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Face à la confusion, les chefs d’entreprise de plus en plus nombreux à dénoncer l’archaïsme du management politique
©Reuters

Atlantico Business

Les chefs d’entreprise sont de plus en plus résignés. Pour beaucoup, la pagaille qui domine la présidentielle appelle à une rénovation du management politique.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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"Ce qui est en cause, ce ne sont pas les institutions ou la démocratie, ce sont les pratiques de management politique. Les hommes politiques sont étouffés par leur ego surdimensionné, leurs pseudo-convictions qui ne sont que des alibis faciles pour justifier la défense de leurs intérêts personnels. La politique est un métier difficile, mais exercé par des incompétents. La crise actuelle ne traduit pas une crise des institutions, mais des pratiques politiques. Le management politique est exercé par des amateurs. Les responsables ne sont pas au niveau".

Ce patron du Cac 40 ne mâche pas ses mots et rejoint l’opinion de plus en plus de chefs d’entreprise qui déplorent les erreurs, et finalement, l’incompétence des politiques à gérer des grands nombres.

"Le PDG d’une grande entreprise ne tiendrait pas six mois en accumulant autant d’erreurs". 

Les chefs d’entreprise considèrent, en fait, que dans l’absolu, il n’y a pas de grande différence entre la position d’un chef d’entreprise et celle d’un homme politique. L’essence du pouvoir est certes différente - les politiques sont élus par le suffrage universel, alors que le chef d’entreprise est nommé (par des actionnaires) - mais est-ce que les choses sont aussi simples ?  Pas sûr. Beaucoup de chefs d’entreprise n’existent que parce que leurs clients, leurs actionnaires et leurs salariés le veulent.Beaucoup expliquent que si les actionnaires les lâchent, ils doivent partir. Si les clients passent à la concurrence, ils ne tiendront pas longtemps, et si les personnels ne supportent pas les directions, ce sont les directions qui seront menacées. Ne parlons pas de l’écosystème de l’entreprise qui, lui aussi, doit accepter l’entreprise et ses méthodes.

L’entreprise doit donc marier et gérer plusieurs projets à la fois. Un projet économique et financier, un projet social, et un projet environnemental. Ces trois projets sont liés, interdépendants, complémentaires.

Sous cet angle, les chefs d’entreprises sont de plus en plus nombreux à ne pas comprendre que des responsables politiques soient aussi maladroits dans la gestion de la politique. Et si on résume ces analyses, le monde des affaires fait trois séries de procès :

1) Les politiques ne sont pas armés pour connaître et appréhender les tendances lourdes de l’opinion. Les hommes politiques s’appuient sur les sondages traditionnels, ils font une analyse rapide des commentaires qui sortent sur les réseaux sociaux, et ils se fient à leurs réseaux qui reproduisent en boucle leurs propres certitudes. C’est vrai à droite comme à gauche. La culture de l’innovation, des transgressions, a assez peu de place dans la passion politique qui consiste principalement à conquérir des positions de pouvoir, donc à rassembler des supporters. Du coté de l’entreprise, il y a bien longtemps qu‘on ne se fie plus aux sondages quantitatifs représentatifs des avis du marché, de l’humeur des actionnaires ou du climat social. Les études sont beaucoup plus qualitatives, beaucoup plus sophistiquées.

Les sondages montrent, élection après élection, qu’ils se trompent. Toutes les méthodes traditionnelles de mesure des opinions sont aujourd’hui supplantées par des analyses qui mesurent et prévoient les tendances lourdes de l’opinion. La société canadienne Filteris est devenue championne du monde dans ce type d’exercice. Filteris (mais il y en a d’autres désormais) glane le maximum de données sur les réseaux sociaux. Créée en 2002 au Canada, elle a mis au point des algorithmes qui permettent de définir l’identité et l’image d’une institution, d’une grande entreprise, et Filteris travaille pour la banque, les sociétés d’assurance, la plupart des grandes entreprises de la grande consommation. Depuis qu’elle a travaillé pour Justin Trudeau au Canada, elle travaille pour les hommes politiques et les partis. C’est de cette façon que, contre toute attente, et contre tous les sondages, Filteris avait deviné et annoncé la victoire du Brexit, de Trump. En France, les experts de Filteris avaient annoncé l’échec de Nicolas Sarkozy à la primaire et la victoire de François Fillon.   

2) Les responsables politiques français n’ont pas la culture des faits, des chiffres et de la réalité. Les responsables politiques, par formation et éducation, s’appuient principalement sur leurs convictions (c’est bien), sur leur ambition ou celle qu’ils prêtent à leurs amis proches, sur la lecture qu‘ils font de la demande politique, sur ce qui les protège. Ils ne prennent pas en compte les faits, les chiffres, les mutations qui ne dépendent pas de nous, mais qui s’imposent à tout le monde. La mondialisation s‘impose à tous, le progrès technologique s’impose, les risques de la pollution s’imposent. Plutôt que d’être en permanence dans le déni, mieux vaut prendre en compte ces facteurs incontournables pour les assumer et s’y adapter.

A droite comme à gauche, les hommes politiques se targuent d’avoir une offre politique cohérente qui correspond à leur idéologie, à leur conviction ou à leur tradition, mais ils expliquent aussi la légitimité de cette offre en essayant de prouver qu’elle répond à la demande de l’opinion. Jamais les hommes politiques expliqueront qu’ils doivent faire face à des mutations sur lesquelles ils n’ont pas de prise et auxquelles ils doivent s’adapter. Plutôt que de faire cette pédagogie, ils préfèrent dénoncer les boucs émissaires. Ce qui mène nulle part.

Le chef d’entreprise a un comportement politique beaucoup plus simple. Il fait une offre de produit, de rendements financiers ou de salaire, en expliquant qu‘elle correspond aux conditions d’exploitation. Soit cette offre est acceptée par le client, l’actionnaire et le salarié, soit elle est refusée. Et si elle est refusée, le chef d’entrepris a intérêt à changer son offre ou modifier son modèle économique si c’est possible. La plupart du temps, il part.

3) Les hommes politiques français n’ont pas la culture des résultats. Ils ont la culture des projets, des promesses et des moyens. Mais si les résultats ne sont pas délivrés, ils considèreront que les conditions n’étaient pas réunies et qu’ils n’en sont pas responsables.  Très bien, sauf que l’homme politique a aussi une obligation de résultats. Comme le chef d’entreprise qui fait un programme, une promesse et qui aura des ennuis graves si la promesse n’est pas délivrée. Les sanctions de l’incompétence sont beaucoup plus graves dans le monde des affaires que dans le monde politique français. C’est moins vrai dans le monde anglo-saxon, où les hommes politiques ont aussi une obligation de résultat. 

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