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Et si c’était Trump, le Brexit, l’Italie, ou Marine Le Pen qui faisaient monter les taux d’intérêt ?
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Populisme et prix de l’argent

Si les taux d’intérêt ont tendance à augmenter, ce n’est pas uniquement pour des raisons économiques, c’est aussi à cause des risques de populisme.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Le risque de populisme fait monter le prix de l’argent. La situation est particulièrement visible en France puisque les taux d’intérêt à long terme sont passés en quelques semaines de 0,30% à 0,80%. C’est encore assez peu, mais c’est assez pour impacter les prêts immobiliers. Toutes les banques ont répercuté cette hausse.

C’est particulièrement vrai en France parce que la France est l'une des démocraties les plus fragiles, avec une situation politique des plus compliquées et imprévisibles.

Ceci dit le phénomène se nourrit de ce qui s’était passé en Grande-Bretagne avec le vote sur le Brexit, de ce qui passe aux Etats-Unis avec l’élections de Donald Trump, en Italie avec le référendum (contre tout) et en France avec la montée des extrémismes de droite et de gauche puisque les deux extrêmes ont à peu près les mêmes ressorts et les mêmes projets aussi flous qu'inapplicables.

Jusqu’alors, les marchés étaient assez peu sensibles aux poussées populistes ou démagogiques ; les marchés réagissaient surtout aux décisions prises par les politiques qui arrivent au pouvoir. Aux Etats-Unis par exemple, les milieux financiers s'inquiétaient de l'arrivée de Donald Trump au pouvoir. Mais quand ils ont vu qu’une fois élu, le nouveau président américain adoucissait ses projets et finalement devenait très pragmatique jusqu'à nommer un ministre des Finances venu de chez Goldman Sachs, les marchés sont redevenus sereins.

Ça n'est pas le cas partout, puisqu’en Europe, on assiste depuis un mois environ à une pression assez forte sur la dette. Bref les spéculateurs achètent de la dette française, ou italienne en se disant qu'elle va augmenter, et en l’achetant, ils contribuent à la faire monter.

Alors pourquoi une telle attitude ?

Les premières explications se tournent vers la Banque centrale européenne dont on dit qu’elle pourrait durcir sa politique monétaire et raréfier un peu le montant des liquidités en circulation, d'où la hausse des taux annoncée.

D'autres explications rappellent que la situation économique reste fragile avec une croissance trop faible (1,3%), un chômage qui ne fléchit pas et un déficit commercial toujours aussi important, ce qui traduit le manque de compétitivité de l’appareil de production.

Tout cela est vrai ... mais les acteurs du marché signalent aussi qu’il existe des risques politiques partout en Europe et ces risques populistes annoncent en France l’arrivée plausible de Marine Le Pen et des équilibres politiques au Parlement, qui rendraient le pays ingouvernable. C’est la très sérieuse agence Bloomberg qui n'exclut pas ce phénomène.

Le résultat est que les acteurs "pricent" de risque, autrement dit ils l'intègrent au prix d’argent, c’est à dire au taux d’intérêt à long terme une prime de risque spécifique.  Et cette prime serait aujourd'hui de 0, 5% ce qui expliquerait que les taux soient passés de 0,3 à 0,8%.

Soyons clairs, les marchés ne sanctionnent pas les personnalités politiques qui cultivent la démagogie. Ces personnalités politiques ne sont pas nées d’hier. Les marchés ne sanctionnent pas les programmes irresponsables et dont tout le monde sait qu'ils seraient inapplicables, et là encore ça ne date pas d'hier. Mais jusqu'alors, ils savaient qu’ils ne seraient jamais appliqués. On était dans la posture, le théâtre.

En fait les marchés sanctionnent les gouvernances, qui en démocratie ont laissée se creuser un tel fossé entre ceux qui savent et le peuple qui sur-réagit aux difficultés. Ce qu’ils sanctionnent, c’est le défit de pédagogie sur ce qui est responsable et applicable à moyen et long terme et ce qui serait absolument inapplicable.

L'exemple le plus caricatural actuellement est celui de l'Angleterre où le gouvernement s'avère incapable de mettre en place les conditions acceptables pour l’opinion publique des modalités du Brexit qui a pourtant été voté à la demande de ceux qui aujourd’hui seraient censés le mettre en œuvre.

Ce que les marchés sanctionnent, c’est le désordre créé en Italie par le référendum qui a conduit Matteo Renzi à démissionner.

Ce que les marchés sanctionnent en France c’est l'inapplicabilité du programme économique de Marine Le Pen. Autrefois, les projets de son père, Jean-Marie Le Pen n'était pas plus applicable, mais tout le monde savait qu’il ne voulait pas aller au pouvoir. Alors peu importe. 

Alors beaucoup diront que les marchés vont à l’encontre des tendances dégagées par la démocratie, peut être. Sauf que les marchés n'agrègent rien d’autre que le comportement des millions d’épargnants qui leur ont confié leur argent. Et les marchés présentent des contraintes qui sont difficilement gommées. Les marchés s'imposent sur la vie politique comme la météo s'impose aux marins ou aux agriculteurs. Ils peuvent l’étudier, la prévoir, mais ils ne peuvent pas s’en absoudre. Les marins comme les agriculteurs doivent l’assumer.

D’une certaine façon, les marchés qui appliquent la loi des épargnants servent de garde du corps ou de filets de sécurité aux excès de la démagogie ou du populisme voulu par les électeurs.

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