Ces ingérences étrangères qui expliquent (aussi) les émeutes <!-- --> | Atlantico.fr
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Des manifestants lors de la marche blanche organisée en hommage à Nahel à Nanterre, le 29 juin 2023.
Des manifestants lors de la marche blanche organisée en hommage à Nahel à Nanterre, le 29 juin 2023.
©BERTRAND GUAY / AFP

Algérie, Turquie, Iran...

Les gouvernements de plusieurs pays se sont alarmés de la mort de Nahel et des émeutes ayant suivi. Mais les réseaux d'influence informels de ces états ont aussi alimenté la contestation.

Thibault de Montbrial

Thibault de Montbrial est Avocat au Barreau de Paris, Président du Centre de Réflexion sur la Sécurité Intérieure.

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Atlantico : L'Iran, la Turquie et l'Algérie ont réagi dans le contexte des émeutes. Dans quelle mesure cela va-t-il au-delà d'une simple constatation ? Peut-on réellement parler d'ingérence et dans quelle mesure ces pays cherchent-ils à influencer ce qui se passe actuellement ?

Thibault de Montbrial : L'ingérence est une réalité dans les relations internationales complexes. Lorsqu'un pays est en difficulté, ceux qui entretiennent des relations conflictuelles avec lui ont tendance à exploiter ces difficultés à travers leurs relais dans le pays. C'est particulièrement vrai dans le contexte actuel et il ne fait guère de doute qu'il y a eu plusieurs cas d'ingérences suite aux émeutes. Tout d'abord, il y a eu une déclaration officielle du ministère des Affaires étrangères algérien, ce qui constitue en soi une ingérence (et qui établit par ailleurs un lien de fait entre les émeutes et l’immigration). De plus, compte tenu de l'importante population algérienne et binationale en France, grâce aux accords favorables de 1968, il existe une tendance régulière à exercer une influence et une ingérence sur ce type de faits.

Par quels relais se matérialisent ces ingérences ? 

Il existe des relais puissants de l'ingérence, qu'il s'agisse d'associations culturelles, cultuelles ou d'autres entités. Ces relais ont des liens notoires et étroits avec les services algériens. Ainsi, pour l'ensemble de ces raisons, l'ingérence algérienne est indéniable, et un article paru sur Maghreb Intelligence le souligne par ailleurs très bien. Elle a notamment eu lieu en ligne, avec des trolls et des influenceurs mobilisés en masse. Cet article pose également l'hypothèse que l'Algérie serait d'autant plus engagée dans la déstabilisation de la France qu’elle s’est rapprochée de la Russie. On sait aussi que c’est l'intérêt objectif des Russes de mettre en difficulté les pays qui livrent des armes à l'Ukraine. Les Russes ont toujours eu recours à des stratégies de guerre hybride, allant au-delà des affaires purement militaires, pour tenter de gêner et de déstabiliser leurs adversaires. Objectivement, les pays qui fournissent des armes à l'Ukraine sont parmi les plus concernés. Cela concerne donc l'Algérie et la Russie. Quant à la Turquie, elle est engagée depuis longtemps dans des entreprises de déstabilisation en Allemagne et en France, notamment par le biais d'une institution appelée le Diyanet, qui pourrait être traduite par la "Présidence des Affaires religieuses" et dont le budget est supérieur à celui du ministère des Affaires étrangères turques. Il s’occupe des liens avec les très nombreuses associations cultuelles turques présentes dans différents pays européens, à commencer par l’Allemagne et la France. L’influence turque est très présente en France est très largement supérieur à la représentation proportionnelle des immigrés turques en France par rapport aux autres immigrés.

Est-ce que le rôle des puissances étrangères peut expliquer en partie les émeutes et, le cas échéant, dans quelle mesure ? Par quel biais ?

L'étincelle qui a déclenché les émeutes était la vidéo, sa force évocatrice et l'identité de la victime (qui appartenait à une famille influente de la cité de Nanterre). Cette vidéo a eu un impact considérable. Cela a bouleversé le scénario habituel avant que les trafiquants ne maîtrisent rapidement les violences urbaines, nuisibles à leurs trafics. Le problème est que l'émotion suscitée a dépassé toute logique, et aussi d'agir de manière raisonnable. Une fois que le phénomène s'est propagé à travers l'ensemble du territoire français, il est naturel que des facteurs liés à des actions souterraines d’entrisme et à des intérêts étrangers entrent en jeu et agitent les réseaux d’influence algériens, turcs, etc. 

Comment se manifestent les réseaux dans la propagation des émeutes ?

Il y a différentes manières par lesquelles les réseaux peuvent nourrir les émeutes. Certaines sont officielles, émanant directement du gouvernement : le communiqué du ministère des Affaires étrangères constitue, à ce titre, une véritable provocation. Cela montre clairement que l'Algérie ne fait même pas semblant de se dissocier de ces événements. Il en est de même pour les déclarations d'Erdogan. On peut aussi citer l'association turque, Milli Görüs, qui finance et contribue au financement de nombreuses mosquées françaises. Il y a donc un activisme quotidien et qui n'est pas seulement lié aux discours officiels.

Dominique Reynié a écrit « Il est clair désormais que Erdogan et Tebboune utilisent les émeutes pour manœuvrer contre la France. Erdogan poursuit son agenda frériste, Tebboune se rapproche fortement de Poutine. » Pensez-vous que chaque acteur poursuit son propre agenda ?

Je suis tout à fait d'accord. Chaque acteur poursuit son propre agenda, mais en exploitant les émeutes en France, cela constitue un acte clair de déstabilisation du pays. Chacun de ces acteurs considèrent également qu'il est dans son intérêt de contribuer à cette déstabilisation. 

Face à cela, quelle devrait être notre réponse ?

Il est essentiel de reconnaître que l'immigration non maîtrisée depuis 40 ans est à l'origine de la plupart des problèmes que nous rencontrons en France. Il existe un lien évident entre l'immigration non maîtrisée et les émeutes, et le communiqué de l'ambassade d'Algérie à propos des interpellés en est une nouvelle preuve. Ceux qui affirment que la majorité des personnes arrêtées sont françaises ignorent l'impact des politiques d'acquisition de la nationalité sur les circonstances entourant ces émeutes. Nous devons adopter une réponse extrêmement ferme en matière de contre-ingérence des services de renseignements sur notre territoire, ainsi qu'en termes de communication et de contre-ingérence dans les médias. Il est particulièrement important de prendre conscience de la complaisance de certains médias et politiciens envers les personnalités, notamment algériennes et turques, qui entretiennent des liens forts avec leur pays d'origine, qu'ils possèdent une double nationalité ou non. Et le gouvernement est encore loin du compte en la matière.

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