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Les dirigeants du Parti vert allemand, Annalena Baerbock et Robert Habeck lors d'un congrès du parti en novembre 2019.
Les dirigeants du Parti vert allemand, Annalena Baerbock et Robert Habeck lors d'un congrès du parti en novembre 2019.
©Ina FASSBENDER / AFP

Nouvelle politique ?

A cinq mois des élections législatives du 26 septembre en Allemagne, l’hypothèse d'une chancelière Verte n’est pas exclue. L'Institut Montaigne a étudié les repositionnements politiques et économiques des Verts allemands qui pourraient changer la donne lors du futur scrutin.

Alexandre Robinet Borgomano

Alexandre Robinet Borgomano

Alexandre Robinet Borgomano est responsable du programme Allemagne de l’Institut Montaigne. Il a rejoint l’Institut Montaigne en 2019. Il a travaillé auparavant au Bundestag, comme attaché parlementaire d’un député allemand. Il a conduit pour la Fondation du patrimoine culturel prussien un projet d’exposition visant à présenter à Berlin les collections d’art moderne du dernier Shah d’Iran. Il a également participé au lancement d’un fonds d’investissement européen dans le domaine de la Smart City et pris part à l’initiative pour l’unification du droit des affaires en Europe. Diplômé de Sciences Po Paris, il est également titulaire d’une maîtrise en histoire moderne de la Sorbonne (Paris IV).

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Atlantico : Dans votre article pour l’institut Montaigne vous étudiez le repositionnement politique et économique des Verts allemands. Quels sont les principaux changements récents de leur politique ? Est-ce que ces changements peuvent expliquer leur succès dans les sondages ?

Alexandre Robinet Borgomano : Les Verts allemands sont parvenus à renforcer leur compétence dans le domaine économique à partir de l’élection de Robert Habeck et Annalena Baerbock à la tête du parti, en janvier 2018. Le nouveau programme électoral des Verts consacre son deuxième volet à l’économie (« Die Zukunft wirtschaften »), alors que ce sujet n’était abordé que de manière incidente lors de leur dernière campagne en 2017.

Développer cette compétence économique, traditionnellement reconnue aux Chrétiens-démocrates et aux Libéraux, signale la volonté des Grünen de se présenter comme un véritable parti de gouvernement. Leur vision s'appuie sur l’idée que les fondements de l’économie allemande qui ont fait le succès du pays ces dernières décennies - la chimie, l’industrie automobile, la construction de machines-outils- appartiennent au passé et imposent à l’Allemagne de se transformer pour préserver les bases de sa prospérité.

Les Verts allemands misent ainsi sur le soutien à l’innovation, le déploiement d’une politique d'investissements massive et la mise en place d’une stratégie industrielle au niveau européen pour gérer et accompagner dans la durée cette transformation.

Ces changements pourraient leur permettre de remplacer les Chrétiens démocrates au centre de l’échiquier politique : alors que la protection du climat est devenue la préoccupation principale de l’électorat, imaginer et incarner un modèle d’économie sociale de marché plus durable est devenu le grand défi des grands partis allemands. 

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Un gouvernement vert permettrait-il au pays de privilégier la rigueur budgétaire à une austérité budgétaire qui nuit depuis plusieurs années aux investissements du pays ?

Sur ce sujet, nous avons deux leçons à tirer de la crise du coronavirus. L’Allemagne d’une part, s’est révélée véritablement keynésienne puisqu’elle n’a pas hésité à lever les freins à l’endettement et à ouvrir les vannes budgétaires pour faire face aux conséquences économiques de la pandémie.

Lorsqu’il a présenté le premier plan de sauvetage de l’économie en mars 2020, le Ministre des finances Olaf Scholz a fait valoir que les excédents budgétaires constitués en phases d’expansion étaient précisément ce qui permettait à l’Allemagne d’absorber ce choc tout en disposant de marges de manœuvre pour affronter la récession à venir. Cette logique contra-cyclique doit nous amener à relativiser l’idée d’un pays qui ferait de l’austérité budgétaire une fin en soi.

La deuxième leçon que l’on peut tirer de cette crise c’est que les investissements publics ne se décrètent pas si facilement. Au-delà de la proclamation des grands chiffres, ces dépenses nécessitent une administration efficace capable de gérer ces fonds pour les transformer en investissements. Or, la faiblesse de l’administration publique est apparue au cours de la crise comme le véritable talon d’Achille de l’Allemagne.

Les Verts sont favorables au lancement d’un fonds d’investissement de 500 milliards d’euros pour investir dans les infrastructures digitales et les transports, mais s’ils sont élus ils devront également faire face à ce déficit fondamental que représente la faiblesse actuelle de l’administration.          

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Jusqu’à présent l’Allemagne réalise des excédents budgétaires élevés par rapport à la zone euro au détriment de celle-ci, la vision économique des verts est-elle plus de nature à stimuler l’Europe et la zone euro que ce qui a actuellement cours en Allemagne ?

Le gouvernement d’Angela Merkel a brisé un tabou en levant le frein à l’endettement pour faire face aux circonstances exceptionnelles que représentait la pandémie et il existe en Allemagne un débat de fond sur la possibilité de réformer ce mécanisme inscrit dans la constitution. Il faut également rappeler que la Chancelière fut à l’initiative, avec le Président Macron, du plan de relance européenne de 750 Milliards d’euros fondé sur un capacité d’endettement commun et dont l’objectif est précisément de soutenir et réformer l’économie européenne pour lui permettre de sortir de la crise.

La vraie question, c’est celle de la pérennité de ce mécanisme. Pour les conservateurs, il s’agit d’un mécanisme exceptionnel pour faire face à une situation exceptionnelle alors que les Verts sont favorables à ce que l’Union européenne puisse durablement s’endetter pour investir. Là où tous se rejoignent, c’est que ni les Verts, ni les conservateurs ne sont favorables à une annulation des dettes publiques par la BCE. 

Plus  largement, le programme économique, politique et géopolitique des verts est-il en mesure de bénéficier à l’Union européenne ? Si oui sur quels points ?

Les Verts allemands ont placé l’engagement européen au cœur de leur ambition. Sur le plan géopolitique, ils entendent promouvoir une Europe plus souveraine, capable de soutenir une véritable stratégie industrielle dessinant dans certains domaines une nouvelle forme d’autonomie. Dans l’entretien qu’elle a accordé à la FAZ, Annalena Baerbock, candidate des Verts à la chancellerie, a présenté une approche “réaliste” des questions de sécurité et de défense. Pour elle, l’Europe doit affirmer davantage ses valeurs face aux régimes autoritaires comme la Chine ou la Russie. Concrètement, cela signifie notamment que l’Allemagne doit renoncer au projet de pipeline Nord Stream II, et que l’Europe doit exclure l’entreprise chinoise Huawei de la construction des infrastructures de 5G.

Dans le domaine de la sécurité, on s’imagine parfois que les Verts, parti traditionnellement antimilitariste, seraient un obstacle au renforcement de l’Europe de la défense; c’est oublier que la première intervention armée de l’Allemagne après la seconde guerre mondiale fut décidée par le ministre des Affaires étrangères vert Joschka Fischer, et que les Verts plaident aujourd’hui ouvertement pour une union de la défense. Le renforcement des capacités militaires de l’Europe doit lui permettre de rester un allié crédible pour les Etats-Unis.

Angela Merkel a réconcilié l’Allemagne avec elle-même, mais elle n’a jamais cherché à incarner un véritable leadership sur la scène internationale -sauf lorsqu’elle y était contrainte et toujours en ménageant les intérêts de l’industrie allemande... Une Allemagne gouvernée par une Chancelière verte pourrait contribuer au renforcement d’une “Europe puissance” animée par une vision géopolitique plus claire que par le passé.      

Alexandre Robinet Borgomano est responsable du programme Allemagne de l’Institut Montaigne. 

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