L'or africain, le pétrole de contrebande et la diaspora à Dubaï permettent à Poutine de financer son effort de guerre<!-- --> | Atlantico.fr
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Des réseaux alimentent le Kremlin pour compenser l'effet des sanctions économiques.
Des réseaux alimentent le Kremlin pour compenser l'effet des sanctions économiques.
©Alexei DRUZHININ / SPUTNIK / AFP

Atlantico Business

Les services de renseignement occidentaux découvrent peu à peu les réseaux qui alimentent le Kremlin en cash pour compenser l'effet des sanctions économiques et financer son effort de guerre.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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C'était sans doute le secret le moins bien gardé. Au moment de l'attaque de la Russie sur l'Ukraine, les Occidentaux ont immédiatement appliqué des sanctions économiques et financières aux entreprises et aux hommes d'affaires. Ils ont bloqué l'accès aux réseaux bancaires, suspendu les exportations de produits et de services, et arrêté d'importer les matières premières et l'énergie en provenance de la Russie, notamment le pétrole et le gaz.

L'objectif était d'asphyxier Moscou et de lui couper l'approvisionnement et la circulation des produits et des services. Normalement, la multiplication de ce type de sanctions aurait dû avoir sur le corps social russe le même effet que l'arrêt de la circulation du sang dans un corps humain.

En réalité, après presque deux ans de guerres et donc de sanctions, on a le sentiment que les économies occidentales ont plus souffert que l'économie russe, notamment en devant assumer un arrêt des approvisionnements en gaz et pétrole et surtout en supportant difficilement la vague d'inflation qui a déferlé sur un certain nombre de produits de base. Alors que l'inflation a été en partie jugulée, l'Europe a trouvé des sources alternatives pour s'approvisionner en énergie, néanmoins le trou d'air annoncé sur la croissance en 2024 est en partie la conséquence de tous ces désordres.

Dans le même temps, la Russie n'a  baissé ne les  bras (ni les armes) dans la guerre contre l'Ukraine, mais elle n'a pas donné l'impression de souffrir énormément des sanctions économiques. C'est notamment ce que Vladimir Poutine ne cesse pas de répéter, chiffres à l'appui, avec une croissance du PIB russe qui a sans doute piqué du nez mais qui ne s'est pas effondrée, du moins a priori. Les reportages réalisés à la veille des fêtes de fin d'année à Moscou ou à St Petersbourg décrivent une vie de tous les jours quasi normale avec des commerçants qui paraissent toujours aussi approvisionnés. La réalité profonde est sans doute un peu différente ;

1er point, Moscou a réussi à contourner une partie de l'effet des sanctions, en transformant son modèle économique en économie de guerre, ce qui a soutenu l'emploi en dépit des conscriptions massives qui ont un peu désorganisé les entreprises, mais surtout Moscou a accru la redistribution de revenus aux familles en difficultés, notamment pour toutes les familles qui ont vu leurs hommes (père et fils) partir à la guerre et périr. Moscou a distribué des allocations et surtout des primes importantes, cet afflux de liquidité a alimenté le commerce de détail et freiné la pression inflationniste imputable à la raréfaction relative de l'offre.

2e point, Moscou a surtout trouvé les ressources financières pour compenser les dépenses de guerre et le manque à gagner des ventes de pétrole. D'abord, Moscou a puisé dans ses réserves, mais beaucoup de ces réserves ont été bloquées dans des banques centrales étrangères. Ensuite, Moscou a mis en place un circuit de ventes de pétrole et de gaz parallèles via certains de ses pays amis ou de pays qui ont généré des profits en facilitant ce trafic. Le pétrole et le gaz russes ont donc été bradés à des intermédiaires qui les ont revendus au prix du marché. Ces intermédiaires ont tous été plus ou moins identifiés, ils se trouvent en Asie du Sud-Est, en Inde, en Turquie et dans les pays du Golfe avec tes têtes pensantes qui sont à l’abri à Dubaï . Ce système a permis aux Russes d'importer des produits technologiques qui leur étaient interdits par le système de sanctions et surtout de disposer d'un peu de cash pour irriguer leur économie intérieure. Enfin, Moscou a rapatrié l'argent et l'or dont elle détient les droits en Afrique. C'est le résultat de toutes les entreprises qui ont été mises en place par Wagner pendant ces 5 dernières années. Les mines d'or crachent des lingots qui ont été préemptés par les Russes en échange d'une protection rapprochée et militaire des pouvoirs locaux. On estime la remontée d'argent vers Moscou à plus de 10 milliards de dollars sur l'année. C'est considérable et cela permet d'acheter des complicités dans le monde entier et des approvisionnements.

3e point, ce système mis en place ne peut pas durer indéfiniment, notamment parce qu'il s'appuie sur un réseau constitué par une partie de la diaspora russe qui est sortie de Moscou mais qui, pour pouvoir vivre en paix à Dubaï, à Londres ou même à Paris, est bien obligée de rendre des services. Mais plus générallement le système fondé sur l'exploitation d'une rente en matières premières et en énergie ne peut pas générer de la croissance éternellement. Parce que tout modèle économique a besoin d'innovations, et aujourd hui ,  Moscou est privée de sa capacité d'innovation. Beaucoup de ses cerveaux ont fui à l'étranger et Moscou a du mal à s'approvisionner en produits de technologie avancée. C'est vrai dans le domaine de la santé. La Russie est en panne de vaccins (contre la grippe et le COVID notamment), d'antibiotiques et de beaucoup de produits sanitaires de base. La Russie est en panne de pièces détachées pour ses usines de montage automobiles, et surtout pour son aviation. Les pièces et les technologies rares sont réservées aux militaires. L'aviation commerciale, par exemple, qui vole avec beaucoup de Boeing ou d'Airbus, est obligée de cannibaliser certains avions pour entretenir le reste de la flotte. C'est encore plus vrai pour la flotte d'appareils de fabrication russe.

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