Gaz de schiste : la fin des mensonges ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Le site de forage de Preston New Road, ou commencent des opérations de fracturation hydraulique pour extraire du gaz de schiste. Little Plumpton, Royaume-Uni, 13 octobre 2018.
Le site de forage de Preston New Road, ou commencent des opérations de fracturation hydraulique pour extraire du gaz de schiste. Little Plumpton, Royaume-Uni, 13 octobre 2018.
©LITTLE PLUMPTON, ROYAUME-UNI

Hypocrisie généralisée

La loi du 13 juillet 2011, en interdisant la fracturation hydraulique, voulait mettre un terme, en France, à l’exploration et à l’exploitation du gaz dit de schiste, appelé aussi non conventionnel, c’est-à-dire contenu dans le sous-sol dans des réservoirs exigus. Ce texte, exhibé comme une grande victoire de l’écologie politique, voulait être le premier d’une longue série conduisant à la disparition progressive de l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures, à la frugalité, la sobriété, en fait à la décroissance accélérée de nos économies.

Loïk Le Floch-Prigent

Loïk Le Floch-Prigent

Loïk Le Floch-Prigent est ancien dirigeant de Elf Aquitaine et Gaz de France, et spécialiste des questions d'énergie. Il est président de la branche industrie du mouvement ETHIC.

 

Ingénieur à l'Institut polytechnique de Grenoble, puis directeur de cabinet du ministre de l'Industrie Pierre Dreyfus (1981-1982), il devient successivement PDG de Rhône-Poulenc (1982-1986), de Elf Aquitaine (1989-1993), de Gaz de France (1993-1996), puis de la SNCF avant de se reconvertir en consultant international spécialisé dans les questions d'énergie (1997-2003).

Dernière publication : Il ne faut pas se tromper, aux Editions Elytel.

Son nom est apparu dans l'affaire Elf en 2003. Il est l'auteur de La bataille de l'industrie aux éditions Jacques-Marie Laffont.

En 2017, il a publié Carnets de route d'un africain.

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En fait l’écologie allemande avait choisi la lutte contre le nucléaire en acceptant une augmentation de l’utilisation du charbon, de la lignite …et du gaz avec la construction de gazoducs Russie Allemagne par la mer Baltique permettant ainsi d’ignorer les pays adjacents, en particulier Ukraine ou Pologne. La politique énergétique allemande était donc « gazière », contrairement à la politique française restant accrochée au nucléaire et au mix énergétique. D’un côté la dépendance énergétique accrue (surtout avec la Russie) et de l’autre, une tradition ancestrale réanimée par le Général de Gaulle et Pompidou d’indépendance. 

Le monde étant dépendant pour 80% des hydrocarbures pour sa satisfaction énergétique, il est clair que les tenants de la disparition de l’utilisation des fossiles, les partisans de la pureté de la verdeur, mentaient effrontément mais certaines populations, souvent favorisées et urbaines se satisfaisaient de cet avenir riant où le vent et le soleil venaient les réveiller avec leur café chaud et leur pain grillé. La voie choisie d’éradiquer les énergies fossiles s’accompagnait donc de la construction de gazoducs, de centrales à charbon et à gaz et même à l’achat de charbon russe tandis que l’on mettait au rencart nos installations de raffinage pour « faire propre » ! C’est ainsi que, par exemple, nous sommes tous devenus dépendants en Europe, pour le gazole, des raffineries russes respectant peu les standards environnementaux ! 

L’hypocrisie du système est apparue lorsque nous avons dû, avec la guerre en Ukraine, regarder la réalité en face : seuls les pays à installations nucléaires étaient protégés de la dépendance structurelle à la Russie, nos économies étaient exigeantes en gaz, nous avions refusé d’exploiter celui que nous avions en sous-sol et nous avons demandé que l’on nous livre à prix d’or le gaz de schiste américain ! Nous avons donc mené une politique énergétique de gribouille et ceux qui l’ont préconisée ont commis des erreurs dont on aimerait qu’elles soient involontaires sans en être bien surs !  Difficile d’admettre aujourd’hui s’être trompés autant, difficile de justifier la loi « presque unanime » du 13 Juillet 2011 interdisant la fracturation hydraulique et donc l’exploration et l’exploitation de notre sous-sol des gaz non conventionnels qu’il contient, difficile de se rappeler la fermeture de Fessenheim et l’arrêt des programmes SuperPhénix et Astrid, difficile de faire oublier les votes de 2017 non encore définitifs d’arrêt immédiat de l’exploration et de l’exploitation d’hydrocarbures en France (métropole et Dom-Tom)…et d’ailleurs les éléments de langage de la plus grande partie des programmes politiques reprennent les anciennes lunes castratrices célébrant la beauté des énergies renouvelables et la nécessité d’y recourir aveuglément. Bien sûr,  on aimerait bien que le vent et le soleil nous apportent gratuitement une énergie abondante, que tous nos déchets soient recyclés sans dépenses, que nos villes soient vertes, que nos matières premières soient toutes d’origine végétale, que tout autour de nous soit propre et durable…Mais ce n’est pas encore le cas , c’est même l’inverse car les nouvelles technologies dont nous nous servons tous les jours et qui nous donnent ce sentiment de « verdeur » sont assises sur des matériaux de plus en plus difficiles et chers à acquérir. 

Le covid d’abord, la guerre en Ukraine ensuite, nous ont ouvert les yeux mais nous avons envie de les refermer et de repartir dans nos rêves comme ceux de la publicité pour la voiture électrique avec le silence des enfants endormis à l’arrière passant sur une route sans bruit devant un champ d’éoliennes ! Le vent et le soleil sont intermittents, ils ne produisent donc pas une énergie abondante et bon marché, ils ont besoin du gaz pour assurer la continuité de la consommation d’électricité. Le nucléaire est une source d’énergie sans émissions de gaz à effet de serre et donc indispensable à notre futur. Notre sol doit être utilisé en priorité pour nourrir les humains et non pour faire une énergie chère. L’énergie électrique ce sont des électrons en mouvement, donc non stockables, quand on parle de stockage de l’énergie électrique c’est un abus de langage, on transforme l’électricité produite et on retransforme derrière pour l’utiliser, il y a donc deux pertes de rendement ! L’avenir ce n’est pas l’éradication de telle ou telle source d’énergie, mais la lutte contre les gaspillages et la recherche de rendements meilleurs. Chaque pays doit donc rechercher son meilleur mix énergétique, une énergie abondante et bon marché permettant l’existence d’une industrie et satisfaisant des consommateurs désireux d’une stabilité des réseaux, une disponibilité selon leurs désirs et leurs nécessités . 

Il faut donc, au moins en France en laissant nos voisins allemands dans leurs illusions, arrêter de mentir, de nous mentir, en servant en boucle au peuple l’arrivée d’énergies renouvelables satisfaisant rapidement l’ensemble de nos besoins. Il faut y travailler, c’est clair, éviter les gaspillages, recycler, mais arrêter aussi de croire au Père Noel ! il va falloir surtout investir dans le nucléaire, celui d’aujourd’hui, de demain et d’après demain, redéfinir la place des énergies fossiles et envisager d’explorer et d’exploiter notre sous-sol, accepter l’idée que nous ne sommes pas là pour dicter au monde entier ce qui est le « bien », mais pour faire vivre 65 millions de personnes aspirant à maintenir , au moins, le niveau de vie actuel. Le principe qui a maintenu la prospérité de notre pays  est celui d’une certaine indépendance basée sur une énergie abondante et bon marché, ce principe doit être maintenu si l’on veut survivre , il conduit à tout explorer, la méthanisation des ordures, comme les gaz non conventionnels . On peut, on doit, compter les gaspillages et leurs méfaits dans les chiffres permettant de décider ce qu’il faut faire ou ne pas faire, mais dire aujourd’hui que nous supprimons les fossiles, que nous voulons brider le nucléaire, que nous voulons universaliser les éoliennes en mer tout en conduisant la France vers les succès est un leurre.  

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