Énergies renouvelables : la France prise dans un calamiteux piège européen <!-- --> | Atlantico.fr
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La France a-t-elle été naïve face à l’idéologie européenne et surtout allemande en matière d'énergies renouvelables ?
La France a-t-elle été naïve face à l’idéologie européenne et surtout allemande en matière d'énergies renouvelables ?
©Jean-Francois MONIER / AFP

Politique énergétique

On a appris d’Agnès Pannier-Runacher que la France devrait acheter des "volumes statistiques" de renouvelables car elle n’a pas respecté ses engagements en la matière. Pourtant la France a l’une des énergies les plus décarbonées d’Europe.

Rémy Prud'homme

Rémy Prud'homme

Rémy Prud'homme est professeur émérite à l'Université de Paris XII, il a fait ses études à HEC, à la Faculté de Droit et des Sciences Economiques de l'Université de Paris, à l'Université Harvard, ainsi qu'à l'Institut d'Etudes Politique de Paris. 

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Atlantico : Pour ne pas avoir atteint ses objectifs européens en matière d’énergies renouvelables en 2020, l’Etat français va devoir débourser 500 millions d’euros.  Comment a-t-il pu en arriver là ?

Rémy Prud'homme : La France et l’Europe ont été consentants et ont construit un système qui repose sur quatre piliers : le tout Europe, le tout marché, le tout renouvelable et le tout anti-nucléaire. Chacun d’entre eux est mal pensé. Le pilier du tout marché n’a pas beaucoup de sens pour un bien comme l’électricité. En ce qui concerne le tout Europe, celui-ci aussi est problématique. Les systèmes électriques de chaque pays sont entièrement différents. Entre la France qui est à 75% nucléaire et d’autres nations qui sont à 0%. Certains, comme l’Etat français, possèdent de l’hydraulique tandis que d’autres non. Le charbon est encore utilisé en Allemagne. Donc l’idée d’avoir une politique commune pour tous les pays ne se fait pas avec de simples réflexions. Les quatre piliers se contredisent entre eux, ce n’est pas possible de les faire fonctionner ensemble. Un marché au niveau européen, c’est une catastrophe. Ce qui a engendré des dizaines d’absurdités. En France, l’Etat a voulu un marché pour l’électricité, alors qu’il n’y a qu’un seul acteur (EDF). Comment est-ce possible d’avoir un marché tout seul ? C’est une absurdité. EDF à dû vendre à bas prix une partie de son nucléaire (25%) à des nouveaux acteurs créés par la France.

La France avait-elle besoin de s’infliger ses objectifs européens ?

Il y a 10 ou 15 ans, la France avait une consommation qui ne bougeait pas. Elle possédait tout ce qu’il fallait pour produire cette électricité : des centrales nucléaires, des barrages et quelques centrales de charbon ou gaz. Par-dessus, on est venu faire du renouvelable. Alors qu’on ne se retrouve pas dans le besoin, la production va tout de même se faire. EDF est donc obligé d’acheter cette électricité verte à un prix élevé. Cette production du renouvelable force les centrales nucléaires à baisser leur fonctionnement. La France se prive d’une électricité peu coûteuse. Le stock éolien, vendu à un prix d’or, sert seulement à l'exportation ou à réduire la production de nucléaire et d’hydraulique. Le système est totalement ubuesque.

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L’Etat français ne s’est-il pas trop abaissé aux décisions allemandes sur le nucléaire et les renouvelables ?

En se livrant à l’Union Européenne et l’Allemagne, opposée au nucléaire, la France a aggravé la situation. Même si la majorité des Français était déjà contre le nucléaire, on mentait sur le sujet. Des mensonges sur le nucléaire étaient diffusés, et ça fonctionnait. Du coup, nos voisins allemand ont fait la loi avec leur vision du vert, qu’ils n’avaient même pas. Ils ont remplacé le nucléaire par de l’éolien en utilisant toujours le charbon, ce qui est pire. L’Allemagne a fait passer des accords européens, comme sur la part des renouvelables. D’ailleurs, la France n’est pas réellement à 19%. Les énergies renouvelables passent nécessairement dans l’électricité. Dans notre pays, celle-ci représente 30% du total de l’énergie consommée. Alors il faut faire attention, il existe toutes sortes de façons de calculer l’énergie qui peut être plus ou moins artificielle. Donc en France, si le renouvelable fait un peu moins de 10% de l’électricité, il va représenter 3% de l’énergie. De la même manière en Allemagne où l’on va se retrouver en dessous des 10%. Au vu des multiples manières de calculer, vous pouvez toujours arriver à des résultats différents.

La France a-t-elle été naïve face à l’idéologie européenne et surtout allemande ?

Plus tôt je parlais des piliers idéologiques de la politique européenne. Ils ont conduit à des absurdités comme l’amende de 500 millions d’euros pour la France. Le plus grave, c’est que le prix de l’électricité est celui du dernier kilowattheure produit avec du gaz russe en Allemagne et qui est extrêmement cher. Le marché européen est le marché des Allemands, l’un des pires échecs qu’on puisse imaginer. Ils ont échoué dans leur volonté de décarbonation alors que la France était meilleure grâce au nucléaire et à l’hydraulique. L’Hexagone possédait de l’électricité qui était décarbonée pratiquement totalement. L’Etat français pensait que le marché serait formidable et croyait en cette idéologie. La France soutenait l’Europe et pensait que les renouvelables représentaient l’avenir de l’humanité. Des représentants allemands voyaient très bien que cela servait l’Allemagne au détriment des intérêts de l’industrie et de l’économie européenne. On récolte ce qu’on a semé. Les autres pays ont réussi à trouver leur partition, nous pas encore.

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