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Comment Emmanuel Macron est en train de s’imposer comme le meilleur président que l’on ait eu depuis longtemps en matière de politique étrangère (pour l’Europe, c’est moins sûr…)
©Brendan Smialowski / AFP

Enfin

Six mois après son entrée en fonction, Emmanuel Macron a fait preuve de souplesse dans sa politique étrangère et évite les jugements moraux de la présidence Hollande.

Alexandre del Valle

Alexandre del Valle

Alexandre del Valle est un géopolitologue et essayiste franco-italien. Ancien éditorialiste (France SoirIl Liberal, etc.), il intervient dans des institutions patronales et européennes, et est chercheur associé au Cpfa (Center of Foreign and Political Affairs). Il a publié plusieurs essais en France et en Italie sur la faiblesse des démocraties, les guerres balkaniques, l'islamisme, la Turquie, la persécution des chrétiens, la Syrie et le terrorisme. 

Son dernier ouvrage, coécrit avec Jacques Soppelsa, Vers un choc global ? La mondialisation dangereuse, est paru en 2023 aux Editions de l'Artilleur. 

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Atlantico : Six mois après l'entrée en fonction d'Emmanuel Macron, quel constat peut-on faire  politique étrangère ?

Alexandre Del Valle : On peut énumérer plusieurs points pour caractériser la politique étrangère menée par Emmanuel Macron depuis six mois. Le premier point est qu'il mène une diplomatie qui ne repose pas sur le jugement et qui est fondée sur la souplesse. C'est évidemment très important car la diplomatie n'est pas faite uniquement pour parler avec ses amis mais avec n'importe qui. Deuxième caractéristique liée à la première c'est que sa diplomatie est marquée par la realpolitik. Il correspond beaucoup plus à la réalité du monde multipolaire dans lequel nous sommes que ses prédécesseurs. Il est apte à pratiquer une intelligence interculturelle, c’est-à-dire non seulement de dialoguer avec tout le monde mais aussi de comprendre le point de vue de pôles qui n'ont pas les mêmes valeurs ou intérêts que nous. Sous François Hollande, nous avions une diplomatie de la morale emprunte de jugements moraux. Le président actuel n'est pas quelqu'un qui va éviter le dialogue, même avec des gens qui sont mal vu en occident comme Vladimir Poutine. Troisième caractéristique, un certain courage politique qui est indéniable couplé avec une capacité à saisir les événements en plein vol comme avec le voyage et la rencontre improvisée en Arabie Saoudite avec le prince héritier Mohammed Ben Salman.

Trois exemples pour étayer mes propos :

D'abord avec  Donald Trump. Il n'a pas fait comme Angela Merkel ou en ce moment les Anglais en agissant comme une vierge effarouchée et n'a pas manifesté d'hostilité. Il a dialogué avec le président américain mais lui a quand même dit ses quatre vérités. Sur la question du climat, il faut rappeler le beau coup lorsqu'il a déclaré que la France serait ce que l'Amérique ne serait pas.

Deuxième exemple : la Russie. Un homme comme Poutine, largement diabolisé dans tout l'occident a été aimablement critiqué par Emmanuel Macron, le tout dans le cadre d'une rencontre à la gloire de l'amitié franco-russe.

Enfin, dernier exemple, le soutien apporté aux Emirats arabes unis dans le cadre de la lutte contre l'islam radical. C'est quand même mieux que le soutien de François Hollande à l'Arabie Saoudite avant qu'elle ne se réforme ou de ses prédécesseurs avec le Qatar.

N'a-t-il pas bénéficié du contexte également, avec l'arrivée au pouvoir de Donald Trump qui aurait changé la donne dans la perspective de renouveler la politique étrangère française  ?

Tout dépend de comment on le présente. Il est très opposé de Trump. Il ressemble plus à Trudeau. Au départ la présence de Donald Trump n'était clairement pas un avantage pour la France. Il a toutefois su transformer ce qui aurait pu être une animosité en opportunité. Au final il est même maintenant valorisé grâce et par  Donald Trump lorsque celui-ci sollicite le président français.

Il a su transformer un interlocuteur gênant en occasion de rehausser la France. Sa stratégie, aussi bien avec Trump qu'avec Poutine d'ailleurs était de recevoir ces chefs d'Etat pour se mettre au même niveau qu'eux sur la scène internationale. C'est ce que François Hollande n'a pas su faire. Le vide qu'a laissé Donald Trump dans plusieurs régions du monde comme au proche ou au Moyen-Orient ou même sur la question du climat a permis à Macron de dire qu'il ferait ce que l'Amérique ne fera plus car la France restera fidèle à ses valeurs. Un coup de maître sur la scène internationale qui encore une fois met en avant son pragmatisme et sa capacité à s'adapter face à une situation ou un interlocuteur.

Emmanuel Macron a fait hier un discours  reprenant la thématique de l'Europe c'est la paix tout en semblant évacuer les problématiques actuelles rencontrées sur le vieux continent. L'Europe est-elle le talon d'Achille de la politique étrangère d'Emmanuel Macron ?

Je n'ai pas d'avis tranché. C'est possible. Il est évident que l'Europe traverse une crise sans précédent avec le Brexit et le séparatisme catalan. Même sur ce point de vue la solidarité sans faille exprimée par macron à Madrid dès que la crise est survenue a été opportun. C'est ce qu'il fallait faire. On peut reprocher que du côté de la Belgique et Finlande il y a eu des réactions moins nobles qui ont rompu la solidarité européenne.

Qu'il parle de l'Europe, continent de la paix ce n'est pas en contradiction avec ce qui a été dit précédemment.  Aujourd'hui, l'Europe c'est des valeurs. Est-il nécessaire dans un grand discours de toujours faire allusion aux problèmes européens ? Je ne pense pas. Emmanuel Macron fait montre là d'une certaine maîtrise de la communication et éluder les problèmes peut être une manœuvre intelligente pour ne pas donner de grain à moudre, légitimer ou donner un écho aux opposants et aux critiques. Il a suffisamment parlé de la crise en Espagne par exemple pour ne pas avoir  le faire dans son discours d'hier. Si encore il était un souverainiste anti européen et qu'il n'avait pas saisi l'opportunité de parler des problèmes de fond, cela s'entendrait mais c'est bien un européiste convaincu.

Par contre, lorsque le débat s'y prête ou que les discours emmènent à parler des problèmes européens, il n'esquive pas. C'est, pour rappel, le premier chef d'Etat européen à avoir apporté son soutien à Mariano Rajoy.

Aujourd'hui il essaye de remplir le vide laissé par l'Angleterre. Il va essayer de tirer son épingle du jeu. Ce départ pourra être l'occasion d'avoir une plus grande place sur la scène européenne et peut relancer le couple franco-allemand. Avec Angela Merkel, l'entente est bonne, notamment sur la nécessité des réformes au niveau français mais aussi européen. L'Europe n'est donc pas forcément le talon d'Achille de la politique étrangère d'Emmanuel Macron, il est juste  trop tôt pour juger après seulement six mois d'exercice du pouvoir. Un jugement pourra être fait d'ici quelques années ou lorsqu'il aura vraiment une occasion de faire ses preuves sur le sujet. Aujourd'hui il est l'heure pour l'Espagne de faire ses preuves.

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