Croissance similaire mais chômage bien plus élevé : ce que la France devrait faire pour rattraper l’Allemagne<!-- --> | Atlantico.fr
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Emmanuel Macron et le chancelier allemand Olaf Scholz lors d'une visite officielle à l'Elysée.
Emmanuel Macron et le chancelier allemand Olaf Scholz lors d'une visite officielle à l'Elysée.
©Ludovic MARIN / AFP

Puissance de l'industrie et de la formation

Un écart important subsiste entre le taux de chômage structurel de la France et celui de l'Allemagne.

Patrick Artus

Patrick Artus

Patrick Artus est économiste.

Il est spécialisé en économie internationale et en politique monétaire.

Il est directeur de la Recherche et des Études de Natixis

Patrick Artus est le co-auteur, avec Isabelle Gravet, de La crise de l'euro: Comprendre les causes - En sortir par de nouvelles institutions (Armand Colin, 2012)

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Atlantico : A quel point est-ce que, alors qu’ils partent de situations proches, on observe un écart important entre le taux de chômage structurel en France et en Allemagne ?

Patrick Artus : Oui, en effet, si l'on examine le début des années 2000, le taux de chômage structurel en Allemagne était légèrement plus élevé qu'en France. Cependant, progressivement, le taux de chômage structurel a fortement baissé en Allemagne à partir de 2003-2004. Il y a bien sûr des oscillations liées à la conjoncture économique, avec une hausse notable pendant la crise des subprimes, par exemple. Mais depuis cette crise, on observe une baisse significative du taux de chômage structurel en Allemagne.

Maintenant, il faut noter qu'il existe différentes mesures du taux de chômage, mais au niveau européen, le taux de chômage en Allemagne se situe entre 4% et 4,5%, tandis qu'en France, il reste toujours supérieur à 7%. Ainsi, on constate une hausse du taux de chômage structurel en France par rapport à celui de l'Allemagne, avec un écart d'environ 3 points sur la période qui débute à la crise des subprimes.

D’où vient cette évolution ?

Cette évolution du taux de chômage structurel est parallèle à celle du taux d'emploi. Au cours de la première décennie des années 2010, le taux d'emploi était à peu près similaire en France et en Allemagne. Mais aujourd'hui, le taux d'emploi en Allemagne est supérieur de 8 points par rapport à la France, ce qui démontre une capacité à créer des emplois qui se reflète partiellement dans le taux de chômage.

Ce qui a changé entre la France et l'Allemagne, c'est principalement la qualité du système éducatif et de la formation professionnelle. En France, le système éducatif s'est dégradé, comme en témoignent de nombreuses enquêtes. En revanche, en Allemagne, le système éducatif s'est redressé à partir du début des années 2000, notamment suite à la « crise PISA ». Les Allemands ont réagi en réalisant de véritables réformes éducatives, en modifiant les méthodes d'enseignement, etc. En comparaison, le système éducatif français présentait de sérieuses lacunes.

Si l'on examine le taux de chômage des jeunes, par exemple, ou le taux d'emploi des jeunes, et la proportion des « NEET » on constate une différence significative entre la France et l'Allemagne. En France, la proportion de jeunes déscolarisés sans emploi est plus de 2 fois supérieure à celle de l'Allemagne. Il y a 16% de jeunes sans diplôme ni emploi en France, alors que ce chiffre est beaucoup plus faible (8%) en Allemagne. Ainsi, la qualité des systèmes d'éducation et de formation joue un rôle central dans les divergences des taux de chômage structurel.

En France par rapport à l'Allemagne, il est clair que l'employabilité des Français s'est affaiblie au fil du temps. Cela peut également être observé face à d'autres pays tels que les Pays-Bas, la Norvège, la Suède, la Finlande, etc.

Face à ce constat, comment pouvons-nous essayer de combler notre retard ?

Il est évident que Macron a pris conscience du problème de l'enseignement professionnel en France. La qualité de l'enseignement professionnel est relativement faible, et il existe un décalage entre ce type d'enseignement et les besoins réels des entreprises en termes d'emplois. Il est crucial de développer et de moderniser ces lycées professionnels pour en faire des établissements d'excellence. En d'autres termes, il est nécessaire de valoriser et de renforcer l'enseignement professionnel par rapport aux filières générales des lycées.

Si l'on prend l'exemple des jeunes Allemands ou Suisses, ils ont le choix entre des études universitaires longues et des études professionnelles plus courtes. Ce choix n'a aucune incidence sur leur niveau de rémunération ou leur carrière future. Ces pays offrent un enseignement professionnel de très haute qualité basé sur l'alternance. Il est donc important de s'inspirer de ces modèles et de promouvoir l'alternance en France. Au cours des dernières années, le développement de l'alternance a largement contribué à la réduction du chômage structurel. Nous sommes passés de 300 000 à 800 000 alternants, qui trouvent ensuite du travail. C'est un succès indéniable. 

Il convient d'étendre cette approche et d'encourager davantage à l’alternance au sein de l'enseignement professionnel pour en faire un modèle de grande qualité, à l'image de l'Allemagne. Il est prouvé, d'après une étude de la DARES, que plus un jeune passe du temps en entreprise pendant ses études, plus il a de chances de trouver un emploi durable à la fin de ses études.

Est-ce que cela veut dire que l'éducation et la formation professionnelle sont les seuls chantiers qui peuvent permettre un impact massif ?

Eh bien, je crois qu'il existe d'autres leviers politiques à prendre en compte mais si vous ne réparez pas le niveau du système éducatif et le fait que le système de formation professionnelle est principalement destiné aux personnes déjà qualifiées, et qu'il ne s'adresse pas du tout aux personnes de plus de 55 ans, alors il y a un problème. Il y a un manque d'accès au système de formation professionnelle pour les salariés âgés de 55 ans ce qui crée un déficit important en termes de chômage structurel et de taux d'emploi par rapport à l'Allemagne. Par conséquent, les deux priorités sont le système éducatif et l'extension de la formation professionnelle à d'autres publics que les salariés déjà qualifiés.

Et quels pourraient être les changements qui pourraient se produire rapidement si nous nous y mettions ?

Eh bien, dès la rentrée prochaine, certains éléments de la réforme de la formation professionnelle seront mis en place. Cependant, la réforme de la formation est complexe, car il est nécessaire d'inciter réellement les entreprises à former leurs salariés plus âgés. Cela passe probablement par une réforme de Pôle Emploi, qui intégrera davantage l'indemnisation et la formation des chômeurs. En France, il faut savoir qu'une personne qui perd son emploi a en moyenne six mois pour accéder à une formation, tandis qu'au Danemark, par exemple, cela se fait dans les trois jours. Par conséquent, notre système est extrêmement peu réactif en ce qui concerne l'orientation vers la formation, et il y a donc de nombreuses améliorations à apporter à ce niveau.

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