L’Allemagne, maillon faible de la stratégie américaine (et de l’alliance des démocraties...) face à la Chine ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Angela Merkel et Xi Jinping lors d'une rencontre en 2018.
Angela Merkel et Xi Jinping lors d'une rencontre en 2018.
©JASON LEE / POOL / AFP

Interdépendance

L'équilibre entre différents acteurs répond à une stratégie de positionnement permettant de ne pas être trop dépendant d'une seule puissance. En cultivant cet équilibre, l'Europe garde la possibilité de critiquer la Chine et les Etats-Unis et de ne pas être avalée par l'un ou l'autre.

Barthélémy Courmont

Barthélémy Courmont

Barthélémy Courmont est enseignant-chercheur à l'Université catholique de Lille où il dirige le Master Histoire - Relations internationales. Il est également directeur de recherche à l'IRIS, responsable du programme Asie-Pacifique et co-rédacteur en chef d'Asia Focus. Il est l'auteur de nombreux ouvrages sur les quetsions asiatiques contemporaines. Barthélémy Courmont (@BartCourmont) / Twitter 

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Atlantico : Comment l’Allemagne met-elle en place concrètement son "équidistance" avec un quelconque "bloc" alors même qu’elle est technologiquement et commercialement dépendante des deux pôles chinois et états-unien et qu’une indépendance politique et économique européenne ressemble de plus en plus à une fiction ?

Barthélemy Courmont : L'indépendance politique et économique est, pour tous les pôles de puissance, une fiction au XXIème siècle à l'ère de la mondialisation, à moins de s'inspirer des politiques des Etats en marge, comme la Corée du Nord et son Juche. En revanche, l'équilibre, ou l'équidistance, entre différents acteurs répond à une stratégie de positionnement permettant de ne pas être trop dépendant d'une seule puissance. Gageons que c'est cette stratégie, et non un Juche, que Berlin cherche à mettre en avant. L'idée directrice est de créer les conditions de partenariats avec un nombre important d'acteurs, et ainsi ne pas tomber sous l'influence d'un hégémon. On en retrouve la marque dans la relation commerciale avec la Russie, et donc avec la Chine. Cela ne signifie pas un alignement de Berlin sur ces pays, mais au contraire un partenariat qui s'appuie sur le commerce et s'écarte d'une logique de blocs. L'Allemagne n'est pas isolée sur ce point en Europe, et semble même inspirer la stratégie de plusieurs Etats membres. Après tout, les principales puissances européennes sont membres fondateurs de la BAII, la banque d'investissements créée par la Chine en 2015, et plusieurs ont signé des MOU sur la Belt & Road Initiative, sans pour autant que cela ne remette en cause les liens avec d'autres partenaires, les Etats-Unis notamment.

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La posture de relative neutralité que veut adopter l’Allemagne dans le match Etats-Unis et Occident/Chine bénéficie-t-elle de facto à la Chine ?

Si on se place dans une vision occidentalo-centrée et historique (en tenant compte des sept dernières décennies), bien évidemment. Mais en prenant un peu de recul, on découvre surtout que cette vision est devenue anachronique, et si l'amitié unissant l'Europe et les Etats-Unis ne doit pas être remise en cause (et elle ne semble pas l'être), la logique de blocs unis par des valeurs communes (mais lesquelles?) appartient à une autre époque. L'important ici n'est ainsi pas tant de savoir si cette stratégie profite plus à Washington ou à Pékin, mais si elle est adaptée aux besoins qui sont ceux de l'Europe. Et la réponse est oui. Dans la "nouvelle guerre froide" que les Etats-Unis cherchent à imposer et recréer des blocs distincts, l'Europe n'a aucun intérêt à se positionner de manière catégorique, sans quoi elle perdra toute marge de manœuvre, et sera réduite à un statut de champ de bataille, comme elle le fut avant 1991. En cultivant l'équilibre, l'Europe garde la possibilité de critiquer la Chine et les Etats-Unis, et de ne pas être avalée par l'un ou l'autre. Si des analystes aux Etats-Unis se sont inquiétés, pendant l'administration Trump, de voir l'Europe se rapprocher de la Chine en réaction aux gesticulations américaines, ils ont sous-estimé la pertinence de cette position intermédiaire pour les pays européens.

Quel est l'intérêt que portent réellement la Chine et les Etats-Unis à l'Allemagne ?  

C'est d'abord un intérêt justifié par l'importance économique de l'Allemagne, première puissance économique européenne. Mais c'est aussi question de contexte. Depuis le Brexit, le Royaume-Uni n'est plus aux yeux de Washington et de Pékin la "porte d'entrée" dans l'UE, aussi doivent-ils se tourner vers des alternatives. L'Allemagne voit ainsi son attractivité bénéficier de la mise à l'écart de Londres. Enfin, les Etats-Unis et la Chine n'ignorent pas l'influence dont bénéficie Berlin au sein de l'UE, et derrière l'Allemagne, ce sont tous les pays européens qui intéressent ces deux pays.

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Un changement de positionnement de l’Allemagne dans l’un ou l’autre des sens pourrait-il avoir des conséquences durables sur la relation entre les Etats-Unis et la Chine ?

Oui, d'abord parce que l'Allemagne est une puissance économique de premier plan, ensuite parce que Berlin entrainerait dans son sillage de nombreux autres pays européens. C'est pour cette raison qu'on suit de très près, à Pékin comme à Washington, l'évolution de la relation avec l'Europe en général et l'Allemagne en particulier. C'est une très belle opportunité pour l'Europe, qui à défaut de l'indépendance fictionnelle évoquée précédemment attise les convoitises et voit ainsi son importance croître. Reste à capitaliser sur cette attractivité, et à se mettre d'accord entre les Etats membres sur la stratégie à adopter.

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