Ice Bucket Challenge : Albert de Monaco peut-il se permettre ce que François Hollande ne peut plus ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Albert de Monaco veut voir François Hollande participer à l'Ice Bucket Challenge.
Albert de Monaco veut voir François Hollande participer à l'Ice Bucket Challenge.
©Reuters

Le roi est nu

Et un de plus. Après avoir relevé le défi lancé par le rugbyman Brian O'Driscoll de se verser un seau d'eau glacée sur la tête au profit d'une œuvre caritative, le prince Albert de Monaco a donné le nom des trois personnalités qu'il souhaiterait voir participer à l'Ice Bucket Challenge : le fondateur de Nike, le prince Haakon de Norvège et... le président François Hollande.

Jacques Charles-Gaffiot

Jacques Charles-Gaffiot

Jacques Charles-Gaffiot est l'auteur de Trônes en majesté, l’Autorité et son symbole (Édition du Cerf), et commissaire de l'exposition Trésors du Saint-Sépulcre. Présents des cours royales européennes qui fut présentée au château de Versailles jusqu’au 14 juillet 2013.

 

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Atlantico : La fonction présidentielle en France étant ce qu'elle est, François Hollande peut-il se permettre de relever un tel défi ?

Jacques-Charles Gaffiot : Il faut tout d'abord espérer que non. L'exercice de la souveraineté, que ce soit dans le cadre républicain ou monarchique, s'exprime à travers deux notions qui avaient été déjà dégagées du temps d'Aristote : la puissance et l'autorité. On pourrait dire que le souverain exerce une puissance autoritaire, sans pour autant que terme "autorité" n'ait rien à voir avec l'autoritarisme. L'autorité, c'est l'aptitude à exercer une puissance dans l'intérêt  du bien commun, avec une reconnaissance générale des gouvernés. Ces bases rappelées, nous nous trouvons alors très éloignés de tout ce qui pourrait être fantaisiste ou acrobatique dans l'exercice de la souveraineté, qui n'est pas censé être un championnat où le meilleur souverain serait celui qui se livrerait aux exploits les plus invraisemblables. L'autorité, en république comme en monarchie, commande donc au chef une certaine retenue sans ses gestes. Autrement dit, l'arbitre ne peut pas descendre du fauteuil dans lequel il a été placé. En ce sens, on pourrait même dire que la proposition faite par le souverain monégasque manque d'autorité, car ce n'est pas une proposition qu'un souverain devrait faire à l'un de ces égaux.

Le défi est-il rendu d'autant plus compliqué à relever par François Hollande que depuis son arrivée à l'Elysée, il a considérablement contribué à désacraliser la fonction de président de la République ?

L'actuel président de la République s'est démarqué de tout ce qui pouvait servir son autorité. Une fois qu'un certain nombre de garde-chiourmes ont été relevés, pourquoi ne pas se verser un seau d'eau sur la tête ou quelque autre excentricité ?La situation dans laquelle le président s'est mis depuis son arrivée à l'Elysée devrait lui faire comprendre qu'il s'est entièrement fourvoyé sur sa fonction, et que l'intérêt de la France est d'avoir un chef qui conserve son autorité et s'en montre digne. Nicolas Sarkozy n'avait pas fait mieux avec son "casse-toi pauvre con", mais avait su se ressaisir par la suite. François Hollande se gardera bien de relever le défi, donc, car cela reviendrait à empirer une situation qu'il a contribué à mettre par terre.

Pourquoi le prince Albert de Monaco, qui pourtant fait partie des têtes  couronnées européennes, et dont la gouvernance est tout sauf symbolique, peut-il se permettre de participer à l'Ice Bucket challenge sans craindre pour son image ?

L'exercice de la souveraineté dans la principauté de Monaco n'a pas forcément la même importance que dans de plus grands Etats. Albert de Monaco est un champion sportif qui a participé à plusieurs concours, il s'est donc quelque peu affranchi, mais se livrer à ce challenge est une erreur dramatique vis-à-vis de l'image que tout souverain doit renvoyer à son peuple, qui est celui de l'autorité. Le souverain n'est pas là pour faire des paris – aussi caritatifs soient-ils – mais pour assurer l'exercice du bien commun. Si tous les chefs d'Etat se livraient à ce genre de défis, l'équilibre du monde serait largement compromis. La retenue du chef conditionne la reconnaissance de sa légitimité par les peuples. Espérons que le prince Haakon de Norvège refuse le défi. A ce moment-là, autant demander au pape François, aussi ouvert sur le protocole soit-il, de se verser un seau d'eau glacée sur la tête. La fonction commande la retenue, sinon cela signifie que le détenteur de l'autorité n'est pas à sa place.

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