La France redevient la championne de la fiscalité et des prélèvements. Un podium dont on aimerait se passer <!-- --> | Atlantico.fr
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La fiscalité en France soulève beaucoup de questions.
La fiscalité en France soulève beaucoup de questions.
©PHILIPPE HUGUEN / AFP

Les entrepreneurs parlent aux Français

La pression fiscale en France reste la plus élevée d'Europe mais nous disposons d'un régime d’une générosité incroyable, que nombre de personnes sur la planète nous envien

Denis Jacquet

Denis Jacquet

Denis Jacquet est fondateur du Day One Movement. Il a publié Covid: le début de la peur, la fin d'une démocratie aux éditions Eyrolles.  

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Une étude parue la semaine passée nous redonne la place que nous avons temporairement perdue. Cela constituait une défaite humiliante pour ceux qui aiment tout taxer, tout le temps, de façon directe ou indirecte. Heureusement, à force de lutte, nous avons repris une place bien méritée et sommes à nouveau les champions incontestés de la pression fiscale et sociale. Ahhh…gloire des podiums, quand tu nous tiens… ! 

Je sais c’est un sujet facile. Se moquer de notre incroyable capacité à accroître nos dettes et donc nos impôts, constitue la complainte la plus populaire en France, et c’est toujours une cible facile quand on souhaite moquer ce pays. Et pourtant, à chaque fois que j’aborde ce sujet je me pose toujours quelques questions, afin de ne pas sombrer dans le discours facile du café du commerce. Ces questions, j’aimerais les partager avec vous et mieux encore, avoir votre point de vue, que je serai ravi de recueillir sur internet, par tous les moyens possibles 

Question 1 : Nous avons une fiscalité accablante, mais un régime d’une générosité incroyable, que nombre de personnes sur la planète nous envient, et qui d’ailleurs pèse parfois sur le choix de la France pour y investir : Son éducation et son système de santé. Dès lors, la première question à se poser est de savoir, si l’on souhaite y renoncer, en réduire l’intérêt et l’efficacité, le bénéfice ? Pour moi, qui vit aux USA et lamente leur système, qui endette les étudiants à vie et creuse les inégalités face à la santé, la réponse est NON. Nous avons la fiscalité du système que nous avons choisi et qui avait fait ses preuves. Nous avons fait de la France un fleuron de la santé et de la formation, les californiens et les chinois s’arrachent nos ingénieurs, il faut savoir ce que l’on veut. Le choix des impôts et des charges, c’est aussi un choix de société et d’approche de la vie. Demandez aux pays nordiques, à la fiscalité souvent radicale, mais doté d’un modèle social, jusqu’alors remarquable. 

Si l’on arrête le débat à ce niveau, néanmoins, on a totalement raté les bonnes questions, qui découlent de cette question générique, qui semblerait pourtant, au premier regard, permettre de faire taire les bougons, qui veulent toujours moins de taxes, tout en conservant les bénéfices de la taxe, y compris et malgré leur fortune, pour se faire rembourser ce petit check-up annuel à l’hôpital Américain de Neuilly, avec café de marque et peignoir intégré, à 5000eur la journée ou plus, et donc ils sont si prompts à demander le remboursement ! 

Et pourtant, la réponse, au stade où en est arrivée la France, n’est pas si intuitive que prévu. Elle était compréhensible avant. Elle ne l’est plus désormais. Pourquoi ?

Question 2 : En avons-nous toujours pour notre argent ? Réponse : NON ! Nous sombrons et fuyons de toute part.

On a abandonné les maths comme on l’a fait pour le nucléaire. Sans réfléchir, pour niveler vers le bas, comme nous excellons à le faire. Les élèves travaillent moins, sont moins bons et motivés ? Mettons l’éducation à leur portée. Simplifions l’orthographe, étalons le bac pour le donner à tous et lui enlever toute valeur. Surtout pas de stress pour nos gros bébés qui veulent de la qualité de vie et moins de travail. Ainsi en sortant de l’X ou de Centrale, ils feront 5 fautes par ligne, mais qu’importe, chatGPT corrigera tout cela. Nous sombrons dans les classements mondiaux, nos profs sont démotivés, la superstructure syndicalisée et radicalisée de l’éducation nationale empêche toute réforme utile pour se concentrer avec application sur les changements débiles, et succombe au « wokisme » à la Française.

On a abandonné notre système de santé, par lâcheté, préférant succomber à l’appel du pouvoir d’achat et des coûts, plutôt que de faire une réforme de fonds sur le fonctionnement du système. On paie nos médecins et infirmières de telle façon que personne ne veut plus exercer cette profession capitale. La recherche en pâtit et nos trouvailles, devenues de plus en plus rares, sont obligées de s’exiler pour être autorisées à exercer (Carmat et tant d’autres), « castrées » et bloquées dans leur activité par une administration tétanisée par la norme et le principe de précaution. 

Dès lors, avoir une fiscalité qui permette de bénéficier d’une éducation d’excellence, offerte à tous, sans discrimination de provenance sociale, basée sur le mérite, le don et le travail était un deal génial, désormais trahi, abandonné, nous n’en avons plus pour nos impôts. Idem pour la santé. Aux USA, la profession d’infirmière fait rêver, par ce qu’elle apporte à la société et aux hommes, et par la rémunération qu’elle apporte à celles et ceux qui l’exercent. En Floride une infirmière débutante touche environ 6000$ par mois. Le triple de sa collègue Française en fin de carrière ! 

Question 3 : Est-ce que ces impôts sont le socle d’une promesse tenue de redistribution qui soit synonyme de justice sociale ? La réponse est à nouveau négative. Les écarts de richesse deviennent insupportables en France, et l’impôt ne tient plus son rôle d’amortisseur des inégalités. Il les aggrave même. Nous sommes devenus les épiciers de l’aide, faisant du français pauvre un assisté, un « junkie » de la subvention publique et non un acteur de son avenir. Il se contente même de sa petite « dose », pourvu qu’elle soit régulière, plutôt que se donner le mal de travailler pour améliorer son sort, sort qui en-deçà d’un certain seuil, s’aggrave même s’il choisit de travailler à nouveau ! Le paradoxe français. On a mis en place des seuils tellement ridiculement bas, sur tout, que nous y enfermons les plus pauvres, qui n’ont plus, du coup, aucune incitation à travailler plus ou s’en extraire. 

En revanche nous sommes les champions de la démagogie et du cadeau électoraliste. Quand j’ai découvert qu’on allait « subventionner » les gens qui font réparer leurs vêtements, j’ai cru défaillir. Non que la tâche soit noble, réparer plutôt que jeter, au siècle du développement durable, parfait ! Mais subventionner une aiguille et du fil ? Si encore on subventionnait les entreprises qui se lancent dans la réparation, je pourrais comprendre. Ce serait un investissement. A quand la subvention à ceux qui respireront qu’une fois sur 2, ne tireront la chasse qu’une fois par jour, marcheront sur 1 pied pour moins user les chaussures ??? 

Là encore, nous avons failli à notre mission, l’impôt ne peut plus justifier qu’on l’augmente si il ne sert même plus à construire l’avenir, élever socialement. Pourquoi diable, récompenser et maintenir un tel système ?! 

La dernière question qui reste concerne la rentabilité de nos impôts et leur injustice (justice). Et là, on sombre dans la dépression la plus totale. On prive les communes de taxe d’habitation ? Elles se rattrapent sur la taxe foncière. Sans aucun bénéfice pour la qualité de vie des citoyens. Anne Hidalgo qui conserve la palme des mesures stupides, décidait récemment que l’augmenter de 18, 20 ou 30%, était tout à fait légitime, pour continuer à abîmer « sa ville », qu’elle a défiguré et dénaturé depuis 10 ans. Les plus pauvres en feront les frais. Comme toujours. Estrosi ne peut pas avoir son TGV ? On vote une taxe sur l’immobilier, de 1€ par mètre carré, pour le financer. Il est vrai que la construction et l’immobilier se portent à merveille, et que rien n’est trop cher pour se faire réélire à vie.

L’impôt peut être légitime si l’État l’investit dans l’avenir de son pays. Quand il privilégie l’investissement sur la dépense. Prenez l’exemple récent de l’intelligence artificielle. L’État annonçait à Vivatech, qu’il allait créer des clusters pour doper cette industrie d’avenir, qui décidera de qui domine le monde demain, pour un investissement total de… 500M d’euros ! A peine de quoi faire vivre 3 mois une société comme OpenAI, mère de ChatGPT. De qui se moque-t-on ? 

Ainsi, notre système social, qui est une trappe à pauvreté, sous prétexte de redistribution, une solution contre l’amour du travail, et notre système fiscal, qui demeure une machine à punir et récompenser la médiocrité plutôt que d’affronter les réformes douloureuses nécessaires pour rendre à nouveau performants nos institutions de santé et d’éducation, ne remplissent plus aucune des missions qui permettraient de comprendre leur poids et justifier leur maintien. 

C’est pourquoi, nous pouvons retourner à notre conversation du café du commerce et lamenter, brocarder, moquer, voire insulter ces dirigeants, qui depuis 30 ans, peut-être plus, ont détruit toute raison de croire en l’action de l’État, et de constater que l’aggravation de la dette, le sacrifice des générations futures condamnées à son paiement, la dégradation de tout ce que cette dette aurait dû continuer à financer au profit de l’excellence et de l’opportunité pour tous, impose une seule conclusion. Le podium sur lequel nous remontons, est bien celui des ânes, le bûcher de notre modèle et nous aurions bien tort de ne pas nous en plaindre.

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