La France, ce pays où le libéralisme ne cesse de reculer <!-- --> | Atlantico.fr
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Emmanuel Macron et Bruno Le Maire lors d'un Conseil des ministres.
Emmanuel Macron et Bruno Le Maire lors d'un Conseil des ministres.
©CHRISTOPHE ENA / POOL / AFP

Déclin de la liberté

La France perd des places dans le dernier classement de la liberté économique.

Erwan Le Noan

Erwan Le Noan

Erwan Le Noan est consultant en stratégie et président d’une association qui prépare les lycéens de ZEP aux concours des grandes écoles et à l’entrée dans l’enseignement supérieur.

Avocat de formation, spécialisé en droit de la concurrence, il a été rapporteur de groupes de travail économiques et collabore à plusieurs think tanks. Il enseigne le droit et la macro-économie à Sciences Po (IEP Paris).

Il écrit sur www.toujourspluslibre.com

Twitter : @erwanlenoan

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Atlantico : Dans le dernier classement de la liberté économique, la France perd encore des places par rapport à 2023, passant de la 57ème à la 62ème place. Qu’est-ce révèle ce classement ? Quels sont les principaux enseignements de ces résultats pour notre pays ?

Erwan Le Noan : La position exacte de la France, à quelques places près, n’est pas le plus important (la méthodologie de tous les classements peut être discutée). Ce qui est le plus important, c’est de noter que la France est très loin dans le classement et que sa situation n’est pas enviable – voire assez médiocre pour un pays qui prétend être un « grand ».

Notre pays se retrouve ainsi à des années lumières du peloton de tête (où l’on trouve Singapour, la Suisse, l’Irlande et Taïwan) mais aussi de la plupart des autres pays Européens comme le Luxembourg (5e), le Danemark (7e), l’Estonie (8e), la Suède (9e), la Norvège (10e), les Pays-Bas (11e), la Finlande (12e), la Lituanie (15e). Chypre (17e), l’Allemagne (18e), la Lettonie (20e). Le Portugal, le Royaume-Uni, la Bulgarie, l’Autriche, la Pologne, la Belgique, la Roumanie, l’Espagne sont mieux classés que nous !

Pourquoi ? Parce que nos performances sont assez médiocres de façon générale et plus particulièrement en ce qui concerne le bon fonctionnement de l’État de droit (la corruption, la justice) et surtout en raison du poids étouffant de l’État dans l’économie et la société (dépenses publiques, poids de la fiscalité, marché du travail, etc.).

Que faut-il en conclure ? Que l’État est, en France, le principal obstacle à une société plus juste et une économie plus performante – qu’il est le principal adversaire d’une société plus libre, fondée sur la confiance et la responsabilité.

Pourquoi le libéralisme ne cesse de reculer en France ?  La France est-elle de plus en plus allergique au libéralisme ?

A bien y regarder, le vrai problème de la France n’est pas tant que le libéralisme recule, mais que la liberté décline. Ce n’est pas exactement la même chose car toute personne un peu soucieuse de la préservation du modèle de la société démocratique devrait s’en inquiéter, sans se sentir pour autant libérale. Les libéraux sont probablement les meilleurs défenseurs de la liberté et ceux qui le font avec le plus de cohérence, mais il faut souhaiter qu’ils ne soient pas les seuls à s’en soucier.

La liberté décline ainsi dans le secteur économique : les prélèvements obligatoires et les normes écrasent les entreprises et les consommateurs, les administrations multiplient les contrôles et édictent des règles toujours plus absconses, les services publics s’affaissent tout en dépensant toujours plus d’argent.

La liberté dépérit également à petit feu dans la société : la liberté d’expression est menacée par des initiatives désordonnées, la justice est régulièrement méprisée, la notion d’État de droit est contestée, les lois d’exception se multiplient. Dans tous les partis désormais, on ne cesse d’invoquer le contrôle, la planification, la souveraineté, le pouvoir, avec un air bravache et satisfait. On rêve de caporaliser la société. On refuse l’incertitude, on nie l’aléatoire, on conspue le débat. Les mentalités politiques s’avilissent en se faisant complaisantes avec toutes les formes d’autoritarisme, y compris chez ceux qui se prétendent démocrates et dénoncent, souvent à raison, les excès des extrêmes. A de rares exceptions, nos responsables politiques fantasment sur l’autorité, s’imaginant tout-puissants, sublimant dans l’excès de mots la faiblesse abyssale de leurs analyses et de leurs actions.

La France constitue-t-elle un terrain plus favorable à cette périlleuse dérive, qu’on retrouve au demeurant dans d’autres États ? Probablement, car notre pays est porté à la centralisation, qui ne favorise pas l’acceptation de la diversité et qui encourage le contrôle. Probablement aussi parce que notre modèle social, qui ne s’est pas réformé, s’est mué en une immense machine qui envahit tout, s’immisce partout. Le modèle français, centralisateur, unificateur, n’est probablement le plus compatible avec des politiques libérales. Nous avons à la fois le Léviathan et Gargantua. Nous étouffons.

Quels seraient les bienfaits pour la France de retrouver une dose de libéralisme et de regagner des places dans ce classement de la liberté économique ?

La France a besoin de renouer avec la liberté, pour garantir un meilleur dynamisme économique et par là même de meilleures perspectives sociales, et aussi pour apaiser sa société. Elle ne doit pas le faire pour gagner des places dans un classement mais parce que c’est ainsi qu’elle pourra espérer rompre avec la voie d’endormissement médiocre dans laquelle elle décline aujourd’hui, parce que c’est ainsi qu’elle pourra renouer avec la croissance, parce que c’est ainsi qu’elle pourra proposer une société plus juste et qui propose à chacun des opportunités de choisir et réussir sa voie. Elle peut le faire de multiples façons mais l’introduction de politiques libérales est certainement la meilleure voie.

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