Dans le sillage de l’Allemagne, l’Europe va tenter de généraliser le chômage partiel pour amortir le choc de la crise. <!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Europe
Dans le sillage de l’Allemagne, l’Europe va tenter de généraliser le chômage partiel pour amortir le choc de la crise.
©

Chômage partiel

Au départ, c’est une mesure inventée par les Allemands et qui a sauvé l’économie outre-Rhin en 2009, mais tous les pays européens ne sont pas en mesure de le mettre en place. Question de moyens et surtout, question d’organisation administrative.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

Voir la bio »

Face au coronavirus, l’Allemagne va ressortir l’arme du chômage partiel qui lui avait permis de sauver le système industriel et de permettre aux Allemands de préserver leur pouvoir d’achat. Et ça a marché outre-Rhin. Du coup, tous les pays européens, ceux de l’Europe du nord, de l’Italie et de la France vont essayer de se lancer dans le même dispositif, mais n’est pas « Allemand » qui veut...

Tout le monde reconnaît que la généralisation du chômage partiel mis en place en Allemagne au moment de la crise 2009 a permis de sauver l’économie allemande. Ce dispositif a évité les licenciements de masse et permis de préserver l’appareil de production. Plus de 1, 5 millions de salariés avaient été concernés dans les PME comme dans les grandes entreprises de l’automobile. Ce système a coûté plus de 7 milliards d’euros sur 2009 et 2010 essentiellement payés par le budget, mais l’économie allemande et le consommateur allemand sont sortis indemnes ou presque de la crise

Tous les gouvernements européens regardent à la loupe ce qui s’était passé en Allemagne et préparent des systèmes équivalents aujourd'hui, pour compenser la chute de production liée au coronavirus, sauf que la plupart des pays européens n’ont pas forcément les moyens budgétaires et administratifs pour mettre en place très rapidement de chômage partiel.

Le chômage partiel s’analyse en une réduction du temps de travail des salariés afin d'éviter les licenciements. Ça peut fonctionner en cas de crise économique liée à des facteurs financiers ou à des catastrophes naturelles ? L’épidémie du coronavirus en fait évidemment partie.

Les effets de ces contaminations ont entrainé des fractures dans les chaines d’approvisionnement industriel compte tenu de la fermeture des usines chinoises et surtout provoqué une psychose mondiale qui fige une grande part des activités : le tourisme, les transports aériens, le commerce, le luxe et une grande partie des secteurs industriels.

Dans tous ces secteurs, les entreprises se retrouvent avec des baisses brutales de chiffres d’affaires, de 30 à 70 %, ce qui les asphyxie très rapidement. Parce que face à un chiffre d’affaires qui s’écroule, les agents économiques continuent d’avoir des frais fixes à régler, dont les salaires et les charges.  En France, on a déjà près de 1000 entreprises qui ont demandé des mesures de sauvegarde. Alors, l'État essaie d’accorder des délais pour le paiement des charges, les banques essayent de considérer les dossiers de crédit avec moins de rigueur. Mais le vrai drame va se déclencher quand les entreprises ne pourront plus garder leurs salariés, faute de trésorerie. Après la crise sanitaire et l’arrêt de l’activité économique, on est désormais au bord de la crise sociale.

La pratique habituelle du licenciement économique est désastreuse pour l’avenir, puisque le départ des salariés désorganise le système de production et met le consommateur en risque de déficit de pouvoir d’achat. Le licenciement de masse aggrave le choc d’offre puisqu’il hypothèque la capacité du système de production à redémarrer. Mais parallèlement, le licenciement crée un choc de demande, alors que le salarié amputé de son salaire va freiner sa consommation.

Le chômage partiel évite d’ajouter une crise à la crise. D’un côté, le chômage partiel préserve le système de production en état de marche et sauve la capacité de consommer en garantissant le pouvoir d’achat.

Alors, l’immense avantage du système allemand réside dans sa facilité de mise en place.  En cas de crise économique, les entre­prises allemandes peuvent, avec l'accord des représentants du personnel, demander à bénéficier du système de chômage partiel. La seule condition posée est qu'une menace de baisse de 10% des salaires risque de peser sur les salariés. Ajoutons que l'Arbeitsagentur (c’est à dire le Pôle emploi allemand) offre aux entreprises un guichet unique. La durée maximale du chômage partiel peut être porté à deux ans. Pendant les 6 premiers mois, l’assurance chômage est de 60% du salaire versé par le Pôle emploi. L'employeur, lui, versera des cotisations patronales sur 80% des salaires versés habituellement. Alors les entreprises peuvent aussi avoir recours aux comptes épargne temps (Arbeitszeitkonten) des salariés. Ces comptes comptabilisent les heures supplémentaires des périodes de forte production reconverties en temps libre en cas de période de faible activité.

Globalement, le système est donc très souple, et très rapide à mettre en marche et très simple. L’entreprise peut activer le système pour adapter sa production au recul des ventes. Dès que les ventes redémarrent, l’entreprise peut faire repartir ses machines très vite.

En France, il existe évidemment une batterie de moyens qui peuvent être activées, mais en dépit des progrès et des réformes, ça risque d’être beaucoup plus long et plus compliqué. Près de 1000 entreprises touchées par les effets du COVID-19 ont demandé à bénéficier de mesures de chômage partiel pour environ 15.000 salariés, selon les informations délivrées par la ministre du Travail Muriel Pénicaud. Ce chiffre a doublé au cours de la semaine dernière.

Le coût de ces premières demandes représente 52 millions d’euros, un tiers aurait été accepté (mais pas encore réglées). Les autres sont en cours d’instruction. Les premiers demandeurs appartiennent aux secteurs du tourisme, de l’événementiel, de la restauration, de l’hôtellerie et des transports.

Alors, là où les choses se compliquent, c’est quand il faut entrer dans les formalités administratives.

L’entreprise doit faire sa demande au ministère du Travail et la motiver en apportant la preuve de sa perte de clientèle. Si la demande est acceptée, le contrat de travail des salariés est suspendu et ils vont bénéficier d’une allocation versée par l’Etat puis d’une indemnité complémentaire par l’employeur. Le total correspondant à 70 % de la rémunération. L’employeur, lui, bénéficie d’une allocation forfaitaire cofinancée par l’État et l’Unedic. Mais cette allocation est plafonnée. Le calcul est assez compliqué et les règlements assez longs. Il n’y a pas de guichet unique puisque les services de l'État et l’Unedic se partagent le financement et la gestion.

Pour le chef d’entreprise, c’est assez décourageant. Il peut demander des aides à l’Urssaf (sous formes de délais), au médiateur de crédit pour faciliter l'instruction des dossiers auprès de la banque etc…

Le chef d’entreprise doit avoir un bon carnet d’adresse puisqu‘il sera en rapport avec l‘Unedic, la direction du travail, l’Urssaf, le médiateur du crédit qui dépend du ministère des Finances, la banque, la chambre de commerce et en région, les Directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Directe) qui peuvent informer. Ça peut marcher mais ça ressemble encore à un parcours du combattant.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !