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Ces conséquences inattendues du déréglement climatique sur la criminalité et la violence
©Reuters

Il ne manquait plus que ça

Les chercheurs suggerent que les conditions météorologiques ont une incidence sur la criminalité dans la mesure où elle influe sur les comportements. En d'autres termes, les températures hivernales plus clémentes, que certains considèrent comme le seul résultat positif du changement climatique, ne sont pas uniformément positives.

Laurent Bègue

Laurent Bègue

Laurent Bègue est professeur de psychologie sociale à l'université Pierre Mendès-France de Grenoble, et directeur de la Maison des Sciences de l'Homme Alpes. Spécialiste des motivations individuelles et régulations sociales dans le jugement et les conduites sociales, il s'est beaucoup penché surles phénomènes d'agression, du jugement moral, et de la psychologie sociale de la délinquance.

Il est notamment l'auteur de Psychologie du bien et du mal (Odile jacob, 2011) et d'une cinquantaine d'articles scientifiques et chapitres d'ouvrages.

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Atlantico : Comment expliquer cette corrélation entre climat et violences ? Est-ce plutôt psychologique ou sociologique ?

Laurent Begue : L’explication de cette corrélation renvoie à une question qui anima la criminologie depuis le 19ème siècle, durant lequel le statisticien belge Adolphe Quetelet a développé la thèse de lois thermiques de la criminalité selon laquelle le taux de criminalité varierait en fonction de la température ambiante. Depuis lors, une multitude de recherches ont été menées pour établir la validité du lien entre la température et les conduites d’agression. Par exemple, CVraig Anderson, de l’université de l’IOWA analysé les statistiques criminelles de tous les États-Unis de 1971 à 1980 en contrôlant des variables connues pour leur contribution à la criminalité (PIB, âge, niveau d’éducation), et a montré que l’incidence des crimes violents était maximale en juillet, août et septembre. Une autre étude sur une plus longue période (1950 à 1995) a montré que la température annuelle était corrélée avec l’incidence des crimes violents (mais non ceux contre la propriété). Dans l’ensemble, ces recherches suggèrent une relation linéaire entre la chaleur et l’agression. Cependant, cela n’est pas si simple : la chaleur induit un certain nombre de rythmes de vie qui peuvent expliquer ces variations des taux de violence : lorsqu’il fait chaud, les journées sont généralement plus longues, les jeunes ne se trouvent pas à l’école (puisque c’est l’été), il y a en moyenne plus de gens dans la rue et les lieux publics, et la consommation d’alcool est plus importante. Tous ces facteurs sont connus pour élever le niveau moyen de conduites agressives.

D’autres études ont été réalisées sur le terrain. Lors de journées chaudes (27 degrés), un chercheur a chronométré le délai nécessaire à des automobilistes immobilisés à un feu avant de klaxonner un conducteur (un compère) qui tardait à avancer lorsqu’un feu passait au vert, et ce en fonction de la possession ou non d’un système de climatisation. Les résultats ont montré que les personnes qui ne disposaient pas de climatisation klaxonnaient en moyenne plus rapidement. D’autres travaux ont constaté un effet linéaire de la température sur l’usage du klaxon à une intersection bloquée par un véhicule, notamment chez les personnes qui n’avaient pas de climatiseur. Un résultat allant dans le même sens a été observé auprès de policiers effectuant une simulation d’intervention  alors que la température était confortable (21 degrés) ou chaude (27 degrés).

Une manière encore plus conclusive de déterminer un impact causal de la température est d’exposer les participants à des températures différentes afin d’examiner leur impact psychologique. Craig Anderson a ainsi amené des sujets à effectuer diverses activités (jouer à un jeu vidéo ou faire de l’aérobic) dans des pièces dont la température se situait entre 22 et 26 degrés Celsius (confortable), entre 26 et 31 degrés (chaude) ou entre 31 et 35 degrés (très chaude). On mesurait également le contenu de leur pensée. Les résultats ont montré que leurs idées hostiles  augmentaient linéairement en fonction de la température. Une autre étude a montré qu’une température élevée augmentait directement les affects hostiles et l’activation physiologique (liée à l’agression), et élevait indirectement les cognitions hostiles

Ce parallèle expliquerait-il la violence plus élevé dans certaines régions du globe ?

Bien que la température puisse constituer un facteur pertinent, il existe des déterminants historiques et socioculturels qui semblent beaucoup plus décisifs pour rendre compte des variations des taux de violence à travers le globe. A un niveau global, il semble difficile de les dissocier de la température elle-même puisqu’ils sont toujours confondus.

Le réchauffement climatique annonce une hausse globale des températures de 2° au cours des prochaines décennies. Peut-on s'attendre à des conséquences comportementales globales ?

Comme les travaux d'Harald Welzer dans « les guerres du climats » l’ont indiqué, des conséquences des changements climatiques sur les conflits humains sont à envisager sérieusement. Les déséquilibres géopolitiques induits par la raréfaction de l’eau ou les catastrophes naturelles seront les premiers effets du climat. On ne peut pas exclure que la température elle-même puisse y contribuer, mais il est difficile aujourd’hui d’apprécier dans quelle mesure l’impact sera médiatisé par des facteurs psychologiques comme l’inconfort résultant de l’élévation de la température.

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