Grèves : tout bloquer et manifester tous les jours c'est bien beau, mais ça coûte quoi à l’économie française ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Des grévistes bloquent l'entrée de la raffinerie de Fos-sur-Mer.
Des grévistes bloquent l'entrée de la raffinerie de Fos-sur-Mer.
©Reuters

Aucune hésitation

Alors que plusieurs syndicats appellent à la grève dans leur opposition à la loi Travail de Myriam El Khomri, le coût des grèves reste non négligeable en France, directement mais aussi indirectement.

Gilles Saint-Paul

Gilles Saint-Paul

Gilles Saint-Paul est économiste et professeur à l'université Toulouse I.

Il est l'auteur du rapport du Conseil d'analyse économique (CAE) intitulé Immigration, qualifications et marché du travail sur l'impact économique de l'immigration en 2009.

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Atlantico : Raffineries bloquées, grèves à la SNCF et à la RATP... Les mouvements de grèves se multiplient dans un contexte de forte mobilisation contre la loi Travail. Si ces grèves ont un impact sur l'économie, est-il possible de mesurer leurs coûts ? Si oui, comment ?

Gilles Saint-Paul : Il y a d’abord le coût direct dû à la perte de production des établissements empêchés de produire. Cela peut s’imputer en utilisant le chiffre d’affaires des industries considérées. Si par exemple une usine ferme une semaine, on peut évaluer la perte à 1/52ème du chiffre d’affaires annuel de cette usine. Il y a ensuite les pertes induites sur les clients qui ne peuvent s’approvisionner et les fournisseurs qui voient leurs ventes fléchir. Il y a enfin le coût des blocages pour les usagers des transports, qui peuvent s’évaluer en prenant en compte le temps perdu par ces usagers.

Au-delà d'une baisse du chiffre d'affaire des raffineries et stations-service, quelles sont les conséquences indirectes du blocage des raffineries et des dépôts de carburant sur l'économie française ? Comment évaluer la perte d'heures travaillées dans le pays ?

Le secteur du transport est un secteur névralgique puisque l’ensemble de l’économie repose sur lui. Cependant, pour cette raison, le gouvernement sera contraint d’intervenir plus vite que s’il faisait face à une simple grève des transports en commun. Faute de quoi, la situation pourrait devenir politiquement explosive (qu’on se rappelle le blocage du Chili en 1973 qui avait débouché sur le coup d’Etat d'Augusto Pinochet). Si ce n’est pas le cas, les journées de réel blocage resteront limitées, peut-être une petite semaine, et le coût pour l’économie ne sera pas excessif.

Dans un contexte de reprise faible de l'économie française, ces mouvements de protestation, s'ils venaient à se prolonger, sont-ils à même de peser sur les prévisions de croissance de l'année ? Peut-on imaginer un "scénario noir" en ce sens ?

L’impact macroéconomique restera relativement faible, ce qui est en grande partie dû aux effets de report de l’activité d’une période sur l’autre. Ainsi, pour les grandes grèves de 1995, sous le gouvernement Juppé, pendant lesquelles la France avait été paralysée pendant 22 jours, l’INSEE estimait la perte de production à 0,2 ou 0,3 points de PIB. Bien sûr, dans un contexte de croissance anémique, ce n’est pas totalement négligeable. Cela signifie par exemple une croissance de 1,2% au lieu de 1,5%. Mais le vrai coût des grèves est indirect : les grèves ont un impact sur les politiques futures que suivront les gouvernements successifs et sur la faisabilité des réformes structurelles. Ainsi, les grèves de 1995 ont engendré un tel traumatisme que les réformes des régimes spéciaux de retraites sont devenues très difficiles politiquement, avec pour résultat le maintien d’un système inique et un coût financier considérable pour la collectivité. De même, les réformes qui visaient à flexibiliser le marché du travail pour les jeunes, telles que le CIP de Balladur et le CPE de Villepin, ont été accueillies par des protestations ultra-violentes, qui ont eu pour résultat de créer un tabou sur les salaires et les conditions de rupture d’emploi des entrants dans le marché du travail, avec pour conséquence un chômage record pour les jeunes durant de décennies. Avec la loi El Khomri, les syndicats tentent de sacraliser les 35 heures, à cause desquelles la France est le pays développé où l’on travaille le moins au monde. La paralysie psychologique et institutionnelle que produisent ces grèves représente donc un coût considérable.

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