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L’Education Nationale, l’école, n’a plus le monopole du savoir, ni celui de la transmission. Le prof n’est plus que l’un des multiples interlocuteurs de celui qui souhaite apprendre.
L’Education Nationale, l’école, n’a plus le monopole du savoir, ni celui de la transmission. Le prof n’est plus que l’un des multiples interlocuteurs de celui qui souhaite apprendre.
©Reuters

L'instit'

Face à la multiplication des nouvelles sources d'information, un bon professeur doit savoir se positionner en relief par rapport aux autres sources d’information, pour rendre les enfants curieux, donc enseignables. Troisième épisode de notre série.

Pierre Duriot

Pierre Duriot

Pierre Duriot est enseignant du primaire. Il s’est intéressé à la posture des enfants face au métier d’élève, a travaillé à la fois sur la prévention de la difficulté scolaire à l’école maternelle et sur les questions d’éducation, directement avec les familles. Pierre Duriot est Porte parole national du parti gaulliste : Rassemblement du Peuple Français.

Il est l'auteur de Ne portez pas son cartable (L'Harmattan, 2012) et de Comment l’éducation change la société (L’harmattan, 2013). Il a publié en septembre Haro sur un prof, du côté obscur de l'éducation (Godefroy de Bouillon, 2015).

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La question s’est complexifiée au fil des évolutions de la civilisation et l’acte d’enseigner se noie aujourd’hui dans le flot de l’information circulante que prévoyait Henri Laborit dans « La nouvelle grille ». L’Education Nationale, l’école, n’a plus le monopole du savoir, ni celui de la transmission. Le prof n’est plus que l’un des multiples interlocuteurs de celui qui souhaite apprendre. Le savoir dispensé par l’école est en concurrence avec d’autres sources de savoirs, qui viennent parfois la contredire. Le professeur risque aussi la perte dans la multiplicité des profils d’élèves qui se présentent à lui.

Notre société ne fournit plus à l’école, dès la maternelle, de ces profils d’élèves relativement homogènes, confiés à l’institution par des parents soucieux de voir leurs enfants s’élever, par le savoir, dans une société qu’ils ont construite ou dont ils ont hérité et qui pensaient-ils, serait encore meilleure pour leurs enfants que pour eux. Non, la crise passe par là et chacun perçoit bien que la vie à venir de son enfant sera sans doute plus dure que celle de son parent. Que l’enfant ne s’élèvera pas forcément par le savoir, au-dessus du niveau social de ses parents, comme ce fut souvent le cas jusque dans les années 80, d’où souvent, une dévalorisation de l’école, accusée de ne plus remplir son rôle d’ascenseur social. Mais l’institution scolaire n’est pas la seule en cause. Le statut des enfants aussi a changé, à mesure qu’ils devenaient viables dans de grandes proportions, qu’ils ne tombaient plus comme des mouches de cette mortalité infantile qui autrefois décimait les jeunes. L’enfant d’aujourd’hui est précieux, voulu, rare parfois, souvent surinvesti. L’interdit, la frustration et la limite sont devenus difficiles à tenir alors qu’ils sont nécessaires à la construction des jeunes individus.

Notre modèle de civilisation a ceci de schizophrène qu’il a besoin, pour se perpétuer, de jeunes éduqués, citoyens et responsables, mais qu’il a besoin également, pour rester société de consommation, d’enfants impatients, pulsionnels et boulimiques d’objets neufs. On ne peut en aucun cas être l’un et l’autre. A ce jeu du désir, on risque de tuer dans l’œuf cette sensation de manque qui génère l’envie et donc l’envie d’apprendre. Cette envie, quel que soit le professeur, sera le moteur de la relation dans l’acte d’enseigner. Le bon professeur a besoin d’élèves curieux et ne pourra rien ou pas grand-chose face à un public de consommateurs comblés, psychiquement obèses, où le savoir n’aura plus de place. Ou face à des jeunes délaissés, sans statut social, éternellement marginalisés et frustrés. Or apprendre, c’est grandir, pour obtenir l’autorité par le savoir, mais le processus tombe à plat si l’enfant a déjà autorité sur les adultes qui l’entourent, sur son environnement proche et si cette autorité artificielle lui permet de s’affranchir de la règle commune. Pour que le professeur puisse enseigner il faut que l’élève soit enseignable, qu’il ait conscience qu’il doit grandir, qu’il ne soit pas très tôt le petit roi d’un petit monde à son service ou trop tôt rejeté par le monde sensé l’accueillir et le former.

Éduquer et instruire nos jeunes, c’est leur apparaître dans une forme d’asymétrie où l’enfant va reconnaître dans cet adulte qui lui est imposé, une forme d’autorité par la sagesse et par le savoir. Mais également, enseigner n’est pas que la transmission. C’est aussi le frottement, les positionnements respectifs, des personnalités de l’enseignant et des élèves et l’utilisation de cette relation subtile par l’enseignant pour se positionner en relief par rapport aux autres sources d’information, pour rendre les enfants curieux, donc enseignables. L’acte d’enseigner, donc la définition du bon prof, est indissociable du statut de l’enfant dans la société, est en prise avec l’envie de grandir, l’appétit d’apprendre… que nous adultes, tous ensemble, donnons à nos enfants. Il ne peut donc plus y avoir de bons profs isolés, de ces individualités magiques qui habiteraient des classes havres de paix dans des collèges difficiles situés en zones sensibles.

Non, la cohérence entre adultes, équipes de professeurs, parents, animateurs, moniteurs de sports, est indispensable. Nous devons montrer sans faillir, à nos enfants, de manière collégiale, avec ce respect, entre nous et envers les jeunes dont nous avons la charge, ce chemin qui va les amener dans le cercle des adultes. Nous devons, chacun dans son rôle d’adulte, auprès de ces jeunes, leur donner envie de nous ressembler. A quoi servirait-il d’apprendre pour ressembler à des adultes faibles et mal dans leurs peaux, générateurs d’une société anxiogène ? Enfin enseigner à l’enfant c’est accepter sans crainte de lui faire confiance en lui donnant la capacité à se passer de nous. Devenir un bon professeur aujourd’hui, est une tâche immense et collective.

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