Ces 3 maux français que révèle l’affaire du Fonds Marianne bien au-delà des reproches faits au ministère que dirigeait Marlène Schiappa <!-- --> | Atlantico.fr
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La secrétaire d'État Marlène Schiappa lors de son audition par une commission sénatoriale dans l'affaire du Fonds Marianne, à Paris, le 14 juin 2023.
La secrétaire d'État Marlène Schiappa lors de son audition par une commission sénatoriale dans l'affaire du Fonds Marianne, à Paris, le 14 juin 2023.
©BERTRAND GUAY / AFP

Démocratie fragilisée

Alors que Marlène Schiappa a été entendue mercredi par la commission d’enquête du Sénat, la polémique liée au Fonds Marianne n’est que la pointe émergée du continent des subventions non ou peu contrôlées. Cette affaire souligne les effets néfastes du favoritisme dans les décisions publiques et alerte sur la politisation de la justice, notamment des procédures par la gauche et l’extrême-gauche.

Céline Pina

Céline Pina

Née en 1970, diplômée de sciences politiques, Céline Pina a été adjointe au maire de Jouy-le-Moutier dans le Val d'Oise jusqu'en 2012 et conseillère régionale Ile-de France jusqu'en décembre 2015, suppléante du député de la Xème circonscription du Val d'Oise.

Elle s'intéresse particulièrement aux questions touchant à la laïcité, à l'égalité, au droit des femmes, à la santé et aux finances sociales et a des affinités particulières pour le travail d'Hannah Arendt.

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Charles Reviens

Charles Reviens

Charles Reviens est ancien haut fonctionnaire, spécialiste de la comparaison internationale des politiques publiques.

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LE FONDS MARIANNE N'EST QUE LA POINTE EMERGEE DU CONTINENT DES SUBVENTIONS NON OU PEU CONTROLEES

Céline Pina : La question du contrôle en France est un angle mort. Or si l’Etat n’est pas opérateur, il a au moins toujours un rôle de garant. Et la garantie n’existe que s’il y a contrôle. Pourtant avec l’essor de la décentralisation le contrôle de légalité des actes des collectivités locales a été largement revu à la baisse. Il est devenu aléatoire, a postériori et souvent ne débouche pas sur grand-chose, quant aux cours des comptes régionales, elles ont été largement émasculées et n’ont bien peu de moyens réels de contrôler effectivement les comptes des collectivités. Pourtant, si on fait des gorges chaudes du Fonds Marianne, la vraie corruption n’est pas là. Elle se niche dans les opérations d’aménagement et de construction qui brassent des dizaines voire des centaines de millions et sur lesquelles tout le monde ferme benoitement les yeux. Je me souviens qu’en 2014, j’étais élue sur l’agglomération de la Cergy-Pontoise, la directrice financière de la ville centre avait adressé un courrier à tous les élus et à la préfecture, dénonçant des atteintes aux marchés publics, nombreuses et réitérées. Elle a disparu du paysage, a été suspendue et a quitté le territoire et on n’a jamais plus entendu parler d’une quelconque procédure, aucune enquête n’a été menée et l’omerta s’est abattue sur toutes les opérations dénoncées. Ce qui m’a laissée une désagréable impression est surtout cette absence de vérification des dires de la fonctionnaire, alors que le courrier indiquait que des dossiers avaient été transmis aux autorités compétentes.

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En règle générale, les subventions sont peu contrôlées. D’abord parce qu’elles ne sont pas un dû. Il y a des critères d’attribution mais à la fin la décision est souvent politique et l’équité n’est pas la règle. Or pour le coup il est de la responsabilité du politique de choisir, dans les domaines qui relèvent de sa discrétion, qui il choisit d’aider et d’accompagner. On peut s’en réjouir ou s’en indigner, le dénoncer ou l’encenser, expliquer ce que cela révèle de l’idéologie ou des allégeances des élus, mais ensuite c’est à l’électeur de sanctionner ou non l’élu. Bien sûr que certaines relèvent du pur clientélisme plutôt que de l’intérêt général, c’est le cas des associations communautaristes et de celles liées à un mouvement politique. A certaine époque, les francs et franches camarades n’avaient guère de mal à obtenir des subventions des mairies communistes et les scouts d’europe, des mairies ancrées à droite ; Les aides à la construction de mosquée par exemple relèvent toujours de deal passés avec des communautés structurées, mais certaines subventions sont plus discrètes, elles passent par des mises à disposition de salles, des prêts à titre gracieux, des embauches discrétionnaires… Et pour le coup la NUPES, qui joue les vierges effarouchées sur le dossier Marianne n’a aucun scrupule à financer sa propre clientèle et n’est pas plus pure que les autres mouvements politiques à ce niveau. D’ailleurs elle fait peu le ménage dans ses propres rangs. On l’a peu entendu.

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Charles Reviens : En point de départ il faut rappeler qu’avec des dépenses publiques représentant 58.1% du PIB en 2022 (et même 61.3 % en 2020 lors de la première année de la pandémie covid-19) la France bat en la matière tous les records tant au niveau de l’Union Européenne (8,3 points de PIB en plus), de la zone euro (7.4 points de PIB en plus) et de l’OCDE. Il y a donc de la place pour des subventions même si la grosse masse de la dépenses concerne les prestations sociales et les salaires des agents publics.

Une partie significative de ces immenses moyens publics sont donc distribués aux associations, associations elles-mêmes très dépendantes de de l’argent public. Dans une contribution Atlantico Viviane Tchernonog indique que les communes financent 12 % des budgets associatifs, les départements 12 %, l’Etat 10 %, les organismes sociaux 8 % et les régions 5 %. Tout cela représente un soutien public total de près de la moitié des budgets associatifs ce qui est ENORME et ne peut que générer des conflits d’intérêt en tous sens.

Rien que pour le budget de l’Etat et selon l’annexe au projet de loi de finances 2023 relative à l’effort financier de l’Etat en faveur des associations, les versements aux associations ont représenté 10,5 milliards en 2021, avec un montant moyen de 102 700 € par versement d’un programme au siège d’une association ou à un de ses établissements et un montant médian de 5 900 €. Les plus gros montants sont versés aux associations qui sont des opérateurs des politiques publiques, par exemple dans le domaine de l’hébergement ou de l’éducation. La commande publique s’est d’ailleurs substituée aux subventions comme principale modalité de versement de moyens publics aux associations.

On imagine la complexité et même la quasi-impossibilité du contrôle de ces énormes moyens publics. La justification des versements, au cœur du débat sur l’affaire du fonds Marianne, n’est pas la règle notamment en ce qui concerne les nombreuses subventions des non moins nombreuses collectivités territoriales françaises. Il ne faut pas oublier en outre le trait culturel français de faible intérêt pour les études d’impact et le contrôle effectif de l’action publique.

En tout cas la commission d’enquête du Sénat sur le fonds « Marianne » permet de nous éclairer sur ce dossier bien pénible pour Marlène Schiappa et où se mêlent enjeux de conformité sur le versement de subventions, soupçons de règlements de comptes politiques et jugement sur le professionnalisme de l’action publique à la française. On se rappellera l’impact de la commission sénatoriale qui avait eu un rôle majeur pour déclencher l’affaire McKinsey et à propos de laquelle j’avais fait une contribution à Atlantico en mars 2022.

LE FAVORITISME, UNE PLAIE POUR LES DECISIONS PUBLIQUES MALGRE LES REGLES QUI L'INTERDISENT

Céline Pina :La question est compliquée. Dans une action politique il y a ce qui relève de la compétence liée et ce qui est laissé à l’appréciation de l’élu. L’élu est en charge à la fois de faire vivre la République et de faires respecter la loi, mais il possède en propre une marche de manœuvre. Faire la distinction entre ce qui relève de l’intérêt général et le favoritisme peut ne pas être évident. Parfois la mise en place d’une politique dans un secteur impose de réorienter les subventions dans un autre. Dans le cas du Fonds Marianne par exemple, ce qui pose un problème légal dans le cas de l’association dirigée par M. Sifaoui, c’est la façon dont l’argent a été utilisé, pas le fait que l’homme ait été proche de l’entourage de la ministre. Bref on peut prouver qu’une association ne mérite pas une subvention en contrôlant l’utilisation des fonds, mais dans la mesure où certains choix sont discrétionnaires et où tout choix favorise l’un au détriment de l’autre, la notion de favoritisme n’est peut-être pas la meilleure à utiliser pour trier le bon grain de l’ivraie.

Charles Reviens : Ma tendance naturelle est au légalisme et donc à une séparation stricte entre responsabilité politique (sanctionnée par le peuple lors des élections) et responsabilité juridique. Au cas d’espèce, le délit de favoritisme qui vise notamment les personnes dépositaires de l’autorité publique est défini à l’article 432-14 du Code pénal. Il sanctionne le fait de «  procurer ou de tenter de procurer à autrui un avantage injustifié par un acte contraire aux dispositions législatives ou réglementaires ayant pour objet de garantir la liberté d’accès et l’égalité des candidats dans les marchés publics et les délégations de service public ». La loi « Sapin II » de 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation économique, punit ce délit de 2 ans de prison et 200 000 euros d’amende.

Donc dans l’affaire du fonds Marianne la question est d’abord de savoir si les modalités de versement des subventions respectent le droit : les bénéficiaires étaient-il habilités à recevoir les fonds en question ? ces bénéficiaires ont-ils rempli leurs obligations à l’origine des versements ? Au-delà on rentre dans le champ de la responsabilité politique et alors la notion de favoritisme devient rapidement une quasi-invective du discours ou du commentaire politique notamment au service des opposants au gouvernement avec la cible désignée qu’est Marlène Schiappa.

Sur cette notion générale et quelque peu molle du favoritisme, il est utile de rappeler les travaux de l’école économique des choix publics (texte fondateur ‘The Calculus of Consent’ publié en 1962 par James M. Buchanan, prix Nobel d’économie 1986, et Gordon Tullock) : les décisions politiques ne résulteraient que de la somme de décisions individuelles des décideurs publics et seraient prises par leurs auteurs essentiellement dans leur propre intérêt personnel (être réélu, garder son poste, ses revenus et son pouvoir). Cela conduit à une acception large voire universelle de la notion de favoritisme puisqu’il s’agit bien de favoriser par ses décisions celles et ceux qui vont vous aider à conserver votre position.

A titre d’exemple, ma contribution de janvier 2022 sur la mise en place du pass vaccinal covid-19 indiquait que cette séquence s’expliquait plus facilement par des considérations électorales en amont de l’élection présidentielle que par la recherche de l’efficacité sanitaire, tout cela étant sans doute inéluctable du fait de la compétition permanente de la vie politique contemporaine.

LA POLITISATION DES PROCEDURES PAR LA GAUCHE OU L'EXTREME GAUCHE QUI CHERCHE A S'EN PRENDRE AU PRINTEMPS REPUBLICAIN ET A SES ADVERSAIRES POLITIQUES

Céline Pina :Dans le cas du Fonds Marianne, les sommes en jeu sont ridicules et l’histoire a tout du règlement de compte. A la fin c’est une subvention autour de 350 000 euros versée à une association reprise par Mohammed Sifaoui qui pose problème, l’affaire n’a pas été occultée ni couverte et l’enquête n’est pas entravée. Alors pourquoi en faire des tonnes ?Pourquoi une certaine presse en fait ses choux gras alors que la réalité des sommes est assez ridicule et que nul ne l’ignore ? La réponse n’est pas très compliquée : parce que c’est un moyen d’attaquer la laïcité et de terminer la liquidation symbolique de la gauche laïque et républicaine, de s’en prendre aussi à une ministre que l’on a dit proche du Printemps républicain. Se faisant, la NUPES donne des gages à ses alliés islamistes pour qui la laïcité à la française est une provocation et empêche d’imposer un multiculturalisme à visée séparatiste. Enfin cette cabale et envoie le message que les islamo-gauchistes, de la politique comme de la presse, s’accrocheront aux basques de tous ceux qui prennent position sur la laïcité ou dans la lutte contre l’islamisme et exploiteront la moindre faille pour les faire chuter. La NUPES fait de l’instrumentalisation politique, ce qui est son droit, mais le fait en servant les intérêts de mouvements violents et séparatistes, ce qui est une faute. Mais elle n’est plus à cela près dans la trahison des idéaux républicains. En revanche, on les entend moins sur les petits arrangements avec la loi que sont les subventions déguisés à la construction de mosquée via des baux emphythéotiques, pas du tout sur l’escroquerie qui consiste à subventionner des associations d’aides aux devoirs qui sont le faux nez d’associations prosélytes en banlieue, encore moins sur les cours d’arabe qui s’avèrent être des cours de psalmodie du coran… bref les Fouquier-Tinville d’hémicycles n’ont de vertu qu’ostentatoire et se fichent comme d’une guigne de l’intérêt général s’il ne peut être instrumentalisé pour servir leur propre agenda politique.

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