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L'effet domino
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Zone franche

Les néo-conservateurs l'avaient prédit : la démocratie en Irak aurait un effet contagieux. Après avoir été conspués, vont-ils revenir sous les applaudissements ?

Hugues Serraf

Hugues Serraf

Hugues Serraf est écrivain et journaliste. Son dernier roman : La vie, au fond, Intervalles, 2022

 

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La logique de la guerre en Irak, si l’on veut bien s’en souvenir, était d’installer la démocratie au Moyen-Orient : on sélectionnait un dictateur bien allumé ― l’un de ces types en uniforme qui n’hésite pas à gazer ses citoyens récalcitrants à l’occasion ―, on lui envoyait la troupe, on organisait des élections et, bing, Athènes remplaçait Sparte en moins de temps qu’il n’en faut pour prononcer « Paul Wolfowitz »…

Et ce n’est pas tout : stimulés par la vision du bonheur ineffable de leurs voisins fraîchement libérés, les fellahs des environs finissaient par se révolter et par envoyer leur propre maboul à casquette d’officier supérieur aux oubliettes de l’histoire.

Bon d’accord, il fallait préalablement inventer une fable à base d’armes de destruction massive et d’arrivée imminente de Ben Laden pour convaincre les copains les plus timorés de donner un coup de main (et chacun sait que mentir, ce n’est pas bien), mais c’était clairement un péché véniel compte tenu des enjeux.

« Mais vous n’y comprenez rien ! avaient alors réagi ceux qui y comprenaient quelque chose. La démocratie, ça ne marche pas comme ça ! Ca ne s’impose pas ! Il faut laisser les gens se débrouiller pour accomplir le long processus qui mène de l’enfer féodal au paradis républicain comme nous l’avons fait nous mêmes… »

― Oui mais Saddam Hussein est tout de même une vraie crapule, qui opprime ses citoyens et ne leur laisse guère le loisir de se révolter…
― Sans doute, mais c’est leur crapule. Et qui somme-nous pour leur dire comment ils doivent gérer leur affaires. C’est du néocolonialisme et je m’y connais…
― Mais on court le risque de voir la bande à Al Qaeda emménager en banlieue de Bagdad, maintenant que l’immobilier est devenu hors de prix du côté de Kaboul…
― Tss. Ni'importe quoi ! Les dictateurs laïques du genre de Saddam, c’est justement le meilleur des remparts contre l’islamisme…

Changement de pied

Bah, désormais, tout est changé : sur Libe.fr ou Rue89, les commentateurs s’indignent de ce que personne ne se soit encore décidé à intervenir en Libye, où Kadhafi traite pourtant ses citoyens comme Saddam ses Kurdes.

― Mais comment ça, vous pensez maintenant qu’il faudrait envoyer de soldats ?
― Absolument ! Il faut immédiatement arrêter ce massacre et si vous refusez de le faire, c’est manifestement à cause de vos intérêts pétroliers !
― Mais vous nous accusiez justement d’aller en Irak à cause de ces mêmes intérêts pétroliers !
― Bof, l’un n’empêche pas l’autre…
― Et les dictateurs laïques à la Saddam ou la Kadhafi ne sont-ils donc plus le rempart contre l’islamisme dont vous parliez ?
On a dit ça, nous ? Jamais de la vie. Ou alors dans un autre contexte. De toute manière nous pensons aujourd'hui le contraire, puisque c'est vous que nous accusons de le penser…
― ...

N’empêche, mâchonnant distraitement un bretzel en arpentant la basse-cour de son ranch texan, c’est le W qui doit bicher. L’effet domino, c’était une idée à lui. Enfin, c’est Donald qui la lui avait refilée, mais il la tenait lui même d’un autre type alors, hein… Les dictateurs sont en train de tomber les uns après les autres parce que des petits jeunes hyper-occidentalisés, fanatiques de Lost et de Dexter, s’encouragent les uns les autres sur Facebook et Twitter à exiger la démocratie tout de suite ― et la même qu’à Washington ou Paris, semble-t-il.

Comme quoi, les dominos, c'était bien le jeu préféré des moyen-orientaux.

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