Cette extrême-gauche qui essaie de renverser une civilisation qu'elle ne comprend pas <!-- --> | Atlantico.fr
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Jean-Luc Melenchon s'entretient avec des journalistes avant une marche de soutien à l'ancien maire de Saint-Brevin Yannick Morez, qui a démissionné, le 24 mai 2023.
Jean-Luc Melenchon s'entretient avec des journalistes avant une marche de soutien à l'ancien maire de Saint-Brevin Yannick Morez, qui a démissionné, le 24 mai 2023.
©SEBASTIEN SALOM-GOMIS / AFP

Pyromanes opportunistes

La France a connu plusieurs nuits d'émeutes après la mort de Nahel, un adolescent tué à Nanterre après un refus d'obtempérer. De nombreuses personnalités de gauche, notamment au sein de LFI, n'ont pas clairement condamné les violences de ces derniers jours. Comment expliquer la stratégie de cette gauche "insurrectionnelle" ?

Céline Pina

Céline Pina

Née en 1970, diplômée de sciences politiques, Céline Pina a été adjointe au maire de Jouy-le-Moutier dans le Val d'Oise jusqu'en 2012 et conseillère régionale Ile-de France jusqu'en décembre 2015, suppléante du député de la Xème circonscription du Val d'Oise.

Elle s'intéresse particulièrement aux questions touchant à la laïcité, à l'égalité, au droit des femmes, à la santé et aux finances sociales et a des affinités particulières pour le travail d'Hannah Arendt.

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Atlantico : Depuis la mort de Nahel, un adolescent de Nanterre abattu par un policier à l’issue d’un contrôle routier, la France est en proie à d’importantes émeutes. Récemment, c’est le maire LR de L’Haÿ-les-Roses, dans le Val-de-Marne qui a fait l’objet d’une tentative d’assassinat alors que d’autres élus accompagnent ou encourage de tels rassemblements. « Il n'est pas question qu'on appelle au calme » ; « La fin justifie les moyens » … De nombreuses personnalités de gauche encouragent les violences vécues ces derniers jours. Comment décrire et expliquer la stratégie de cette gauche “insurrectionnelle” ?

Céline Pina : Cette gauche insurrectionnelle cherche à constituer sa réserve de chair à canon pour partir à l’assaut du pouvoir. Elle cherche moins en électorat qu’une masse critique de factieux qu’elle pourrait mettre au service de son rêve de renversement de notre République. Elle espère profiter d’une situation d’émeute qu’elle n’a pas créé mais qu’elle veut exploiter et pour cela elle jette consciencieusement de l’huile sur le feu. Elle fantasme sur la révolution française et sur la Terreur. Qu’elle voit comme la marque de la détermination du révolutionnaire qui ose faire le sale boulot et qui libère les hommes en assumant de faire couler le sang. Elle n’a jamais regardé en face les crimes de masse commis au nom de lendemains censés chanter, persuadée que parce qu’elle visait le bien, l’égalité des hommes et l’égalisation des conditions, elle pouvait s’exonérer de la violence et des massacres qui furent commis au nom de l’intérêt révolutionnaire et du prolétariat. Elle n’a jamais regardé en face les crimes du communisme, faisant comme si ceux-ci n’étaient pas lié au totalitarisme de la doctrine mais à son dévoiement.

Tout à son rêve révolutionnaire, elle n’a aucune limite humaine : jeter les policiers et leurs familles en pâture à des émeutiers sans limite ni cervelle ne la dérange pas, expliquer que la France est quasiment une dictature raciste ne lui pose aucun problème. Cette gauche-là n’a pas de liens avec le réel et pense vraiment que si elle arrive à changer le monde, peu importe le prix du sang. Le sacrifice des uns sera l’engrais du paradis des autres. Sauf que cette utopie ne fonctionne pas et que la Révolution détruit les plus faibles avant de dévorer ses propres enfants. La plupart de ceux qui ont initié la Révolution de 1789 ont fini sur l’échafaud.

Isabelle d'Artagnan, directrice du Think Tank de la France insoumise, a souligné que “ la République a été fondée par des émeutiers détruisant des bâtiments publics”. La fantasme de la révolution française ou de la justification de l’insurrection par un droit à l’émeute est un thème cher à cette frange de la gauche. Que faire et que répondre quand l’appel à l’insurrection devient aussi peu voilé ?

Comme la plupart des membres de la France insoumise, ses dirigeants n’ont aucun lien avec la vérité et même l’exactitude leur fait défaut. La révolution s’est achevée par l’Empire et a consacré l’essor de la bourgeoisie, c’est cela la promesse de la France Insoumise ? Ces gens sont des idéologues pour qui les apparences flatteuses valent bien la vérité. Ce que dit Mme d’Artagnan est caricatural. D’abord nombre d’historiens pensent que ce qui a libéré l’homme et a amené l’avènement de sociétés démocratiques et apaisées est bien plus lié au développement de la société industrielle, aux nouveaux rapports sociaux qu’elle permettait et à la prospérité qu’elle a induit qu’aux effets de la violence révolutionnaire. Ensuite les émeutiers sont la masse gueularde que l’on envoie voler et détruire, mais ils ne sont ni les penseurs ni les futurs profiteurs des révolutions, ils ne fondent rien, ils se bornent à détruire ce qui est. D’ailleurs Mélenchon et ses sbires se gardent bien d’expliciter quelle est la société qu’ils veulent bâtir. Celle de leurs alliés islamistes pour qui une femme est une éternelle mineure, qui baigne dans l’antisémitisme et adore jeter les homos du haut des immeubles ? ils ne sont que critiques vis-à-vis de ceux que nous sommes mais se gardent bien de dire ce qu’ils sont et ce qu’ils veulent.

Comment faire face à cette partie de la gauche qui n’est plus républicaine ? Peut-on penser qu’il est désormais temps de mettre ces élus face à leurs responsabilités, y compris juridiques ? Quand d’aucuns refusent de condamner, ne sont-ils pas eux-mêmes condamnables ?

En politique, le rapport de force est essentiel. Pour faire face efficacement à cette gauche non républicaine, il faudrait d’abord que le choix qu’elle fait de la violence politique se retourne contre elle, qu’elle perde en influence et en soutien. En effet, dans sa stratégie de prise de pouvoir, la démocratie est une option parmi d’autres. Si une minorité violente et déterminée fait basculer le pays dans le chaos, cela ne la dérange pas. Elle vient de le prouver. Évidemment elle ne peut pas assumer son goût pour la violence qu’elle rhabille en quête de justice mais dans la mesure où la justice joue son rôle et a inculpé le policier, on ne voit pas bien à quoi sert ce soutien aux émeutiers. Même les plus éloignés de l’actualité politique parmi nos habitants ont compris que la mort de Nahel n’était qu’un prétexte à laisser exploser un ressentiment et une haine contre la France, que les discours islamistes et gauchistes ont théorisé et cultivé.

La rage qui s’exprime ne parle pas d’aspiration à de meilleurs lendemains mais laisse augurer l’émergence d’une société dangereuse où la déshumanisation des Français notamment blancs, des Juifs, de tous ceux qui représentent l’autorité, bref de toute une partie du corps social, risque de faire encore monter d’un cran le niveau de violence quotidienne. Le tout alors que les représentants élus et les politiques sont tétanisés, nient l’ampleur du problème et essaie plus de gagner du temps que d’affronter en face la présence sur notre sol d’une contre-société impossible à intégrer et dangereuse.

Bien sûr qu’il faudrait que ces élus insoumis payent juridiquement pour leurs propos, bien sûr qu’ils donnent leurs lettre de noblesse et des gages de légitimité à ces émeutes. Symboliquement qu’ils répondent de leurs actes serait nécessaire. Mais personne n’a intérêt à cela. Pour Emmanuel Macron et le centre droit qu’il incarne, jouer de la menace de l’extrême-droite et de l’extrême gauche est un viatique pour garder le pouvoir le plus longtemps possible. Pour l’extrême-droite, la violence de l’extrême-gauche est utile à sa notabilisation et rejette de plus en plus de Français de son côté de l’échiquier. Quant à l’extrême-gauche, elle croit que la violence peut la mener au pouvoir. Comme elle ne cherche plus un électorat auprès des gens raisonnables, elle peut se permettre des procès, elle en profitera pour se victimiser auprès de ses alliés musulmans et islamistes dans les quartiers qui eux aussi cultivent la même victimisation. 

La meilleure des sanctions serait une sanction politique, un effondrement électoral et opprobre moral durable. Mais il faut que celui-ci soit spectaculaire car ce que nous a montré le choix de la France insoumise du soutien aux émeutiers c’est qu’elle pense qu’être la voix d’une minorité violente et désocialisé, à défaut de lui donner du crédit électoral, peut l’amener plus rapidement au pouvoir par la déstabilisation politique. Elle fait le pari du désordre et de l’effondrement. Ce qui a toujours été le cas. Rappelez-vous que la gauche a toujours été marquée par l’existence de cette partie factieuse. Au nom de la révolution, l’extrême gauche en son temps refusait que soit améliorée la condition des ouvriers car la misère et l’oppression devait favoriser la révolte. C’est pourquoi elle traitait les socialistes de traitres, car en essayant d’améliorer la condition de travail et de vie de la classe ouvrière ils faisaient reculer l’avènement de la Révolution.

S’il pourrait s’avérer complexe de punir juridiquement de tels élus ou d’engager des poursuites pour appel à l’insurrection, faut-il envisager une sanction plus politique ? En dissolvant l’Assemblée nationale, peut-on éventuellement les renvoyer devant les Français et remettre entre les mains de ces derniers leur avenir politique ?

Dissoudre l’Assemblée alors que le gouvernement vient de se ridiculiser, qu’il peine à rétablir l’ordre et que la seule gagnante de cet épisode est Marine Le Pen. Le pari est risqué. L’idée n’est pas mauvaise car normalement le retour devant les électeurs est le moyen de résoudre une crise politique. Mais encore faut-il que le pouvoir en place ait les moyen ou pense avoir les moyens de sortir son épingle du jeu. Là les risques sont importants et contrairement à Mai 68, le président et son parti ne sont pas le seul recours.

Est-il encore possible de faire société quand une partie des élus de la République encourage plus ou moins directement à l’insurrection et à la sédition ? Qu’est-ce que cela dit de l’état de notre démocratie ? Comment protéger nos institutions ?

Le fait que notre démocratie soit en crise devient un truisme. Après il est possible de faire société quand la part des élus qui encourage à l’insurrection et à la sédition est marginale. La question est : est-ce-que la contre-société qui est en train de s’installer en France et dont une grande partie de la France insoumise se sont fait les alliés a t’elle atteint une masse critique qui peut amener non seulement au renversement du régime mais à un recul civilisationnel à travers le refus de l’égalité, la fin des libertés publiques… 

Nos institutions sont la traduction en solidarités et services concrets de nos droits et devoirs. Aujourd’hui elles tremblent sur leur base. Certes parce qu’elles sont attaquées, mais surtout parce qu’elles ne sont pas défendues. Le président actuel ne comprend rien aux questions de souveraineté, de culture, de civilisation. Il ne comprend pas ce que nous sommes et ne comprend pas ce qu’il faut transmettre. La légitimité du pouvoir ne dépend pas de tableurs excel mais est symbolique. Chez nous cela repose sur la croyance en la raison et l’usage que les hommes peuvent en faire pour créer un monde commun, cette société politique qui nous unit. Cette belle idée est train de se défaire et la tribalisation du monde remplace l’ambition de rassembler des hommes libres et de les lier par un projet commun, par la volonté de soumettre des sujets loyaux et de les attacher en rétribuant leur loyauté personnelle. 

C’est parce que chacun sent confusément que cette question est devant nous que les émeutes que nous vivons sont effrayantes. Elle montre un monde sans foi ni loi où la prédation commence parfois à l’entrée en sixième (un tiers des émeutiers ayant entre 12 et 18 ans d’après Emmanuel Macron). Un monde dans lequel personne n’a envie de vivre, mais  vers lequel la France Insoumise est prête à nous entrainer sans que notre président paraisse déterminé à faire ce qu’il faut pour les en empêcher

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