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Comment réussir à taxer
les exilés fiscaux français ?
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A la caisse !

Nicolas Sarkozy s'en est pris aux exilés fiscaux lundi soir sur TF1 en proposant un impôt "lié à la nationalité", sur le modèle Américain.

Daniel  Gutmann et Jean-Yves Mercier

Daniel Gutmann et Jean-Yves Mercier

Daniel Gutmann et Jean-Yves Mercier sont avocats au cabinet CMS Françis Lefebvre et membres du Cercle des fiscalistes. 

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La crise financière et budgétaire appelle une réflexion sur la solidarité entre les contribuables. Cette solidarité est le plus souvent recherchée à travers le mécanisme de l’impôt redistributif, les prélèvements les plus élevés étant censés frapper les plus aisés, etc. Mais la question de la forme technique que doit revêtir la solidarité fiscale est une question secondaire, en ce sens qu’elle suppose déjà acquise la réponse à une question première et plus fondamentale : sur qui doit peser la charge de l’impôt ? Du point de vue de la justice fiscale, la question de l’identité du contribuable est première entre toutes. Et dans un monde globalisé, cette question renvoie à celle de savoir quel lien de rattachement pertinent le contribuable doit entretenir avec la France.

Nombreux sont les Français qui, pour d’excellentes raisons professionnelles ou personnelles, s’établissent à l’étranger après avoir profité de nombreuses années des services publics offerts par notre pays. Faut-il leur imposer une contribution fiscale particulière lorsqu’ils ont quitté le territoire ?

Le système actuel repose en résumé sur deux principes : ceux qui habitent en France y sont soumis à l’impôt sur l’ensemble de leur revenu, quelle que soit leur nationalité ; ceux qui résident hors de France ne sont imposables dans notre pays qu’à raison des revenus qui y trouvent leur source. Cette architecture repose sur une idée simple : l’obligation fiscale repose bien davantage sur le constat d’une communauté d’intérêts vécus par une collectivité économique que sur l’appartenance abstraite à une nation. C’est logique : ce sont ceux qui profitent effectivement des dépenses de l’Etat français qui ont vocation à les financer. Certains estiment aujourd’hui anormal que des Français ayant longtemps profité des services publics (au premier rang desquels l’éducation ou les soins) se délestent promptement de leurs obligations fiscales et fassent ainsi échec au devoir de réciprocité qui leur paraît s’imposer en temps de crise. Ils pensent parfois qu’il faudrait ériger la nationalité en critère unique de l’obligation fiscale.

Plusieurs moyens existent afin de remédier au problème dénoncé ci-dessus. Le premier, certes, consiste à « nationaliser » l’obligation fiscale. La mesure serait symbolique mais serait-elle pertinente ? De deux choses l’une : soit les Français qui s’expatrient le font pour des raisons fiscales abusives, et il est préférable de trouver des règles anti-abus appropriées, telles que l’imposition à la sortie des plus-values latentes recelées par le patrimoine du partant, mesure qui existe déjà ; soit ils le font pour des raisons économiques et/ou familiales légitimes, et il n’existe aucune raison de leur en vouloir.

Au surplus, il existe d’autres moyens d’éviter les effets nocifs de l’expatriation pour les finances publiques de la France. Ainsi, si l’on veut remédier au déséquilibre financier existant entre la contribution des Français de l’étranger aux dépenses publiques et les prestations dont ils bénéficient, on peut songer à l’idée d’exiger le paiement d’un « ticket » pour accéder à certaines prestations.

On pourrait aussi, éventuellement, élargir la notion juridique de résidence fiscale à l’encontre de certains expatriés qui passent une partie substantielle de l’année en France. Par exemple, une personne qui ne réside pas en France mais y passe un quart de l’année serait assujettie à un impôt sur le revenu équivalent – pour raisonner sommairement – à un quart de l’impôt exigé des résidents. Une telle réforme constituerait une évolution substantielle par rapport au droit actuel qui retient le seuil de 183 jours pour qualifier une personne de résident français.

Enfin, on peut songer à édicter, pour ceux qui ont vécu durablement en France, une fiction de résidence fiscale qui subsisterait quelques années même après le transfert de leur domicile à l’étranger : la règle serait de plus large portée que celle fondée sur la nationalité dans la mesure où elle pourrait s’appliquer à des ressortissants étrangers ayant longtemps séjourné en France. Sa conformité avec le droit de l’Union européenne devrait évidemment être étudiée de façon approfondie.

De façon plus générale, toute réforme de cette nature exigerait la renégociation des conventions fiscales conclues par la France, ce qui supposerait l’accord de nos partenaires conventionnels. Certes, cet écueil ne s’appliquerait pas en cas de transfert du domicile vers un Etat avec lequel la France n’a pas conclu de traité en matière de double imposition (ce qu’on a coutume d’appeler un « paradis fiscal »). Toutefois, en pratique, la plupart de ceux qui quittent le territoire français ne le font pas pour échapper à toute imposition et mettre leurs avoirs au secret. Ils le font davantage pour obtenir un avantage ponctuel (par exemple l’exonération d’une plus-value) ou pour se soustraire, à l’avenir, à une pression fiscale qu’ils jugent excessive sans nécessairement rechercher l’impôt zéro.

On ne saurait donc modifier le fondement même de notre modèle fiscal de façon irréfléchie.

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