L'efficacité pour les chefs d’entreprise et la sécurité pour les salariés : le grand écart de Manuel Valls sur le code du travail<!-- --> | Atlantico.fr
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Manuel Valls a déclaré que le code du travail était illisible.
Manuel Valls a déclaré que le code du travail était illisible.
©Reuters

L'Edito de Jean-Marc Sylvestre

En recevant mercredi 9 septembre le rapport Combrexelle sur une réforme du droit du travail, Manuel Valls a promis que le projet irait très loin dans la modernisation, tout en protégeant la sécurité du salarié. Il faut vraiment être un homme politique pour faire des promesses aussi contradictoires.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Décidément, nos responsables politiques sont incapables de la moindre pédagogie. Résultats, pour ne froisser personne, ils essaient de promettre à tout le monde ce que tout le monde a envie d’entendre. Les chefs d’entreprise veulent une réforme qui allège les procédures et leur donne plus de liberté pour débaucher et donc pour embaucher. Manuel Valls leur dit qu'il les a compris et que la réforme ira vers plus de transparence et de flexibilité. A l’opposé, les syndicats de salariés considèrent que ce code du travail fait partie des grands acquis sociaux et le Premier ministre leur affirme que son projet final ne remettra pas en cause les barrières de sécurité qui protègent les salariés. En gros Manuel Valls fait de la politique et personne ne va le croire vraiment.

La problématique n’est pas politique. Il ne s’agit pas de faire plaisir à telle ou telle catégorie sociale. Il s’agit d’être plus performant et plus efficace dans un univers globalisé et très concurrentiel. Etre performant, c’est mettre en place une organisation et des procédures qui permettront aux chefs d’entreprise d’être plus réactifs et de créer plus d’emplois. Pourquoi le Premier ministre ne viendrait pas expliquer que ce qui protège véritablement le salarié, ça n’a jamais été le code du travail. La meilleure preuve, c’est que l’on a aujourd'hui des salariés qui ont perdu leur job. Ce qui protègerait le salarié, Monsieur Valls, c’est la performance d’une entreprise qui est capable de conserver ses emplois et d’en créer de nouveaux. Ce qui protégerait le salarié, c’est de savoir que, s’il perdait son travail, il en retrouverait un autre très vite.

Le drame, ce n’est pas de perdre son travail, le drame c’est de ne pas en retrouver immédiatement comme dans les années 50, 60 et 70. Aujourd’hui un jeune diplômé Bac+7 va mettre six mois pour trouver un travail. S’il part au Canada, en Australie ou à Singapour, il mettra deux semaines à trouver un job.  Voilà pourquoi les jeunes partent et ne reviendront au pays que quand ils auront la certitude qu’ils seront sécurisés non pas par une indemnité chômage mais par la certitude de trouver un nouveau job. La flexibilité est mère du dynamisme.

Tout le monde est prêt, tout le monde a compris que notre droit du travail était autobloquant. Tout le monde est d’accord pour desserrer les écrous et laisser faire le chef d’entreprise. Tout le monde a enfin compris que nous ne pourrions pas être tous fonctionnaires.

Pourquoi ne pas l’expliquer clairement et simplement. Le peuple de France serait-il si bête qu' il ne puisse pas comprendre ce qu' il faut pour faire repartir la machine à créer des jobs et de la croissance ?

Ce à quoi on va assister dans les semaines qui viennent va être surréaliste. Une tragi-comédie socio-économico-médiatique dont on a le secret.

Au 1er acte, on va déménager les habitudes. On va évidemment reprendre les conclusions du rapport Combrexelle qui pourrait se résumer à deux réformes fortes. D’abord réduire le champ d’intervention de l’Etat dans la fabrication de la réglementation du travail  au benefice des branches et même des entreprises. Ensuite, on va inciter les entreprises à fabriquer des procédures qui correspondent à leurs responsabilités de croissance.

Mais ensuite, on va renforcer le pouvoir syndical dans les entreprises afin qu’il y ait une véritable représentation et par conséquent un véritable contrepouvoir capable de gérer des compromis. Toutes ces mesures doivent accroitre la flexibilité des entreprises et les encourager à embaucher puisque on fait sauter des entraves.

Sur le 2e acte, pour ne pas mettre le feu aux syndicats, on annoncera haut et fort que l'on ne touchera pas aux 35 heures, au Smic et au contrat de travail. Les syndicats seront contents.

Enfin 3e acte, il se jouera plus à huis clos. On va reprendre tous les tabous de gauche et les contourner. On ne touche pas aux 35 heures qui reste la durée légale du travail mais on dira que la durée du travail ne pourra pas dépasser les 48 heures par semaine. Moralité, l’entreprise définira sa propre durée du travail. Autre tabou, le Smic ne bougera pas. Mais les accords d’entreprise pourront, comme en Allemagne, prévoir une grille de salaire inferieure dans des conditions particulières et dans le cadre d’accord d’entreprise.

Le contrat de travail ne sera pas remis en questionmais il est probable que l’on ne retienne que des CDI en mettant en place des conditions de départ beaucoup plus souples et rapides. Moralité, tout le monde signera un CDI mais les moins performants, ou si l’entreprise est touchée par une conjoncture difficile, ces fameux CDI seront interrompus par le départ du salarié. C’est sans doute angoissant pour lui, sauf s’il sait que le secteur où l’économie est capable de lui fournir soit une formation, soit une nouveau job.

Ce troisième acte n’est ni écrit, ni signé. Il dépendra des conditions politiques, lesquelles impactent les rapports de force entre les syndicats, le gouvernement et le patronat. Il y a là, matière à débat sans fin dont la société politique française se délecte.

Monsieur Valls, il aurait été plus simple de dire la vérité. Le Président ne peut pas être plus impopulaire qu’il est actuellement. Donc il n’a rien à perdre, il a déjà tout perdu.

Monsieur Valls, il aurait été plus légitime d’expliquer que la seule sécurité à offrir au salarié c’était un marché du travail qui fonctionne et des entreprisese qui investissent et fabriquent de la croissance.

On va presque croire qu'il existe dans ce pays des organisations qui n’ont pas intérêt à ce que nous ayons des structures, des procédures et des codes qui permettent d’être plus efficace. On va presque croire, si on ne réforme pas le code du travail, que beaucoup dans ce pays ont intérêt à voir le chômage continuer de croitre.

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