Jean-Jacques a beaucoup de points communs avec Sandrine (Rousseau)<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Politique
Sandrine Rousseau, députée NUPES
Sandrine Rousseau, députée NUPES
©GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP

N’arrosez plus !

Il trempe sa plume dans l’eau et elle se préoccupe de l’eau.

Isabelle Larmat

Isabelle Larmat est professeur de lettres modernes. 

Voir la bio »

J’ai profité de l’été pour relire « La Nouvelle Héloïse », curieuse de savoir si le temps m’avait rendue « sensible », pour reprendre l’un des adjectifs préférés de Jean-Jacques, à la prose de Rousseau. Las ! À part les passages parisiens qui ont les accents plaisants des « Lettres persanes » dans leur critique des mœurs et les discours utopiques qui ne sont pas sans susciter la réflexion (j’y reviendrai), quel ennui ! 

C’est définitivement Voltaire qui parle le mieux du roman de son contemporain : « Jamaiscatin ne prêcha plus, et valet suborneur de filles ne fut plus philosophe. Jean-Jacques a trouvél’heureux secret de mettre ce beau roman de six tomes trois ou quatre pages de faits, et environ mille de discours moraux. Ce n’est ni « Télémaque », ni « La Princesse deClèves », ni « Zaïde » :  c’est Jean-Jacques tout pur. » Pas Mieux !

J’en serai restée à ces considérations toutes personnelles et par conséquent de peu d’intérêt si Sandrine Rousseau n’avait pas twitté, pour mon plus grand bonheur, alors que les réserves d’eau d’exploitants agricoles de Vendée étaient vandalisées par des membres du collectif écologiste « Rivières en Colère » : « Faire de la rétention d’eau, c’est perturber le cycle del’eau.L’agriculture doit travailler sur ses besoins en eau. On ne peut pas poursuivre un modèle agricole qui nous emmène dans le mur de cette manière-là. » Du Sandrine tout pur. Quelle aubaine ! `

À Lire Aussi

Paris sera toujours Paris. Mais, est-ce bien sûr ?

Je tiens tout d’abord à apporter mon soutien à tous les malheureux qui font de l’œdème et sont donc susceptibles d’être victimes de la vindicte de Sandrine. Qu’ils aillent donc faire un peu de sport. Suez donc, braves gens, avant qu’on ne vous fasse suer. 

Plus sérieusement, nos écologistes sont pour un retour coercitif à la préhistoire mené sur fond d’exaction ; c’est également une croisade contre les privilèges qu’ils ont engagée. Aux rizières, mes amis ! Et, par-delà l’agriculture qui n’en peut mais, mort aux riches ! Voyez plutôt le collectif « Extinction Rébellion ». Ses activistes ont bouché les trous et abîmés les pelouses de golfs toulousains afin de protester contre les dérogations accordées pour arroser les greens : « Ce trou boit 277 000 litres d’eau par jour. En buvez-vous autant ?# StopGolf. » Les Jacuzzis ne sont pas épargnés par les contempteurs du gaspillage, on en a récemment dégradé cinq dans les Vosges. Une action forte. Un mot a été laissé par les vandales- moralisateurs à destination des gaspilleurs : « L’eau c’est fait pour boire ! Vousmassacrez les Vosges… Plus sérieusement, la planète va mal, réveillez-vous ! » 

C’est au collectifs Youth For Climate que revient toutefois la palme du geste imbécile. A Anger, les jeunes tyranneaux à cervelle de tyrannosaures ont fermé des vannes d’arrosages sur la voie publique et devant des entreprises. Selon L’OBS, ils ont affirmé : « Dans lasituation actuelle où des territoires manquent déjà d’eau potable, l’arrosage des pelouses est inutile et nuisible. »

J’en reviens à Sandrine. Plutôt que de cautionner avec des twittes indigents le saccage perpétré par des individus ravageant biens et réalisations humaines comme le feraient des nuées de sauterelles, celle-ci aurait meilleur compte de lire Rousseau. Elle y puisera, on n’en doute pas, quelques conseils utiles pour l’aider à préserver la nature. 

Dans « La Nouvelle Héloïse », en effet, il y a quand même une tentative louable pour penser la collaboration de l’homme avec la nature et viser à l’harmonie. L’utopie de L’Élysée, jardin idéal et paradisiaque imaginé par Julie au sein de sa propriété de Clarens est le fruit d’un travail humain qui s’est mêlé de donner une direction à la nature. Ainsi, dans sa lettre à Milord Édouard, Saint-Preux rapporte ce que Madame de Wolmar lui a confié sur l’irrigation des lieux : « (…) le ruisseau coule ici pour nous. Ilest vrai que j’y ai réuni l’eau de la fontaine publique, qui se rendait au lac par le grand chemin, qu’elle dégradait au préjudice des passants et à pure perte pour tout le monde. Elle faisait un coude au pied du verger entre deux rangs de saules ; je les ai renfermés dans monenceinte, et j’y conduis la même eau par d’autres routes. » Et Saint-Preux de préciser : « Jevis alors qu’il n’avait été question que de faire serpenter ces eaux avec économie en les divisant et réunissant à propos, en épargnant la pente le plus qu’il était possible pourprolonger le circuit et se ménager le murmure de quelques petites chutes. (…) ces mêmes ruisseaux, courant par intervalles sous quelques tuiles recouvertes de terre et de gazon au niveau du sol, formaient à leur issue autant de sources artificielles. (…) Enfin, la terre, ainsi rafraîchie et humectée donnait sans cesse de nouvelles fleurs et entretenait l’herbe toujours verdoyante et belle. » 

Quoi qu’il en soit, il serait bon que les saccageurs de tout poil qui justifient leurs dégradations par la volonté de sauver la planète soient contraints à lire « La Nouvelle Héloïse ». C’est un vrai pensum (ils le méritent bien) mais qui leur sera de quelque utilité pour servir la cause qu’ils défendent. Avant prétendre causer culture, qu’ils se cultivent au préalable, que diable !

Quant à nous autres, relisons « Mémoires d’Hadrien ». Marguerite Yourcenar y fait dire à son sage empereur : « construire, c’est collaborer avec la terre : c’est mettre une marque humaine sur un paysage qui en sera modifié à jamais ; c’est contribuer aussi à ce lent changement qui est la vie des villes. Que de soin pour trouver l’emplacement exact d’un pont ou d’une fontaine, pour donner à une route de montagne cette courbe le plus économique et en même temps la plus pure… » 

Lire c’est comprendre le monde : « lire » n’est pas pour rien l’anagramme de « lier. »

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !