Comment l’armée française peut-elle être aussi affaiblie dans le pays des dépenses publiques record ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Emmanuel Macron et Florence Parly lors d'une visite auprès des soldats français.
Emmanuel Macron et Florence Parly lors d'une visite auprès des soldats français.
©STEPHANE MAHE / POOL / AFP

Investissements

Il semblerait que les électeurs français choisissent systématiquement le candidat qui appelle au moindre effort. En sera-t-il de même en 2022 ?

Christian Saint-Etienne

Christian Saint-Etienne

Christian Saint-Etienne est professeur titulaire de la Chaire d'économie industrielle au Conservatoire National des Arts et Métiers.

Il a également été membre du Conseil d'Analyse économique de 2004 à juin 2012.

Il est également l'auteur de La fin de l'euro (François Bourin Editeur, mars 2011).

 

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Atlantico : Vous avez récemment tweeté « Dans une guerre classique la France peut aligner environ une centaine de Rafales et 200 chars !! Avec le record du monde de la dépense publique ! Comment ce pays a-t-il été gouverné depuis 40 ans ! » Qu’est-ce qui dans la situation vous marque ?

Christian Saint-Etienne : Nous avons une dépense publique de 56 points de PIB, soit 9 points de plus que la moyenne des 18 autres pays de la zone euro. Dans ces 56 points, 33 sont alloués à la protection sociale, soit 7 de plus que la moyenne des autres pays de la zone euro. Un rapport parlementaire est paru le 17 février sur la préparation de l’armée française à une guerre de haute intensité, par les députés Jean-Louis Thiériot et Patricia Mirallès. Si l’on compare la situation actuelle à 1991, c’est-à-dire sur trente ans, on voit que l’armée française a vu ses effectifs divisés par deux et même au-delà : 453 000 hommes et 420 000 réservistes en 1991 contre 203 000 hommes et 41 000 réservistes en 2021. On paie le choix d’une armée de métier sous-dimensionnée (et encore réduite sous Nicolas Sarkozy). Mais l’effondrement de nos capacités militaires traduit aussi nos choix collectifs depuis 30 ans, notamment en faveur de la réduction du temps de travail. Cette décision continue de coûter 20 milliards par an, soit la moitié du budget militaire. Par ailleurs, le nombre de fonctionnaires a énormément gonflé (un million de fonctionnaires en plus en 30 ans, mais pas des militaires). La situation de nos armées traduit les choix effectués depuis 30 ans en faveur du non-travail financé par une augmentation continue des prestations de toutes natures : retraites (sous l’effet de la loi de 1982 avançant l’âge de départ à la retraite), durée du travail (loi Aubry de 1999-2000). Cela a respectivement coûté 40 et 20 milliards. 60 milliards, c’est une fois et demie le budget de la Défense.

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Que faut-il faire face à cette situation ?

Lorsqu’on regarde le rapport Thiériot Mirallès on peut considérer que se donner les capacités militaires suppose de booster le nombre d’hommes sous les drapeaux d’environ 60 000 et de passer la réserve à 100 000 hommes. Il faut aussi augmenter significativement les matériels. Selon les rapports Thiriez, on est passé de 1 349 chars à 222, de 686 avions de combat à 254 et pour les grands bâtiments de surface, de 37 à 19. Tout porte à penser qu’il faut revenir à au moins 500 chars de combat moderne, doubler le nombre d’avions de combat. Pour cela, il faut passer le budget de défense de 40 à 50 milliards d’euros par an. Si l’on avait une vraie campagne électorale, au moins l’un des candidats préconiserait un recul de l’âge de la retraite au moins à 64 ans, augmenterait la durée du temps de travail de 35 à 37 heures payées 37. Cela permettrait de réduire le déficit public et de financer la reconstitution de nos capacités militaires. Valérie Pécresse et Eric Zemmour veulent repousser l’âge de départ à la retraite, mais il n’y a pas de propositions sur le temps de travail. On ne peut commander les matériels et recruter les hommes instantanément, il faut donc une montée en puissance sur trois ans environ, le temps de faire des économies d’environ 25 milliards. Il faudrait aussi accélérer l’effort sur l’apprentissage et la recherche et développement. Le choc de ce qui se passe en Ukraine n’a pas été intégré conceptuellement par les candidats, ce qui montre leur médiocrité.

Vous dénoncez « des électeurs qui choisissent toujours celui qui appelle au moindre effort ». Que voulez-vous dire ?

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Que peut vraiment l’armée française en cas de menace absolue ?

En 1988, entre un choix au premier tour entre Raymond Barre, Jacques Chirac et François Mitterrand, ils ont choisi Mitterrand. En 1995, on élit Chirac qui n’était pas le candidat qui prônait le retour à l’équilibre le plus rapide. En 1997, les Français élisent Lionel Jospin contre Alain Juppé, le Premier ministre qui, avec Martine Aubry, décide des 35h. Ensuite, Nicolas Sarkozy ou François Hollande n’ont pas fait d’efforts réels pour contrôler les dépenses publiques. Le summum, c’est Emmanuel Macron. Il ne fait rien sur la dépense des retraites, il relance le nucléaire, mais à la fin de son mandat, et fait exploser le déficit public. Les deux dernières possibilités d’élire des gens sérieux, Raymond Barre et François Fillon, ne passent pas le premier tour. Le peuple français, quand il est face à des choix collectifs, ne choisit pas les candidats les plus sérieux. Jusqu’à cette année en tout cas. Emmanuel Macron a légèrement augmenté les dépenses militaires depuis deux ans, mais nous ne sommes pas dans le format vers lequel il faut tendre.

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