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Le tsunami à l'origine d'un nouveau miracle japonais ?
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Post-catastrophe

Le 11 mars dernier, un énorme tremblement de terre suivi d'un tsunami géant créait le chaos au Japon. Un peu plus de sept mois plus tard, état des lieux d'un pays en pleine reconstruction... mais où les plus touchés sont les oubliés de la croissance générée par le choc.

Jean-François  Sabouret

Jean-François Sabouret

Jean-François Sabouret est directeur de Recherche au CNRS et Directeur du Réseau Asie-Imasie. Il a récemment publié Japon, la fabrique des futurs (CNRS-Editions, 2011).

 

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Le 11 mars dernier, une région grande comme la Côte d’Azur française a été détruite en quelques minutes au Japon par un des Tsunami les plus meurtriers de l’histoire (suite à un tremblement de terre de magnitude 9). 20 000 morts ou disparus, des dizaines de milliers de personnes sans domicile, des millions de tonnes de débris, des usines détruites ou stoppées, un sol contaminé pour longtemps par les radiations radio-actives…  

A regarder ces paysages, la  seule comparaison qui vient à l’esprit est celle de ces villes japonaises dévastées durant la Seconde guerre mondiale par les bombardements américains.

Et pourtant elle tourne la planète Japon. Le PIB ne diminuera que de 0,5% en 2011. Le navire a craqué mais il a tenu. Mieux même, il reprend le large avec une prévision de croissance de plus de 2% en 2012. L’indice de confiance « tankan » des grandes entreprises était en hausse de 15 points par rapport à celui de mars 2011. Les circuits d’approvisionnement sont rétablis et la production automobile a même dépassé en août dernier le niveau de 2010 à la même époque.

Vers un nouveau miracle japonais ? Pas sûr...

Parlera-t-on pour autant de miracle japonais, une fois de plus ? Non parce que le Tôhoku n’est pas la région du Kantô. Elle ne représente que 4% du PIB et 6% de la population. On admirera la résilience des Japonais et leur rapidité à se remettre en route. Mais, sans cynisme aucun, le drame du Tôhoku s’il plonge dans le deuil, le désarroi, le chômage des milliers de personnes, profite aussi à beaucoup d’autres.

On le sait déjà depuis longtemps, les guerres et la destruction des biens sont profitables à terme à une économie. Une politique keynésienne de relance par des grands travaux dans la région est à l’œuvre : construction des digues, des terre-pleins,  des routes, des maisons, des écoles, des bâtiments publics, des ports, des usines, des infrastructures d’approvisionnement en eau, en électricité… Le malheur du Tôhoku attire les bétonneurs comme un aimant et les attire d’autant plus fort que ceux-ci sont liés pour nombre d’entre eux au pouvoir politiques en place. 127 millions de vivants contre 20 000 morts. On craint le phénomène du bouc émissaire, c’est-à-dire celui sur qui le malheur s’abat et que l’on tient à distance ensuite. Autant dire, la double peine...

La reconstruction impossible

La manne de la reconstruction ira-t-elle jusqu’aux poches des personnes dans le deuil ? Le doute est fort. Des milliers de personnes n’ont pas été relogées. Des milliers de logements provisoires apparaissent inadaptés, inconfortables. Que peuvent espérer les personnes concernées ? Au mieux du bricolage au pire des paroles insipides. Après le séisme de Kobe en 1995, plus de 300 personnes s’étaient suicidées ou étaient décédées dans une grande solitude.

La politique de relance ou d’attribution des grands travaux va accroître la dette publique qui est déjà de 200%. Les frais de la reconstruction sont estimés à 19 000 milliards de yens sur cinq années. Ces budgets ont déjà été votés à plus de 80%. En 2012 une tranche de  3500 milliards de yens sera investie dans la reconstruction.

Le Premier ministre Noda a prévu un plan de recettes en augmentant l’impôt sur les sociétés (à parti d’avril 2012) mais aussi celui sur les revenus (à partir de janvier 2013), une diminution du salaire des fonctionnaires (- 0,23%) et une hausse des taxes sur le tabac. Une proposition a même été faite de vendre à hauteur de 50% les parts que possède l’État dans Japan Tobacco. La liste des hausses des divers prélèvements inquiète certains membres de la majorité. Reste l’arme de la hausse de la TVA qui n’est aujourd’hui que de 5%. Certains pays étrangers souhaitent une hausse jusqu’à 15%, qui règlerait du même coup le déficit chronique du Japon. Mais pour l’instant cette décision qui semble fâcher un grand nombre de personnes dans l’archipel n’est pas encore prise.

Et puis il y a la manne des centrales nucléaires si bénéfiques aux régions, aux individus, aux hommes politiques, aux médias. Peu à peu le discours réhabilitant l’énergie nucléaire fait son chemin dans les médias et demain tout risque d’être oublié… jusqu’à la prochaine catastrophe. Des milliers de Japonais, comme le prix nobel Oe Kenzaburo et le grand journaliste Kamata Satoshi, sont vigilants et luttent depuis des mois contre le danger nucléaire mais le combat est incertain tant la fée nucléaire semble bénéfique.

Le Japon connaît aussi les affres de la délocalisation

Le Japon se rétablit mais il est toujours fragile, à la merci d’autres catastrophes climatiques d’une part mais aussi du yen fort (76 yens pour 1 dollar) qui favorise les délocalisations. Nissan va ouvrir une usine au Brésil en 2014 (200 000 véhicules par an). Toyota  va ouvrir une seconde usine en Indonésie en 2015. Honda n’exportera plus que 10% de sa production nationale en 2011 contre 34% l’an passé. Les entreprises japonaises mondialisées se porteront sans doute bien mais l’emploi à l’intérieur du pays risque de payer les conséquences du manque de rééquilibrage du Yen face à d’autres monnaies.

Si les fleurons de l’industrie japonaise vont fleurir à l’étranger, il reste au Japon à rebondir sur d’autres secteurs. La reconstruction du pays n’aura qu’un temps. Mais les individus ont subi une sorte d’électrochoc après le tsunami, comme une thérapie de groupe accélérée : projets, mariages, enfants, paris sur un avenir sécurisé  en couple capables de mieux résister aux aléas de l’économie mondiale et des hasards sismiques... Reste à voir s'il s'agit de l'ivresse d’un moment ou d'une tendance profonde...  

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