L’impôt à la source qui sera appliqué dès 2018 devrait entraîner une hausse des salaires, mais personne n’ose en parler<!-- --> | Atlantico.fr
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Ça n'est pas par hasard si, dans la plupart des pays développés, on pratique le prélèvement à la source. Ensuite, et c'est un argument beaucoup plus fort, le prélèvement à la source va sans doute mécaniquement entraîner des hausses de salaires.
Ça n'est pas par hasard si, dans la plupart des pays développés, on pratique le prélèvement à la source. Ensuite, et c'est un argument beaucoup plus fort, le prélèvement à la source va sans doute mécaniquement entraîner des hausses de salaires.
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Atlantico Business

Michel Sapin a présenté le projet de loi de finances, mais personne ne croit aux hypothèses retenues, sauf le prélèvement à la source qui va bouleverser beaucoup de pratiques.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Le ministre de l'Economie a présenté le projet de loi de finances pour 2017, qui suscite évidemment beaucoup de commentaires critiques mais pas seulement. En revanche, il porte une réforme du prélèvement de l'impôt qui ne sera pas attaquée avec beaucoup de violence parce qu'elle va provoquer beaucoup de changements, et certains assez bénéfiques.

Les critiques portent principalement sur le choix des hypothèses de croissance et de déficit retenus. Personne en-dehors du gouvernement ne croit à ces hypothèses.

Côté croissance, Michel Sapin garde la prévision de 1,5% de croissance. C'est très optimiste compte tenu du ralentissement de la conjoncture depuis l'été et des incertitudes qui planent sur l'évolution des taux d'intérêt et de l'euro. Personne ne croit que les taux vont pouvoir rester à ce bas niveau très longtemps.

Par ailleurs, l'hypothèse d'un déficit budgétaire ramené à moins de 3% paraît imaginaire compte tenu des hausses de dépenses publiques, même si le budget 2017 ne touche pas aux impôts.

Politiquement, Michel Sapin a d'ailleurs profité de cette présentation pour tacler les programmes de l'opposition en affirmant qu'ils étaient irresponsables d'annoncer des baisses d'impôts sur les entreprises et sur les ménages. Ça ne pouvait pas tenir au regard des critères de Maastricht.

Tout le débat sur la politique économique se résume à cette querelle. La question est de savoir ce qui sera plus efficace au soutien de l'activité. Michel Sapin, avec la gauche, propose un soutien par la dépense publique en "arrosant" successivement les différentes catégories d'électeurs (fonctionnaires, médecins, agriculteurs, retraités, jeunes, etc.).

La droite, à quelques nuances près selon les candidats, propose une baisse de prélèvements pour redynamiser l'initiative économique et une baisse des dépenses de la sphère publique et sociale.

Le parti pris est totalement différent. D'un côté, une politique de la demande classique comme le préconisait Keynes au début du siècle dernier. De l'autre, des incitations sur l'offre et sur l'appareil de production pour créer de l'emploi et de la richesse.

Il est évident que la gauche préfère mettre le paquet sur l'indemnisation du chômage, plutôt que sur la création d'emplois.

Ce débat ne s'arrête pas à une querelle dogmatique entre des partisans de Keynes et des avocats de Schumpeter... Il porte également sur les conditions à remplir pour respecter le contrat européen.

Michel Sapin met un point d'honneur à présenter un budget qui corresponde à sa promesse de tenir les exigences théoriques de Bruxelles (un déficit inférieur à 3%). Il ajoute que la droite n'est pas dans les clous.

Il a raison, mais ça n'aura aucune importance l'année prochaine. L'Europe est évidemment en train de changer ses critères d'appréciation. L'obligation des fameux critères de Maastricht n'a donné aucun résultat en terme de redressement. Tout le monde est donc prêt à abandonner ces règles qui limitent le déficit à 3%. En revanche, ce que l'on sait avec certitude aujourd'hui, c'est que le redressement économique dépend des réformes de productivité et des réformes de structures. Bruxelles, à partir de l'année prochaine, sera plus attentive à l'engagement de réformes plutôt qu'au respect des normes comptables.

Ce changement ne fait pas les affaires de la gauche en France, puisqu'elle n'a pas engagé de réformes, donc la loi de finances l'ignore superbement. Les programmes de droite en tiennent compte au niveau des promesses. Reste à savoir si ces promesses de réforme seront tenues.

Une vraie réforme, en revanche, qui ne sera pas combattue ou alors très mollement et qui est assez courageuse, puisqu'elle porte sur le prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu qui entrera bien en vigueur en 2018, à condition que la nouvelle équipe ne le déchire pas, ce qui serait une erreur. C'est une réforme historique. La France est l'un des derniers pays occidentaux à la mettre en œuvre. Nous sommes très en retard parce que les résistances au changement sont nombreuses dès qu'il s'agit de toucher aux impôts. La direction des impôts, les chefs d'entreprise, les contribuables... Tout le monde avait de bonnes raisons de s'y opposer.

Or, ce prélèvement à la source s'appliquera à tous les Français. Faut-il croire le gouvernement quand il affirme que le prélèvement à la source n'augmentera pas les impôts ? Sans doute, il n'y a aucune raison technique ou mécanique. La procédure sera beaucoup plus simple, encore que la digitalisation avait déjà simplifié les déclarations et le paiement. Les entreprises devront en revanche fournir un travail supplémentaire, mais beaucoup le font déjà, dans le cadre de la déclaration sociale nominative.

Dans la chaleur de la campagne, certains candidats peuvent crier qu'ils reviendront dessus, mais c'est peu probable pour deux raisons.

D'abord, la simplification est telle que beaucoup de contribuables verront leurs tâches allégées, et les sources d'erreurs diminuer. Ça n'est pas par hasard si, dans la plupart des pays développés, on pratique le prélèvement à la source.

Ensuite, et c'est un argument beaucoup plus fort, le prélèvement à la source va sans doute mécaniquement entraîner des hausses de salaires. Il va baisser le montant de la dernière ligne sur le bulletin de salaires. Le salarié aura l'impression de s'appauvrir en payant l'impôt. C'est vrai. Du coup, il se retournera vers son employeur qui peut céder à sa demande d'augmentation pour garder son collaborateur.

Les bas salaires n'en profiteront guère de toute façon, ils ne sont pas imposés. Les salariés appartenant à la classe moyenne ou cadres supérieurs et dirigeants peuvent bénéficier d'une compensation. Tout dépend du secteur, de l'activité et de la conjoncture, mais le chef d'entreprise peut avoir intérêt à calmer le jeu des revenus dont l'équilibre pourrait être un peu chamboulé par l'impôt à la source. Et si le chef d'entreprise cède à la pression, c'est qu'il pourra en digérer les effets dans son compte d'exploitation. On peut déclencher un mouvement vertueux de hausse de salaires, ce qui ferait du bien à tout le système.

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