La gauche en perdition : l’écologisme se soucie moins de la planète que de détruire la civilisation occidentale<!-- --> | Atlantico.fr
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Des militants radicaux mobilisés contre le projet de méga-bassines à Sainte-Soline.
Des militants radicaux mobilisés contre le projet de méga-bassines à Sainte-Soline.
©PASCAL LACHENAUD / AFP

Bonnes feuilles

François Pupponi publie « La gauche en perdition LFI, EELV, NUPES... La grande dérive » aux éditions du Cerf. Wokiste, indigéniste, séparatiste, communautariste, néoféministe, décolonialiste... Où va la néogauche ? François Pupponi se penche sur la dérive de cette gauche française qui renoue avec ses pires errements, qui piétine les institutions et rêve de grand soir. Extrait 2/2.

François  Pupponi

François Pupponi

Membre du Parti socialiste jusqu'en 2018, ancien député et maire, pendant vingt-deux ans, de Sarcelles, François Pupponi est l'auteur de « La gauche en perdition - LFI, EELV, NUPES... La grande dérive », « Les Émirats de la République – Comment les islamistes prennent possession de la banlieue » et de « Lettre à mes compatriotes musulmans », parus aux Éditions du Cerf.

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Voilà l’ultra-gauche devenue écolo... Pendant que les Iraniennes se font massacrer pour la liberté, pendant que les Ukrainiens se font massacrer par l’envahisseur russe, notre ultra-gauche écolo met à feu et à sang un coin du département des Deux-Sèvres où une poignée d’agriculteurs a eu l’idée, manifestement mauvaise pour nos néopuritains, de construire un bassin d’irrigation. Ces écologistes d’un genre un peu particulier sont en effet venus raser leur édicule et casser tout ce qui pouvait tenir debout alentour au titre du respect de l’environnement et au nom de la justice sociale. Le ministre de l’Intérieur les a qualifiés d’« écoterroristes », provoquant immédiatement des cris d’indignation sur les bancs de la néogauche. Oser de pareils qualificatifs à l’encontre de militants qui ne font qu’user de leur droit démocratique à manifester pour une cause juste est proprement insupportable, n’est-ce pas ? Ce Darmanin, on ne peut plus en douter, tient le discours de l’extrême droite des années trente, se sont égosillés les uns ; cela rappelle les heures les plus sombres de notre histoire, se sont scandalisés les autres. À moins que l’incident ne convoque d’autres souvenirs mieux fondés.

Ce n’est pas la première fois que la cause écologique conduit à des affrontements ultra-violents. Dès juillet 1977, une manifestation dégénéra sur le site de Creys-Malville, en Isère, où EDF projetait de construire une centrale nucléaire. Il y eut un mort. Cinq ans après, le chantier du réacteur fit aussi l’objet d’un attentat... au lance-roquettes. L’enquête ne permit pas d’identifier l’individu qui avait tiré les cinq projectiles mais, vingt ans plus tard, un député écologiste suisse révéla en être l’auteur. Il affirma s’être procuré le RPG-7 soviétique utilisé pour cette attaque auprès de la Fraction armée rouge, par l’intermédiaire du terroriste Carlos et des Cellules communistes combattantes. Il faut savoir que la Rote Armee Fraktion, aussi appelée bande à Baader, était un groupuscule terroriste qui était en cheville avec la Stasi, les services secrets de la RDA communiste, ainsi qu’avec le FPLP, le Front populaire de libération de la Palestine, groupe également terroriste mais manipulé par Damas pour le compte de Moscou. D’où la provenance de l’arme. Mais baste, l’éco-canardeur justifia son geste en prétendant qu’il s’agissait d’une action non violente.

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Creys-Malville, c’était le hors-d’œuvre. Après, on a eu droit à Notre-Dame-des-Landes. La commune de Loire-Atlantique devait accueillir un nouvel aéroport pour remplacer celui de Nantes qui était saturé. Pendant des années, deux ou trois cents hurluberlus se sont incrustés sur le site pour empêcher par tous les moyens que l’équipement ne soit construit. Lassé des scènes de guérilla, le gouvernement a fini par jeter l’éponge.

Qu’il s’agisse des réserves d’eau, de la centrale électrique ou de l’aéroport, chaque projet avait été soumis à des enquêtes d’utilité publique, avant de donner lieu à des consultations d’élus, puis à des échanges avec les populations locales. Bref, les procédures les plus exigeantes en cours dans les pays démocratiques avaient été respectées. N’importe, une minorité qui estime détenir la vérité contre l’opinion de la majorité l’a emporté à chaque fois. Par souci d’apaisement, les gouvernements lui ont toujours donné raison.

Partant, il était inévitable que ces groupuscules se sentent invincibles. Pas étonnant que le mouvement écologiste lui-même se sente en droit d’imposer sa vision du monde à l’ensemble des Français, bien qu’il ne réalise que des scores marginaux dans les scrutins nationaux : pas plus de 4,63 % des voix à l’occasion de la présidentielle de 2022, de 2,31 % des suffrages lors de celle de 2012 et de 1,57 % en 2007. Son positionnement idéologique est à lui seul une longue histoire, car aucune logique ne prédestinait la défense de la nature à se retrouver à l’extrême gauche, surtout si l’on pense au désastre environnemental que la défunte Union soviétique a laissé derrière elle. Mais peut-être, en raison de la convergence des extrêmes, de rouge à brun et de brun à rouge, la glorification illimitée de la nature à laquelle s’est livrée le totalitarisme nazi a-t-elle fini par inconsciemment l’inspirer, qui sait ?

L’écologie, en France, avait deux ailes jusqu’à la fin du XXe siècle. Celle de gauche était conduite par Yves Cochet, désormais acquis à la collapsologie et vivant retiré dans un repaire survivaliste du côté de Rennes. L’autre était de droite, dirigée par Antoine Waechter, qui ne manquait pas de légitimité, il faut bien le reconnaître, pour prendre la tête de toute la famille. Fort d’une thèse de doctorat sur « l’éthologie et l’écologie de la fouine », l’Alsacien était tout d’abord l’un des rares écologistes à avoir acquis des connaissances théoriques liées aux questions environnementales. Enfin, il était, avec Daniel Cohn-Bendit, le seul élu de cette couleur à avoir franchi la barre des 10 % lors d’une élection majeure (les européennes de 1989).

Dans la décennie suivante, le mouvement écolo s’est résolument ancré à gauche, tandis que son aile droite a été marginalisée, pour ne pas dire exclue du paysage. Pour le Parti socialiste, il est devenu un allié, mais aussi, déjà, un allié imprévisible. Ce qui nous a d’emblée inquiétés a été de voir les Verts attirer à eux une foultitude de personnages issus de l’extrême gauche, dont la connaissance des théories trotskistes ou maoïstes l’emportait nettement sur les compétences en matière d’environnement. Nous étions alors nombreux à pressentir que des difficultés insurmontables n’allaient pas tarder à survenir. En particulier sur des sujets qui faisaient jusque-là consensus au sein de la gauche de gouvernement, comme le dossier nucléaire. Au moment où l’on a commencé à parler de décarboner la production d’énergie, il ne nous pas semblé du tout raisonnable de fermer Superphénix – le surgénérateur de Creys-Malville évoqué précédemment – qui représentait une filière d’avenir face au réchauffement climatique. Mais les Verts l’exigeant, Lionel Jospin a eu la faiblesse de l’ordonner.

Peu à peu, on a senti les écologistes partir à la dérive. C’était encore peu visible quand Eva Joly s’est présentée à l’élection présidentielle de 2012 ou lorsque Yannick Jadot a réussi un score aux européennes de 2019. Il y avait des signes annonciateurs du psychodrame, pourtant. Mais au lendemain des municipales de 2020, la radicalité des écologistes a éclaté au grand jour avec les extravagances de certains maires. L’impression s’est confirmée un an plus tard à l’occasion des primaires destinées à désigner le candidat écolo à l’élection présidentielle de 2022. Jadot, le plus modéré, ne l’a emporté que d’un cheveu. La cause de ce tumulte ? Par calcul politique ou effervescence incontrôlable, les écologistes ont ainsi et tout bonnement doublé Mélenchon sur sa gauche.

Depuis, c’est la foire d’empoigne. Convaincus, dès le lendemain de la présidentielle, qu’ils auraient fait mieux que Yannick Jadot, les ultras ont crié haro sur le baudet, se déchaînant contre leur tête de liste dont ils ont fait leur tête de Turc. À la manif de Sainte-Soline, dans les Deux-Sèvres, Yannick Jadot a été forcé d’écouter les propos aussi agressifs qu’imbéciles qu’une poignée de ses « amis » déguisés en black blocs étaient venus lui tenir. Pour faire bonne mesure, ces grands esprits ont aussi abîmé sa voiture de location, en barbouillant à la peinture blanche le mot « CREVURE » sur sa carrosserie. Moi, ça ne me rassure pas de penser que ces gens-là veulent prendre en main les destinées « de la planète ». Dans quel état la mettraient-ils si on les laissait faire ?

Les déboires de Jadot n’ont pas désespéré Montreuil. Au siège d’EELV, il s’est même trouvé des caciques pour applaudir. Il n’est pas certain que cette manie de donner un blanc-seing aux actions les plus sordides comme les plus idiotes fera sortir les écolos de leur marginalité. Ils ont gagné plusieurs grandes villes, me direz-vous. C’est vrai et, d’ailleurs, leurs administrés commencent à le regretter. Pas tant à cause des restrictions à la circulation, auxquelles tout le monde s’attendait : après tout, le trafic des particuliers est responsable, en France, de 16 % des émissions de CO2, ce qui signifie que le pourcentage est encore supérieur en ville. Ce qui exaspère davantage, c’est l’incroyable litanie de fantasmagories débitée par ce mouvement. Il y a eu le sapin de Noël revisité en arbre mort, la véganisation des cantines, la suppression des baptêmes de l’air offerts par un club d’aviation aux enfants handicapés et le reste, mais le ruban bleu a été remporté haut la main par la ville natale de Victor Hugo. En 2003, l’artiste sénégalais Ousmane Sow avait réalisé une très belle statue de l’écrivain que Besançon avait installée sur une place publique. C’était une sculpture en pied, couleur bronze, que la récente maire écolo de la ville a trouvé judicieux de repeindre en homme noir. La veuve du grand sculpteur s’est insurgée, mais en vain. Peut-être aurait-elle dû expliquer à l’édile que Victor n’était pas l’auteur de La Case de l’oncle Tom. Il y a bien sûr plus grave, comme cette histoire d’écoles « dégenrées » qui exhale un fumet particulièrement orwellien. Le rôle de l’école n’est pas selon moi de se pencher sur le genre des petits garçons et des petites filles mais de leur enseigner la lecture et le calcul, ce que d’ailleurs elle fait de moins en moins bien. Les écologistes seraient donc bien inspirés de ne pas s’occuper du sexe des anges pour s’intéresser davantage à la propreté de plus en plus douteuse de leurs communes. Ce qui les guérirait sans doute de leur propension à la purge culturelle.

Mais non, la salubrité n’est pas leur fort. Pas plus que la rationalité. Sitôt au pouvoir municipal, les écologistes se détournent des sujets que leur étiquette devrait les inciter à privilégier pour s’occuper de tout autre chose. Le maire de Bordeaux, par exemple, a décidé de faire abandonner par l’État la ligne ferroviaire à grande vitesse qui doit relier sa ville à Toulouse. Après l’automobile et l’avion, voilà que le train est lui aussi condamné. Rêverait-on de nous faire revenir au char à bœufs ?

Pour en rester aux bêtes à cornes, cette politique est évidemment de l’écologie à front de taureau et je n’imagine pas un instant que cela puisse faire reculer le réchauffement climatique, pas davantage d’ailleurs que la nouvelle manie qui pousse certains imbéciles à vandaliser les peintures de Monet ou de Van Gogh. En octobre 2022, on a même vu une bande de zozos venir se coller les mains sur le sol du musée Porsche de Wolfsburg, en Allemagne. La firme de bolides a dû de résoudre à les laisser englués tout un week-end, sans lumière, sans chauffage et sans la possibilité de se rendre aux toilettes, avant d’appeler le lundi matin la Politzei qui est venue les secourir. Absurdité pour absurdité, qui rétablira un peu de raison dans cette ménagerie qui serait cocasse si elle n’était consternante et, en fait, sinistre ?

Pour les Français, tout cela ne paraît cependant pas sérieux, voire s’avère choquant. Parions qu’en apprenant que l’on pouvait balancer de la purée sur des chefs-d’œuvre, ils se sont dit, médusés : « Si c’est ça, l’écologie... » Oui, c’est ça, l’écologisme. Et je suis persuadé, pour ma part, que cette agit-prop morbide dessert la cause climatique. Les Français seraient davantage disposés à soutenir les politiques environnementales si elles ne leur semblaient pas liées aux délires de l’ultra-gauche.

Que sont capables de proposer aux Français ses sectateurs, à l’exception du tout répressif, du diptyque récurrent de la repentance et de la punition ? Ces gens-là ont une culture d’assemblée générale, acquise dans les mauvaises facs où l’on languit d’obtenir un demi-diplôme qui ne sera jamais reconnu que par Pôle Emploi et où, en attendant, on se distrait en mimant chaque printemps un ersatz de révolution. C’est ce qui les pousse à cette fuite en avant vers toujours plus de radicalité, jusqu’à trouver légitime, de s’approprier ce qui ne leur appartient pas, de détruire impunément ce qu’ils croisent sur leur route et de s’attaquer aux forces de l’ordre en souhaitant qu’advienne le pire. Il y a longtemps – cela remonte sans doute à mai 1968 – que la violence est d’extrême gauche. On nous alerte depuis des lustres sur la menace fasciste, mais la mise en péril des institutions se trouve d’abord et surtout à l’autre extrémité de l’échiquier politique. La violence de rue est depuis longtemps l’apanage de groupuscules bénis par la néogauche. L’écoterrorisme, car tel est bien son nom, ne fait pas exception. Or, cette extension exponentielle du « domaine de la lutte » ne s’applique pas qu’à la nature mais vise aussi l’intime.

Extrait du livre de François Pupponi, « La gauche en perdition LFI, EELV, NUPES... La grande dérive », publié aux éditions du Cerf

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