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Plusieurs indicateurs économiques font craindre une récession dans la zone euro, notamment pour la France.
Plusieurs indicateurs économiques font craindre une récession dans la zone euro, notamment pour la France.
©JOEL SAGET / AFP

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Alors que les signes avant-coureurs d'une récession se multiplient et que la BCE s'apprête à augmenter ses taux, la demande de prêts de la part des entreprises de la zone euro a atteint son niveau le plus bas depuis 20 ans.

François-Xavier Oliveau

François-Xavier Oliveau

François-Xavier Oliveau accompagne les entreprises dans leur transition écologique, à la fois en capital et sur le plan opérationnel. Il vient de publier La crise de l'abondance aux Editions de l'Observatoire. Il y interroge l'invraisemblable paradoxe d'une société plus riche que jamais mais traversée de crises majeures. Après avoir décrit le mécanisme d'innovation et de baisse permanente des prix qui nous donne accès à l'abondance, il propose des solutions concrètes pour maîtriser cette abondance. Son premier essai, Microcapitalisme (PUF, 2017, collection Génération Libre) a obtenu le prix du jury du comité Turgot. Il a enfin publié en avril 2019 une étude avec l'Institut Sapiens sur les impacts entre technologie, prix et monnaie, Pour la Création d'un dividende monétaire.

François-Xavier Oliveau accompagne les entreprises dans leur transition écologique, à la fois en capital et sur le plan opérationnel. Il vient de publier La crise de l'abondance aux Editions de l'Observatoire. Il y interroge l'invraisemblable paradoxe d'une société plus riche que jamais mais traversée de crises majeures. Après avoir décrit le mécanisme d'innovation et de baisse permanente des prix qui nous donne accès à l'abondance, il propose des solutions concrètes pour maîtriser cette abondance. Son premier essai, Microcapitalisme (PUF, 2017, collection Génération Libre) a obtenu le prix du jury du comité Turgot. Il a enfin publié en avril 2019 une étude avec l'Institut Sapiens sur les impacts entre technologie, prix et monnaie, Pour la Création d'un dividende monétaire.

Les opinions exprimées dans ses articles n'engagent que lui.

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Atlantico : La demande de prêts de la part des entreprises de la zone euro a atteint son niveau le plus bas depuis 20 ans. Comment expliquer cet effondrement et cette situation ? Les indices de production industrielle sont également très mauvais… 

François-Xavier Oliveau : En effet, d’après la BCE, la demande de crédits d’entreprise est au plus bas depuis le début de la mesure de cet indicateur en 2003. Cette baisse est plus importante que ce que les banques anticipaient. La demande de crédits baisse à la fois pour les entreprises et les ménages, que ce soit pour les achats immobiliers ou la consommation. Surtout, les entreprises empruntent de moins en moins pour investir, notamment les PME.

Cette baisse est une conséquence logique de la hausse des taux d’intérêts. Le taux central de la BCE est passé de 0 à 4% en un an, une hausse considérable et inédite à la fois par son ampleur et par sa vitesse. L’objectif était de réduire la masse de crédit disponible sur le marché. De ce point de vue, cela fonctionne puisque la quantité de monnaie disponible (M3) diminue légèrement depuis octobre 2022. Cette baisse va très vraisemblablement s’accentuer, les banques s’attendent à une nouvelle baisse de la demande de crédit au troisième trimestre.

Mais cette tendance laisse aussi anticiper une forte baisse de l’investissement, probablement de la consommation et, plus généralement, de l’activité économique, ce qui est corroboré par de plus en plus d’indicateurs avancés. Ce qui devrait d’ailleurs inciter les banques à encore plus de prudence dans l’octroi de leurs crédits, au risque d’amplifier le phénomène.

Dans ce contexte, quels sont les différents indicateurs concrets qui sont alarmants et qui font craindre une récession, notamment pour la France ?

Cet indicateur vient compléter une liste convergente et préoccupante. L’indice PMI traçant les anticipations des chefs d’entreprises en Europe, à 48,8, traduit un risque de contraction de l’économie. La consommation est molle, plombée par la baisse du pouvoir d’achat des consommateurs. En France, le nombre de défaillances d’entreprises a fortement augmenté, ce qui traduit aussi la fin d’un maintien artificiel de l’activité par l’Etat pendant la crise Covid. Au niveau mondial, la reprise patine en Chine.

Plusieurs effets se combinent : la baisse du pouvoir d’achat des ménages liée à la forte hausse des prix depuis deux ans ; la cessation du soutien aux entreprises déployé pendant la crise de la Covid ; enfin la baisse des investissements dans un contexte de taux nettement plus élevés. La combinaison des trois effets est explosive.

Qu’est-ce que nous risquons à feindre de ne pas voir cette récession qui vient ?  

C’est encore un peu tôt pour parler de récession, le FMI a d’ailleurs publié hier une vue raisonnablement optimiste des perspectives économiques. Toutefois, la multiplication des indicateurs récents doit inciter à la prudence. Les entreprises ont intérêt à étudier des scenarios de ventes incluant des pressions sur les volumes et vraisemblablement sur les prix. Mieux vaut anticiper un gros coup de frein et réfléchir dès maintenant aux mesures à prendre, quitte à avoir, peut-être, de bonnes surprises. La trésorerie doit être également surveillée de près alors qu’elle a déjà beaucoup baissé depuis un an et demi.

Alors que la BCE s’apprête à augmenter encore ses taux pour ralentir une activité économique, ne faut-il pas mener une autre politique monétaire et financière au regard des indicateurs et de la situation évoquée ?

Les marchés s’attendent en effet à une hausse des taux de 25 points de base lors de la réunion de la BCE ce jeudi. Dans ce contexte, cela pourrait être la dernière. Les effets de la politique monétaire mettent plusieurs trimestres voire semestres avant de se répercuter dans l’économie et il est donc vraisemblable que les effets de la politique restrictive de la BCE soient encore largement devant nous.

Plus globalement, l’outil des taux reste assez mal adapté au contexte inflationniste qui s’est installé après la crise Covid. Les hausses des prix étaient très largement liées à des tensions sur les chaînes logistiques, perturbant l’offre dans un contexte où la demande était encore forte, et soutenue artificiellement par les Etats. Ce mouvement est en train de s’achever. Les prix des matières premières, des commodités, du transport maritime ont considérablement baissé, et ceux des produits alimentaires vont vraisemblablement suivre. Je m’attends à un contrecoup à la baisse des prix nettement plus élevé que ce qui est actuellement anticipé par les marchés.

La contraction monétaire, dans ce cadre-là, risque de fragiliser une activité déjà largement sous pression. Nous verrons combien de temps la politique de la BCE mettra avant de s’inverser. Les mois à venir devraient être l’occasion de s’interroger sur la pertinence des outils actuels de politique monétaire pour lutter contre une inflation qui n’est pas d’origine monétaire, et en quoi ces outils pourraient être complétés.

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