique Strauss- Kahn qui n’a pourtant jamais été un modèle de vertu, y compris dans les affaires.
En Grande Bretagne, c’est aujourd’hui le grand remplacement. La moitié des oligarques milliardaires russes habitaient Londres. Leurs familles sont restées mais eux sont rentrés à Moscou pour éviter que le gouvernement britannique ne les poursuive et les arrête. Grand déménagement aussi, parce que les cadres occidentaux installés en Russie sont rentrés par centaines.
En quelques jours, le rouble a perdu 40 % de sa valeur, la matière grise occidentale a fait ses valises et plier ses logiciels et l’économie russe s’est mise en risque d’étouffement.
Il n’y a guère que le secteur de l’énergie, la vente de gaz et de pétrole qui apporte de l’oxygène et permet de continuer à financer la guerre. Parce que sur le pétrole et le gaz, l’Occident est très dépendant de la Russie et la Russie le sait.
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Mais là encore, la situation aura obligé les Occidentaux européens à trouver des sources d’approvisionnement. Et ils y parviendront.
Ce qui est extraordinaire dans cette histoire, ce n’est pas le comportement de Poutine, c’est la réaction occidentale qui a pris conscience que l’économie de marché ne pouvait pas être hybride, c’est à dire qu‘elle ne pouvait pas continuer de fonctionner durablement avec des dictatures. Le marché ne le supporte pas. Et c’est tant mieux.
Cette prise de conscience va avoir trois séries de conséquences.
La première conséquence, c’est que le capitalisme mondial ne peut que devenir plus vertueux qu’il ne l’était. Il ne va pas laisser aux seuls gouvernements la responsabilité de la géopolitique. La géo-économie va jouer son rôle. Les fonds d’investissement et les grandes entreprises vont jouer de leur vigilance. L’argent, le profit, l’optimisation financière oui, mais pas au mépris de la morale et de la vertu.
La pandémie nous a montré que la solidarité mondiale sur les vaccins, par exemple, nous permettait de lutter contre un virus mortel. La détérioration de l’environnement a provoqué des réactions salutaires des marchés qui imposent de se battre pour le climat.
La guerre en Ukraine nous montre actuellement que les acteurs de l’économie de marché ne peuvent décidément pas fonctionner avec des dictatures surtout quand elle s’engage dans une guerre qui n’a pas d’autre sens que de flatter l’ego des dirigeants qui ont éliminé tous les contre-pouvoirs.
Depuis la chute du mur de Berlin, provoquée par la faillite économique de l’empire soviétique, les peuples libéraux et démocrates ont pensé que la richesse économique, le développement et le marché international pouvaient permettre l’émergence du progrès pour le plus grand nombre et par conséquent, les peuples occidentaux ont pensé que la généralisation de l’économie de marché allait essentiellement imposer le respect des valeurs de la démocratie.
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Les peuples de culture libérale se sont trompés. On sait que le développement économique a besoin de culture juridique et morale et par conséquent, de règles.
La deuxième conséquence, c’est que Vladimir Poutine a exclu la Russie du jeu mondial et par conséquent, sans effort démocratique et juridique, le pays ne parviendra pas à revenir dans le système. Or, la Russie aura toujours besoin du jeu mondial pour vendre ses richesses et acheter ce qui lui manque. Seulement, on n‘imagine pas un seul investisseur occidental, une seule entreprise américaine ou européenne qui, demain, acceptera de faire des affaires dans un pays dont les dirigeants ont tellement menti.
Pour reprendre sa place dans le monde des affaires, la Russie devra restaurer un rapport de confiance. Donc édicter de règles et les respecter. Elle n’aura guère les moyens d’imposer ses propres règles.
La troisième conséquence concerne la Chine dont l’attitude à l’encontre de la Russie laisse présager une grande interrogation du côté de Pékin. Pékin ne peut plus se permettre de soutenir Moscou et prendre le risque d’un dérèglement international parce que Pékin a encore besoin de l’économie de marché pour assurer sa survie et son développement.
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