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Compétences financières élémentaires : un classement international révèle que les Français font triste figure et voilà pourquoi nous en sommes là
©Yann COATSALIOU / AFP

Mauvais classement

Selon une étude du PIAAC (Institut d'étude qui évalue les compétences des adultes) parue en mars 2018, le niveau moyen des Français en calculs nécessaires pour des transactions financières élémentaires est assez bas, en-dessous des standards établis par l'OCDE.

Michel Vigier

Michel Vigier

Michel Vigier est ingénieur et président-fondateur de l'Association pour la prévention de l'innumérisme. Ses travaux ouvrent de nouvelles voies pour une réelle " refondation " des apprentissages mathématiques à l’école. 

Michel Vigier est le concepteur du "boulier didactique" et le co-auteur de la Méthode des Abaques, ouvrage publié par l’association. Il est également l'auteur d'un A-book paru en 2014 sur Atlantico éditions : La France handicapée du calcul - Vaincre l'innumérisme pour sortir du chômage

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Atlantico : Comment expliquer cette mauvaise connaissance mathématique française ?

Michel Vigier : C’est la question que tout le monde se pose depuis le début des études PISA en 2000. On en a pris conscience pour les collégiens à cette époque. Sont arrivées les études PIAAC en 2013, concernant les adultes. La France se situe dans les derniers rangs de l’OCDE et de l’Europe. Cette étude a attiré l’attention sur une étude interne de l’INSEE de 2012 qui indique que 70 % des adultes ont des difficultés en calcul, en France. A la même époque Michael Handel étudie les compétences requises dans les différents postes de travail aux Etats Unis. La mise en relation des données de ces différentes études nous permet de mettre en parallèle les compétences réelles des adultes et les compétences requises aux postes de travail (lien suivant, étude API 2013, pages 7 à 11).

On constate que, en France, le déficit de compétences de l’adulte par rapport à ce que l’on attend de lui au poste de travail est anormalement plus important qu’aux Pays-Bas, au Japon ou en Allemagne. Une étude de l’Education Nationale  montre qu’un effondrement du niveau en Math s’est produit à partir de 1987 au primaire. Des raisons ont été avancées, comptage en maternelle, abandon de la règle de trois en 1978, etc.. Plus de 40 années se sont écoulées. Les enfants formés sont devenus des adultes … au travail. Les observateurs sont unanimes pour faire porter la responsabilité de ces échecs sur l’école primaire. La situation se dégrade même ces dernières années (la France au dernier rang en Europe). Le gouvernement a pris récemment toute la mesure de cette catastrophe. Cependant les mesures envisagées par le rapport de la commission Villani-Torossian en janvier 2018 permettront-elles de régler les difficultés ? Nous ne le pensons pas, car l’institution semble oublier un problème structurel … l’instabilité des apprentissages chez les écoliers. Nous allons expliquer cette idée en parlant des inégalités culturelles et sociales.

En tout cas, sauf effort très, très important en formation professionnelle, la situation chez les adultes n’évoluera pas avant … 20 ans puisque les changements à l’école primaire sont à venir !

L'autre donnée très importante que montre cette étude est que les inégalités en fonction du niveau d'étude des individus sont très hautes en France, entre 40% et 50% de moins pour les groupes les plus bas par rapport aux groupes les plus hauts. Qu'est-ce qui explique que les inégalités soient si forte en France, au point d'en faire le pays le plus inégalitaire du classement des pays étudiés ?

Effectivement, La France est le pays le plus inégalitaire (voir graphique lecture Pisa 2009) depuis plusieurs années. Ainsi en 2009 La France partageait cette position avec la Belgique et la Hongrie. Aujourd’hui nous côtoyons Singapour qui est un société multiculturelle de 5 millions d’habitants et un pays moderne, seulement depuis quelques décennies. Il n’y a pas de comparaison possible avec la France.  

Comment l’école primaire, en grande partie publique, montrée du doigt, avec cependant des enseignants recrutés par concours, peut-elle générer une école à deux vitesses ? Nous pensons que le maître mot est le concept de stabilité. Une découverte de Johann Fahrenfort en neurosciences est passée inaperçue ; J.C. Ameisen la résume en disant Dans le doute la conscience s'abstient.

Année après année les enfants changent d’enseignants, de méthode, de livres, etc. Au temps des instituteurs, l’Ecole Normale assurait un même moule de formation aux enseignants. A partir des années 90, l’Université a pris le relai, IUFM, puis ESPE. Constatons que les bons résultats ne sont pas au rendez-vous. Et à l’étranger ? Les écoles ont habituellement une direction, qui recrute son équipe d’enseignants et qui insuffle un projet d’école, un projet pédagogique commun à toute l’équipe, assurant ainsi une stabilité des apprentissages.  Nous dirons que cet aspect pédagogique, la stabilité, oubliée par l’institution, est la vraie  réponse aux inégalités : en effet, aujourd’hui, la stabilité est assurée pour les élites, par … la famille. Les populations défavorisées, malgré leur bonne volonté arrivent difficilement à soutenir dans le temps leurs enfants. Que faire à l’école ? Nous dirons, en creux, que les projets de cycle (3 ans), ou d’école (5 ans) regroupant les enseignants sont indispensables pour assurer cette stabilité qui redonnera les mêmes chances aux populations en difficulté.

C’est aujourd’hui notre combat.

Quel impact ont ces deux problèmes aujourd'hui sur le monde du travail en France ?

Comme nous l’avons vu, les compétences des employés ne sont pas à la hauteur des compétences requises au travail, en France ; en outre, ce sont près de 50 % de collégiens et de 70 % d’adultes  qui sont en difficulté en math : nous démontrons, ainsi, dans  La France handicapée du calcul, vaincre le chômage qu’une relation, sinon une corrélation existe bel et bien entre innumérisme et déficit de dynamisme économique.

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