A marche forcée
Ce processus d'unification asiatique qui devrait inquiéter l'Occident qui se défait
Le monde évolue avec les BRICS qui s'organisent, les nouvelles routes de la soie qui s'ouvrent... Comment l'Occident peut jouer son rôle dans cette nouvelle donne face au continent Eurasiatique qui augmente la pression. De nombreux défis sont à relever.
Edouard Husson
Universitaire, Edouard Husson a dirigé ESCP Europe Business School de 2012 à 2014 puis a été vice-président de l’Université Paris Sciences & Lettres (PSL). Il est actuellement professeur à l’Institut Franco-Allemand d’Etudes Européennes (à l’Université de Cergy-Pontoise). Spécialiste de l’histoire de l’Allemagne et de l’Europe, il travaille en particulier sur la modernisation politique des sociétés depuis la Révolution française. Il est l’auteur d’ouvrages et de nombreux articles sur l’histoire de l’Allemagne depuis la Révolution française, l’histoire des mondialisations, l’histoire de la monnaie, l’histoire du nazisme et des autres violences de masse au XXème siècle ou l’histoire des relations internationales et des conflits contemporains. Il écrit en ce moment une biographie de Benjamin Disraëli.
BRICS, nouvelle route la soie, Union eurasiatique, organisation de coopération de Shanghai...ces différentes organisations eurasiatiques se mettent progressivement en ordre de marche afin d'unir les pays qui composent le continent. Dans quelle mesure cette "intégration" eurasienne est elle sous estimée en Europe ? Que pourraient être les conséquences, à terme, d'une telle intégration ?
Du point de vue de l'occident, et de l'Europe, quelles en sont les conséquences ? Comment aborder cette intégration, et comment se définir, soit en opposition à cette intégration eurasienne, soit en l'accompagnant ?
Dans quelle mesure cette construction eurasienne peut elle modifier, dès aujourd’hui, les rapports entre les Etats Unis et cette région du monde, notamment dans le cas de la gestion du cas nord coréen, ou afghan ?
La France est grande lorsqu'elle refuse la logique des blocs. On voit bien comment l'émergence de l'Eurasie est la négation de l'ambition exprimée par Brzezinski en 1997 dans le Grand Echiquer. Petit à petit les Etats-Unis sont expulsés du coeur de l'Eurasie. Ils ne peuvent rien faire en Irak sans l'Iran. Ils auront le plus grand mal à tenir l'Afghanistan au-delà de quelques années. La Turquie prend ses distances. L'Etat syrien n'a pas pu être détruit comme l'Etat irakien l'avait été. Les Etats-Unis essaient bien d'entretenir des tensions sur les contours de l'Eurasie: soutien aux nationalistes et à l'oligarchie de l'Ouest de l'Ukraine; coopération renforcée avec l'Inde; renforcement de l'effort militaire en Afghanistan; tensions très fortes avec la Corée du Nord. Quand j'observe l'attitude de Trump vis-à-vis de la Corée du Nord mais aussi de l'Afghanistan ou de l'Iran, j'ai le sentiment d'assister à des tentatives un peu désespérées de retarder l'inéluctable expulsion des Etats-Unis du continent asiatique - Japon mis à part - et, plus globalement, de l'Eurasie. De fait, le sommet des BRICS est aussi l'occasion d'évoquer l'Union Economique Eurasiatique, l'Organisation de la Coopération de Shanghai et la Nouvelle Route de la Soie. Tout se passe comme si émergeait un bloc gigantesque démographiquement et économiquement de pays aussi irrésistiblement attirés par la bonne entente entre Pékin et Moscou que d'autres puissances le sont par les Etats-Unis. Le coeur de l'ambition de l'Eurasie organisée en train d'émerger, c'est le début de construction d'un nouvel ordre monétaire pouvant, à terme, se passer du dollar.
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