En préparant le budget 2024, Bruno Le Maire craint une fracture de la classe politique<!-- --> | Atlantico.fr
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Le budget 2024 pose des difficultés à Bruno Le Maire.
Le budget 2024 pose des difficultés à Bruno Le Maire.
©ÉRIC PIERMONT / AFP

Atlantico Business

Alors que Bercy va alimenter ses ordinateurs pour dresser le projet de budget 2024, les responsables politiques se préparent à une bagarre violente entre ceux qui réclament du sérieux dans la gestion de la dépense publique et ceux qui cherchent à éviter les risques sociaux.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

Il est aussi l'auteur du blog http://www.jeanmarc-sylvestre.com/.

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Ce budget 2024 sera sans doute pour Bruno Le Maire un des plus difficiles qu’il aura défendu pendant sa carrière. Un des plus difficiles sur le plan technique , un des plus importants pour son avenir politique.

D’abord parce qu’il est numéro 2 d’un gouvernement qui n’a toujours pas de majorité,  ensuite parce que la situation conjoncturelle lui laisse assez peu de marges de manœuvre budgétaire. Enfin parce qu’il va se retrouver contre tous ceux qui à gauche comme à droite n’ont toujours pas compris que le «quoi qu’il en coute » était terminé .

La situation economique n’est pas mauvaise par rapport à la catastrophe que prédisaient tous les économistes. La première fois au moment du covid , la seconde fois quand la guerre en Ukraine s’est déclarée. La croissance economique sera tres faible en 2023 , pas meilleure en 2024 , aux alentours de 1% ( hypothèse haute ) la banque de France est plus pessimiste que Bercy . Et l’inflation beaucoup plus faible que ce que nous annonçaient les analystes ( en dessous de 5%). Au passage , cette inflation a commencé à baisser au début de cet été et les experts sérieux  reconnaissent  que ça va continuer de baisser au niveau des biens alimentaires et des énergies. A noter que là encore , les pessimistes nous annonçaient un cercle vicieux de contamination des salaires par les prix , et ce cercle qui aurait signé une véritable inflation ne s’est pas fermé. C’est d’ailleurs peut être l’inverse  qui va se réaliser à savoir une déflation par excès d’offre sur la demande .

La bonne nouvelle c’est que les salaires ont tendance à monter parce que le marché de l’emploi est tres tendu et qu’il y a néanmoins des gains de productivité . A noter autre bonne nouvelle , une tendance à la réindustrialisation.

Les problèmes endémiques de la situation francaise sont logés dans l’endettement qui s’avère tres lourd , près de 120% , et dont le coût va encore s’alourdir pour cause de taux d’intérêt.

Pour l’instant la France n’a pas de problème pour financer sa dette . Elle trouve sur les marchés ce qui lui faut . Sa crédibilité est encore intacte parce que le consentement à l’impôt reste tres fort , parce que l’épargne liquide est surabondante ( 3000 Milliards soit en gros l’équivalent du stock de  dettes publiques et social. On bénéficie aussi de la promesse faites de ne pas dépasser cette ligne rouge et c’est là où les choses vont être compliquées à gérer pour Bruno Le Maire.

Si on veut délivrer la promesse d’améliorer l’équilibre des finances publiques , il faudrait , toute chose égale par ailleurs

-Ou bien augmenter les impôts

-Ou bien abaisser les depenses publiques de fonctionnement.

Le problème est  classique . Mais aucune des solutions s’avère politiquement faisable .

Sur les impôts , le président de la République s’est  engagé à alléger la pression notamment sur les entreprises pour ne pas brimer leur  dynamisme.

Sur les depenses , le poids de la fonction publique et de toute l’administration  empêche toute élasticité sauf à affronter les lobbies politique et les syndicats . Hors de question !

Mais là où le problème se complique encore davantage c’est que nous avons des besoins de financement exceptionnels et incontournables

-Financement de la transition énergétique  (environ 60 Milliards par ans)

-Financement du plan de relance nucléaire et notamment des EPR. (environ 50 milliards à la charge de l’EDF qui ai déjà asphyxiée).

-Financement de la relance des depenses militaires dont l’enveloppe devrait dépasser les 413 milliards d’euros .

-Financement de la réorganisation des deux administrations en difficultés mais budgétivores et socialement ankylosés : l'éducation nationale et la santé.

Ne parlons pas des demandes de rallonge qui sont faites par tous les ministères techniques qui sont en général jugés par l’opinion sur leur capacité à augmenter leurs moyens d’intervention .

Les additions de juillet donnent le vertige dans l’entourage du ministre de l’économie avec en plus, la certitude que la politique du « quoi qu’il en coûte » a retardé l’assainissement du tissu économique . En clair , beaucoup d’entreprises mal en point et qui auraient dû disparaitre avant le covid ont été maintenues en vie grâce aux respirateurs de l'État. Les perfusions ont été débranchées et on commence à compter les dégâts.

Bruno Le Maire a donc tres clairement confirmé lors des journées économiques d’Aix , que les politiques d’aides et de subventionnement n’avaient plus aucune raison économique de perdurer. Non seulement le quoi qu’il en coûte est terminé , mais il va falloir songer à supprimer des niches fiscales . La cour des comptes a chiffré à 100 milliards d’euros par an , le montants des niches fiscales plus ou moins utiles .

Quand un ministre de l’économie commence en juillet à parler de prudence dans le processus d’allègement fiscal prévu , c’est qu’il n’a plus les moyens d’aller jusqu’au bout de la promesse. Au pire , il pourrait parler à la rentrée de la nécessité d’augmenter certains impôts , d’ailleurs s’il supprime des niches et des aides , cela revient à augmenter les recettes fiscales , donc augmenter les impôts.

La conjugaison de toutes ces contraintes va forcément agiter le bocal politique et fracturer une classe politique tres peu homogène.

Tout le monde sera dans  son rôle parce que tout le monde pense aux prochaines échéances électorales : les europeennes , et les présidentielles.

Certains pensent que c’est en défendant les intérêts à court terme de ses électeurs qu’il vont gagner. 

D’autres en revanche essaient de ne pas trop insulter l’avenir et de préparer le terrain sur le long terme. Ça n’est pas le rôle le plus facile à tenir, mais à terme c’est sans doute le plus payant.

L’attitude du président de la République va être très importante à décrypter. L’inventeur du « quoi qu il en coute. » est  sorti de crises très graves en signant des chèques pour calmer le jeu ( des gilets jaunes au covid ) . Ne pouvant pas se représenter il a les mains libres , il n’a aucune raison de garder cette habitude . Sauf que les habitudes se perdent difficilement surtout les mauvaises.

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