Christophe Colomb : « J'ai navigué pour gagner ma vie, mais j'ai vite réalisé que je vivais pour naviguer, et explorer le monde. »<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Nouveau monde
Statue de Christophe Colomb
Statue de Christophe Colomb
©MANDEL NGAN / AFP

Ces héros de l'histoire qui ont changé le monde...

Ce navigateur aventurier a ouvert les portes de la mondialisation. Savait-il qu'il allait bouleverser l'équilibre de la planète ? Sans doute pas, il ne savait même pas qu'il allait découvrir l'Amérique. Interview imaginaire, oui, mais aucun historien ne viendra contredire ce qu'il nous raconte.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

Voir la bio »

Christophe Colomb aurait pu être un personnage de roman. Comme Monte Cristo, à qui il ressemblait étrangement, il aurait pu être inventé par Alexandre Dumas. Il était de cette trempe-là. Christophe Colomb s'est rendu célèbre pour avoir découvert le Nouveau Monde, c'est-à-dire l'Amérique, en 1492, alors qu'il cherchait la route des Indes. 

Le doute persiste sur ses véritables origines, bien qu'il soit né en Italie en 1451. Était-il juif ? Pourquoi écrivait-il toujours en espagnol alors qu'il était italien ? Il existe autant d'hypothèses que de pays (Italie, Portugal, Espagne, Corse) voulant s'attribuer la gloire de Christophe Colomb.

Christophe Colomb a organisé et piloté quatre expéditions vers le Nouveau Monde et a été le premier explorateur à faire connaître la culture indigène par la colonisation et par ses récits. Épuisé par ses voyages, il s'éteint en 1506 à Valladolid, en Espagne, dépossédé de ses privilèges acquis et ignorant jusqu'au nom du nouveau continent qu'il avait découvert. Quel journaliste n'aurait pas rêvé de le rencontrer ? Nous l'avons fait, car aux côtés d'Albert Einstein, Alexandre Fleming, Marie Curie ou le Baron Haussmann, il fait partie de cette catégorie de personnages qui sont rentrés dans l'histoire parce qu'il a participé à changer le monde et notre façon de vivre. Il a ouvert les portes de la mondialisation.

Question : Christophe Colomb, tout le monde vous connaît, on sait que vous avez découvert l'Amérique, bien sûr, mais on ne sait pas toujours d'où vous venez. Votre origine a déclenché des vraies querelles d'historiens ! Est-ce que vous pouvez nous éclairer ?

À Lire Aussi

Baron Haussmann : "Paris embellie, Paris agrandie, Paris assainie, quelle leçon pour Mme Hidalgo"

Christophe Colomb : Je suis italien, moi, un vrai de vrai, in Italien de Gênes ! Alors, c'est vrai que j'ai un peu brouillé les pistes. Je m'entendais très bien avec les latins, j'ai navigué grâce aux Espagnols et j'ai été marié à une Portugaise, rencontrée pendant une de mes premières venues en péninsule ibérique. En Italie, mes parents étaient tisserands, j'ai manié moi-même , le métier à tisser pour confectionner des tissus. Mais entendre parler chiffons toute la journée, je m'en suis lassé bien vite. J'étais fier de mes origines génoises, mais je voulais découvrir autre chose. Alors, je me suis mis à voyager. L'Europe d'abord, l'Irlande, les côtes africaines. Ça n'a pas toujours été facile. Mes parents étaient modestes certes, mais ils avaient une condition sociale et  une stabilité obtenues par le travail ; mon père était fier de pouvoir me la transmettre, moi, l'aîné de ses enfants. Il a donc fallu que je me révolte contre ce que je considérais comme un devoir : prendre la suite de mon père. Les noms d'oiseaux ont volé, mais j'ai gagné ma liberté. J'ai navigué pour vivre et j'ai vite réalisé que je vivais pour naviguer. Pour explorer.

Question : Avant d'être téméraire, il faut simplement être instruit. Vous étiez de ceux qui défendaient l'idée que la Terre était ronde. Comment vous instruisiez-vous ? Vous avez fait des études ?

Christophe Colomb : J'avais, par mes parents, reçu une éducation assez élémentaire. J'ai approfondi moi-même, de manière autodidacte, les points qui représentaient de l'intérêt à mes yeux. On peut beaucoup apprendre par soi-même, vous savez. J'ai beaucoup lu, et j'ai navigué. Bref, j'ai vécu. Il m'est arrivé plusieurs fois de faire naufrage. La première fois que j'ai vu des universitaires, c'était pour leur soumettre mon projet de naviguer sur l'océan, et ils m'ont pris pour un demeuré.

Question : Revenons justement à cette idée folle. Comment vous est venue le projet de traverser la « Mer Océane », comme vous disiez à l'époque, l'Atlantique, sans aucune certitude de toucher terre à un moment ou un autre ?

Christophe Colomb : Tous ces grands maîtres que je m'étais donné m'ont inspiré. Ils ont agi sur moi comme des guides, des mentors. Et en mettant bout à bout toutes leurs recherches, j'ai reconstitué le puzzle. Eratosthène, le plus ancien, l'Égyptien. Plus d'un millénaire avant moi, ce formidable génie avait estimé la circonférence de la Terre à 39 375 kilomètres. Avec un chameau, le phare d'Alexandrie et quelques hypothèses, il ne s'est trompé que de 7000 kilomètres ! Claude Ptolémée, ensuite, chez les Romains. C'était un formidable astronome et géographe, c'est lui qui a tout cartographié et beaucoup d'explorateurs après moi se serviront encore de ses recherches. D'après ses tracés, qui n'étaient pas exacts - on les a bien sûr corrigés par la suite - l'Océan Atlantique ne semblait pas si long à traverser. Il avait très bien cartographié l'Europe, l'Afrique et l'Asie, mais ne connaissait pas l'Amérique. Je ne peux pas lui en vouloir. Son apport a tellement été immense. Pour avancer, il faut savoir se tromper. Selon lui, donc, l'autre rive la plus proche était celle de l'Asie. Cette terre avait été découverte par la route orientale, en contournant l'Afrique. Marco Polo avait décrit ce monde nouveau et terriblement différent de nous dans son Livre des Merveilles. Il avait pris le soin d'évoquer le Japon, qu'on appelait Cipangu, mais qui était encore qu'un mythe, jamais découvert par les Européens. Du coup, personne n'avait osé le faire avant moi, mais j'ai voulu rejoindre cette île par la route occidentale, en traversant l'océan. Mais toujours, les oiseaux de mauvais augure disaient que c'était impossible.

Question : Passés ces Calimero, vous avez quand même mis votre projet à exécution. Et comme dans toute entreprise, il vous a fallu lever des fonds, trouver des équipements, en bateaux, en hommes. Le Portugal, où votre épouse avait ses entrées à la cour, a refusé net de vous suivre. Donc un beau jour, vous arrivez devant la reine d'Espagne pour lui demander de financer votre expédition de traversée de l'océan. Elle vous a pris pour un fou, cette Isabelle, non ?

Christophe Colomb : Isabelle de Castille, une femme merveilleuse, quel magnifique souvenir que mes entrevues avec cette femme ! Je n'étais pas séducteur de nature, mais l'idée que ce soit cette femme qui puisse avoir le dernier mot sur mes projets m'a énormément plu. Et elle m'a intimidé, c'est vrai. Elle avait de la poigne, cette Isabelle. Elle avait dirigé l'armée qui avait repris Grenade aux Arabes. Et que dire de l'Inquisition qu'elle a menée, sans pitié. Intelligente et stratège aussi, mais surtout catholique, elle voulait asseoir l'influence de l'Espagne et elle savait que cela passerait par la conquête du Nouveau Monde. Cela a été un défi énorme que de la convaincre de m'aider. Elle m'a longtemps mis devant mes contradictions, mais je pense qu'elle me comprenait, et même qu'elle enviait ma liberté.

Question : Que recherchiez-vous ? La gloire, l'argent, la connaissance ? L'amour peut-être, avec ce partenariat de la reine ? Elle était, sponsor , amante … 

Christophe Colomb : Que dites-vous, j'étais marié, et ma femme, la plus adorable et la plus patiente des épouses, m'aura sans cesse attendu pendant mes voyages. Alors, la gloire, je ne pense pas que ce soit la motivation de quelque entrepreneur que ce soit. C'est quelque chose qui arrive, ou non. Le profit, sans nul doute. C'était ce que toutes les parties prenantes à mon aventure recherchaient. N'oubliez pas que je leur avais mis des étoiles dans les yeux en leur promettant des montagnes d'or à découvrir. De mon côté, j'avais négocié dur avec l'Espagne sur mes récompenses. J'avais obtenu que celui qui découvre une terre soit nommé vice-roi de cette même terre, qu'il pouvait garder un dixième de l'or qu'il y trouvait. J'avais imposé à mes actionnaires et mes sponsors une participation aux fruits de l'entreprise. Au départ, tous ceux qui finançaient les expéditions étaient des amis de la reine. Mais ils pensaient bien faire fortune. Je ne me faisais aucune illusion. À cette époque, les grands de ce monde allaient à l'école du mercantilisme, vous avez dû apprendre cela en histoire de l'économie...

Question : Vous étiez allé à cette école vous-même ?

Christophe Colomb : Non, ces idées étaient à la mode dans les cercles de pouvoir. En clair, le mercantilisme était un courant de pensée qui considère que « le prince, dont la puissance repose sur l'or et sa collecte par l'impôt, doit s'appuyer sur la classe des marchands et favoriser l'essor industriel et commercial de la Nation afin qu'un excédent commercial permette l'entrée des métaux précieux ». Si je résume, il fallait de l'or pour être puissant. J'étais celui qui pouvait rapporter de l'or et des métaux précieux. Les tenants du mercantilisme prônaient le développement économique par l'enrichissement des nations au moyen d'un commerce extérieur organisé en vue de dégager un excédent de balance commerciale. Pour ce faire, l'État se trouve investi de la responsabilité de développer la richesse nationale, en adoptant des politiques pertinentes de protectionnisme mais aussi d'expansionnisme et de colonialisme... Je pense que vous traversez une époque où vous allez devoir réformer la mondialisation dans le sens du mercantilisme. 

Cette parenthèse intellectuelle fermée, j'étais celui qui pouvait enrichir l'État par mes découvertes. Mais avant d'avoir découvert quoi que ce soit, j'avais reçu le titre d'« amiral des mers ». Ça faisait sérieux et crédible à la cour d'Espagne pour recevoir les sponsors. En fait, ma crédibilité venait de mes convictions, je croyais dur comme fer en mes hypothèses, alors j'ai voulu les vérifier. C'était mon seul moteur, avec l'argent, mais l'argent, c'était un peu la loterie. Je savais que je pouvais gagner beaucoup. Je savais aussi que je pouvais tout perdre. Mais comme je ne possédais pas grand-chose au départ, ça ne m'angoissait guère.

Question : La reine vous finançait, elle vous a aussi anobli, cher Don Cristobal.

Christophe Colomb : Oui, elle m'a anobli, mais ça n'est pas ce qu'il lui a coûté le plus cher.

Question : Et la religion dans tout ça ? On dit de vous que vous vous pensiez envoyé de Dieu. Vous vous sentiez investi d'une mission ?

Christophe Colomb : La religion était importante, elle était le reflet de notre civilisation. Je vais vous paraître très cynique, mais la religion a été un moyen, plus qu'un but. Elle m'a permis de convaincre la reine espagnole, très dévote. Elle était charmante, belle, séduisante, mais elle était bigote, et ça j'avais du mal à supporter, mais il le fallait bien. Elle m'a discipliné, moi, mes hommes, lors de ces choses extraordinaires qui nous arrivaient. La vérité, c'est que ce sont les populations que nous avons trouvées qui nous considéraient comme des dieux, des êtres différents. Du moins au début.

Question : Racontez-nous cette expédition. Comment on prépare ces marchandises quand on embarque pour une durée indéterminée sur un bateau ? C'est vrai qu'on embarque une tonne de choucroute, comme on dit ?

Christophe Colomb : Nous sommes partis à trois caravelles, ce qui comprenait en tout 90 hommes. Donc, oui, des vivres, nous en avions embarqué. Blé, fèves, jambon et poisson séchés et bien sûr du vin. Malheureusement, nous avons perdu beaucoup d'hommes, car nous avions omis les carences qui pourraient survenir. C'est avec l'expérience que l'on apprend, et les expéditions après les miennes, à partir notamment de Cartier ou de Cook, ils ont embarqué de la choucroute, car elle est très riche en vitamine C. En tout cas, la traversée fut rude, plus longue que prévue. Nous étions partis des Canaries et avons suivi l'exacte latitude. À cet endroit, avec les alizés dans le dos, nous allions pourtant vite. Cela a duré plus de deux mois et j'avoue avoir quelque peu menti à mes hommes sur la connaissance du parcours. Il fallait bien les galvaniser. Et puis, j'ai coutume de dire « on ne va jamais aussi loin que lorsque l'on ne sait pas où l'on va ». C'est un peu vrai.

Question Alors, après plus de deux mois de navigation, le 12 octobre 1492, où êtes-vous arrivé ? Car c'est le prénom d'un autre explorateur, Amerigo Vespucci, que le continent américain porte ! Vous vous êtes fait voler votre découverte ?

Christophe Colomb : Nous avons accosté le 12 octobre sur l'île de Guanahani, l'équivalent d'une île des Bahamas aujourd'hui. Je vais vous conter l'anecdote, Amerigo Vespucci était un de mes disciples, il m'avait aidé à préparer cette première expédition, en me mettant notamment en contact avec des banquiers. C'était une forme de trader ou alors de banquier d'affaires. Mais ensuite, lors de la troisième traversée dont il a fait partie, qu'il a compris que nous n'étions pas en Asie. Il l'a écrit, moi non je n'ai rien rendu public. Son nom a donc été donné à ce nouveau continent, moi je n'ai eu qu'un pays en mon hommage, la Colombie, alors que je n'y ai jamais mis les pieds ! C'est assez cocasse. Faut se méfier des banquiers, ils ont du flair et de la détermination. On m'a beaucoup reproché cette erreur. Mais rien de ce qui résulte du progrès humain ne s'obtient avec l'assentiment de tous. Et quand vous cherchez, parfois vous vous trompez. Moi, je n'avais pas toutes les hypothèses de mon aventure en tête. 

Que l'océan soit long à traverser ? Oui, bien sûr, c'est même pour ça que je n'ai pas voulu révéler l'étendue de ce que je savais à mon équipage. Que le navire coule ? C'est pour ça que nous sommes partis à trois caravelles, histoire d'assurance. 

Mais alors, jamais je n'avais  imaginé tomber sur un autre continent que sur l'Asie. J'étais persuadé, en accostant sur l'île de San Salvador, de mettre les pieds en Inde. D'où le fait d'ailleurs que l'on ait appelé les indigènes des Indiens. Nous sommes partis sur l'île de Haïti, nommée à l'origine Navidad, parce qu'on avait trouvé un peu d'or, mais pas à la hauteur de nos espérances. Nous y laissâmes néanmoins 40 hommes pour y construire un fort, mais nous ne les retrouverons malheureusement jamais. Nous avons découvert que les populations locales avaient des habitudes anthropophagiques. Il fallait tout recommencer, quelle déception.

Question : La première fois vous étiez partis à 3 navires, pour la 2ème expédition, vous avez vu grand : 17 navires au total prendront le large. C'était une véritable expédition de colonisation. Des chevaux, des vaches, des armes…

Christophe Colomb : Et des lapins ! Hélas ! Ces lapins ont failli causer notre perte , alors qu’ils devaient nous servir de nourriture  Ces lapins  ont adoré ronger et détériorer nos caravelles qui étaient en bois. D’où cette superstition qui perdure encore de ne jamais embarquer de la viande de lapin sous quelque forme que ce soit . ca porte malheur . 

Une fois revenus, après avoir longé les petites Antilles, la Guadeloupe, la Martinique, Saint-Barthélemy, à qui j'ai donné le nom de mon frère nous sommes retournés sur l'île de Hispaniola. Un peu plus au nord que notre première installation qui avait été détruite, nous avons donc construit une nouvelle cité, La Isabela. Je suis parti avec 17 navires sur injonction des banquiers et des assureurs. Ils voulaient des garanties de retour. Il fallait donc partir nombreux pour être sûr d'arriver et de revenir.

Question : Isabela, c'est le nom de votre premier campement... on la retrouve, encore ! C'est une obsession !

Christophe Colomb : Il faut toujours mieux flatter les personnes qui vous permettent de réaliser vos rêves. Isabela fut donc le siège de notre administration coloniale. Nous avons construit des bâtiments en pierre, une église bien sûr et un mur d'enceinte. Malheureusement, au gré des cyclones et des contraintes climatiques, nous avons dû déplacer ce centre stratégique plusieurs fois.

Question : C'est le début officiel de la colonisation. Juin 1496. Vous revenez de votre second périple, mais toujours sans or. La reine d'Espagne fait la tête, elle qui a financé ces expéditions. Il faut tout recommencer ?

Christophe Colomb : La reine était mécontente. On ne trouvait toujours pas d'or, mais j'étais sûr de ma découverte. C'était une véritable impasse. On ne trouvait pas le chemin maritime des Indes. Alors, on a fait autre chose. On s'est rendu à Cuba, par la Jamaïque. Et c'est la reine qui m'a donné la solution, on communiquait les informations, grâce à des émissaires, la poste ne fonctionnait pas trop mal pour l'époque, et dans les textes espagnols ou portugais, on parlait de la perle « Argentina. ». Nous avions compris que nous étions sur une grande terre, un continent, pour les chercheurs, c'était comme l'Inde, un nouveau continent que nous avions découvert, et qui avait été mis à disposition par Dieu pour les européens. Nous étions donc bien sur la route des Indes, tout comme les portugais, qui étaient remontés par le sud jusqu'à Calicut. C'est là-bas que je les ai retrouvés, et je leur ai demandé, j'ai discuté. J'ai tout de suite vu que ça ne fonctionnerait pas, pour eux comme pour nous. En fait, ils se disputaient le chemin maritime pour arriver en Inde, tout comme nous. Ils voulaient aller à Calicut, et nous voulions atteindre une autre ville des Indes, le compte y était, ça ne pouvait donc pas fonctionner, alors on est parti sur notre idée, qui était de contourner l'Afrique, par le sud. C'est là-bas, en Afrique, que nous nous sommes échangé nos informations. À cette époque, il était plus facile de se rencontrer et de discuter avec les autres. L'homme était aventurier, il y avait du jeu et c'était plutôt convivial. Le saviez-vous ?

Question : En 1498, vous quittez définitivement l'Europe. Est-ce que vous aviez le sentiment de partir sans jamais revenir ? C'était un peu le cas…

Christophe Colomb : C'est vrai. J'avais réussi ma mission en découvrant le Nouveau Monde. Je n'ai jamais trouvé de voie maritime pour aller aux Indes, je n'ai jamais découvert d'or. Mais j'ai réussi à revenir avec un nouveau continent. J'ai découvert une autre route pour aller en Inde, pour les Européens c'était un miracle, une bénédiction. La première traversée fut un coup de poker, je n'ai pas gagné le gros lot, mais j'ai rapporté un lot de consolation, et ça c'est miraculeux. J'ai rencontré des peuples, de nouveaux horizons, et j'ai encore l'impression que ma découverte est récente, que je n'ai pas encore tout vu. Et quand vous revenez d'une expédition aussi grande que celle-là, et que vous dites que le monde est rond, que vous dites que vous avez rencontré des gens qui se laissent pousser la barbe, et qui ne se coupent pas les cheveux, on vous prend pour un fou, c'est logique. Je me suis retrouvé à la cour de France, d'Espagne, et je suis devenu un personnage public, les églises ont été remplies, on me suivait comme un prophète. C'était étonnant.

Question : C'était bien une idée d'ouvrir une autre route commerciale, mais c'était aussi une idée de montrer aux gens de l'époque qu'il fallait qu'ils s'ouvrent eux-mêmes, et qu'ils sortent de leurs préjugés et qu'ils élargissent leurs idées…

Christophe Colomb : C'est ça. Moi, je me disais que c'était plus de leur ressort. Il y avait des savants, mais pas tous savaient lire. Les livres étaient écrits en latin, et pas tout le monde parlait latin. Moi-même, je suis parti à l'école, mais pas longtemps. On s'éduque aussi beaucoup par l'expérience. J'ai été artisan, et ça m'a permis de découvrir le monde. Je me suis demandé pourquoi on allait à l'église, et qu'est-ce qu'on y faisait, tout ça. Je voulais des réponses. J'avais l'esprit libre. J'étais à la recherche de la connaissance, c'est ça qui m'a conduit à la découverte, au monde nouveau.

Question : Vous avez été même un moment prisonnier des vôtres, de vos propres hommes…

Christophe Colomb : C'est vrai. On a pris la décision de repartir pour l'Espagne, on n'a plus trouvé d'or, c'était une idée terrible à l'époque. On ne savait pas encore le potentiel de cette terre. En Europe, c'était une civilisation très évoluée, alors on pensait que les Amérindiens étaient des barbares, des sauvages, qu'ils n'étaient pas évolués. En partant, on s’est fixé une date, car on savait que si nous ne trouvions rien au cours de cette expédition, ça serait la dernière. Le 10 juin 1503, j'étais à la cour de France et de la Castille, j'ai fait tous les chemins, j'ai parlé à tous les rois. J'ai eu un sort terrible. On ne m'a rien dit, je suis resté prisonnier pendant quelques jours, on a essayé de me dissuader de partir, de repartir en expédition. On m'a accusé de trahison, j'ai été accusé de vouloir assassiner un roi, un comte, un prince. C'était une situation inimaginable, ça me faisait penser aux intrigues d'une cour. C'est comme si on m'avait préparé un piège. Et à chaque fois, je me suis débrouillé pour m'échapper, et à chaque fois, j'ai réussi. C'était comme une réaction instinctive. Et je suis parti en courant, avec mes enfants, mes parents, mes frères, mes sœurs, mes amis. J'ai laissé tout ce que j'avais. Mes bijoux, mes affaires, j'ai tout laissé derrière moi. Je me suis retrouvé sur un navire avec deux ou trois hommes, et on est partis. On a été poursuivis, on a failli être rattrapés. Mais on a réussi à partir, on a réussi à s'enfuir.

Question : Vous avez été arrêté, mais vous avez toujours été relâché. Vous avez fait plusieurs séjours en prison, en sortant, vous êtes toujours redevenu amiral...

Christophe Colomb : Je pense que c'est parce que j'avais réussi à convaincre les rois de m'envoyer en expédition, et que j'avais réussi à revenir, que je suis resté en vie. C'est comme si j'avais été béni par le destin, c'était comme si j'avais été béni par Dieu. C'est comme si j'avais été choisi par Dieu pour faire ces expéditions, pour découvrir ces terres nouvelles. C'est comme si j'avais été choisi pour montrer aux hommes de l'époque que le monde n'était pas plat, que le monde était rond. C'est comme si j'avais été choisi pour montrer aux hommes de l'époque qu'ils devaient sortir de leurs préjugés, qu'ils devaient élargir leurs idées, qu'ils devaient s'ouvrir aux autres, qu'ils devaient s'ouvrir aux autres civilisations, qu'ils devaient s'ouvrir aux autres cultures, qu'ils devaient s'ouvrir aux autres religions. C'est comme si j'avais été choisi pour montrer aux hommes de l'époque qu'ils devaient être humains, qu'ils devaient être bons, qu'ils devaient être justes, qu'ils devaient être généreux, qu'ils devaient être respectueux, qu'ils devaient être tolérants, qu'ils devaient être pacifiques, qu'ils devaient être solidaires, qu'ils devaient être égaux, qu'ils devaient être libres, qu'ils devaient être responsables, qu'ils devaient être heureux.

Question : Vous parlez de tolérance, de respect, de solidarité, d'égalité, de liberté, de responsabilité, de bonheur. Est-ce que ces valeurs sont encore valables aujourd'hui ?

Christophe Colomb : Je crois que ces valeurs sont éternelles. Elles sont valables pour tous les hommes, pour toutes les femmes, pour tous les enfants, pour toutes les familles, pour tous les groupes, pour toutes les sociétés, pour toutes les communautés, pour tous les peuples, pour toutes les nations, pour tous les continents, pour toute l'humanité. Ces valeurs sont universelles. Elles sont intemporelles. Elles sont immuables. Elles sont universelles. 

Question : Ce que vous dites là, c’est votre discours. Depuis vous savez très bien qu’on a considéré que vous donniez le départ a une vague de colonisation  C’est le début officiel de la colonisation. Juin 1496. La reine d’Espagne fait la tête, elle qui a financé votre voyage, elle se serait bien remboursée pour payer les guerres contre la France. Mais nouvel investissement pour elle, elle finance un troisième voyage, sauf que celui-ci vous vaut d’aller en prison ! La reine fut choquée de vos pratiques sur les tribus autochtones. En fait, c’était des esclaves pour vous.

Christophe Colomb : Nous faisions travailler les indigènes, comme les colons, comme les nobles qui avaient fait partie de notre expédition.  Et puis non, ce n’était pas de l’esclavage. Encomienda, vous connaissez ? Ça veut dire que les indigènes étaient confiés à des seigneurs, les conquistadors espagnols, et travaillaient en échange de protection, concrète mais aussi chrétienne car nous leur apprenions la religion. 

Heureusement, après l’arrivée de cet émissaire de la reine qui me ramène en Espagne, je serai vite libéré et elle m’offrira même un quatrième voyage !

Question : Vous devez halluciner aujourd’hui de savoir que l’on ne met plus deux mois pour traverser l’Atlantique., mais quelques heures.  Vous auriez aimé vivre dans ce monde à portée de main ou d’avion, où la mondialisation, dont vous avez surement rêvé, est si présente ?

Christophe Colomb : Une de nos grandes missions était le commerce, et pour certaines nations plus particulièrement, le mercantilisme, qui traduisait la richesse d’une nation par sa quantité d’or et de métaux. Vous n’avez rien inventé avec la mondialisation, ou même, oserai-je, vous la déconstruisez. Le mercantilisme a pour premier objectif d’organiser le commerce extérieur afin de dégager des excédents commerciaux.

Question : Vous saviez qu’un grand dirigeant du XXème siècle a eu un mot amusant à votre endroit, disant de vous que vous avez été le « le premier socialiste : il ne savait pas où il allait, il ignorait où il se trouvait... et il faisait tout ça aux frais des contribuables ». Cela vous fait sourire ?

Christophe Colomb : Moi le premier socialiste alors que j’adorais le pouvoir absolu. D’ailleurs sur un bateau, le pouvoir est absolument dans les mains du commandant. Moi socialiste. Ce monsieur avait beaucoup d’humour. C’est qui ? 

 Il s’agit de Winston Churchill. Lui comme vous a contribué à changer le monde , chacun a sa manière..

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !